CHRONIQUE SUR LES COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DÉCODAGE
CONTEXTE. De plus en plus de conseils municipaux, de conseils de communauté, de conseils généraux diffusent en direct sur Internet leurs séances publiques. Ce passage au numérique constitue un acte majeur qui garantit un accès citoyen à la démocratie locale.
ENJEUX. Que reste-t-il lorsque les pouvoirs locaux refusent d’utiliser les moyens numériques ? Le vieux « compte rendu des débats » sur papier, dont la diffusion est le plus souvent confidentielle. Plusieurs questions légitimes se posent alors. Quels rapports ces documents entretiennent-ils avec la liberté d’expression des élus ? Permettent-ils la transparence des actes publics ? Assurent-ils l’égalité aux minorités politiques ? Sont-ils fiables ?
L’EXERCICE INCONTOURNABLE DU POUVOIR
Le philosophe Philippe-Joseph SALAZAR, spécialiste de rhétorique sociopolitique, est formel : « La politique, en France, est une dramatisation de la parole. L’hyper, l’outré, l’exagéré donnent confiance. » Nous voilà prévenus. L’exercice incontournable du pouvoir consiste pour lui à paraître par la parole, à apparaître par la persuasion. Les promesses sont rarement tenues. La politique se résume à l’art de convaincre qu’elles le seront. Elle devient un reality show de la persuasion. (1)
L’HYPERPOLITQUE
Quatre technologies fabriquent l’hyperpolitique :
- la présence massive de montages rhétoriques de connivence (Tu diras ça, je répondrais ça),
- l’assemblage de « machines d’appel au peuple, à la masse, aux gens »,
- l’engrenage de paroles montées et lubrifiées par le recours aux valeurs, à la bonne gestion, à l’éthique,
- la dénonciation permanente des opposants, de leurs paroles, de leurs pensées.
Nous ne sommes plus dans un « vivre ensemble » fondé sur un « faire avec », mais sur un « vivre séparé », fondé sur un « faire contre ».
CONTRÔLER LA PAROLE PUBLIQUE DES AUTRES
Pour un pouvoir en place, contrôler les paroles publiques des « amis », comme celle des « ennemis », est une priorité. Chaque séance publique du conseil municipal de Savigny-sur-Orge donne lieu à la production d’un « Compte rendu des débats ». Il est censé relater, dans un ordre chronologique, le nom et le contenu des interventions orales successives des conseillers municipaux. Ce compte rendu est une production littéraire particulière, établie par le secrétariat de la mairie, sous le contrôle du cabinet du maire et du maire, et d’un secrétaire de séance qui cautionne le texte.
La fonction effective, pour le pouvoir en place, est d’exercer un pouvoir de contrôle des paroles des autres qu’il s’arroge. Alors, on ne relate jamais intégralement. On transforme une parole directe en parole indirecte. On résume. Bien évidemment, on ne soumet jamais à l’auteur le texte pour une relecture préalable. Et, d’une façon inévitable, on introduit, des artefacts, des mots, des significations qui ne correspondent pas à la réalité.
N’EST PAS VERBATIM QUI VEUT
Le texte qui est produit n’est pas un « verbatim », c’est-à-dire une relation textuelle « mot pour mot » des paroles prononcées. Rédigé en style indirect il résume les propos tenus. On peut lire ainsi que Monsieur (ou Madame Y) « rappelle », « souhaite », « indique », « souligne », « propose », « précise », « se demande », « évoque, « dit », « demande », « parle », « confirme », « observe », « note », « relève »… La lecture est rapidement monotone. En revanche, les longues interventions du maire, rédigées avant les séances, et lues, longuement, sont relatées en style direct.
EXEMPLE
DU REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS
I. Séance du conseil municipal du 28 février 2013
1 • Transcription complète d’une intervention d’après l’enregistrement
Conseil municipal du 28 février 2013
Délibération n°2/619
ÉLABORATION DU PLAN LOCAL D’URBANISME (PLU). PRÉSENTATION ET DÉBAT SUR LE PROJET D’AMÉNAGEMENT ET DE DÉVELOPPEMENT DURABLE (PADD)
Monsieur MÉRIGOT
Il y a un décalage entre les documents diffusés aux membres du conseil municipal et la présentation qui vient d’être faite par Mme. BROWN du Cabinet Codra. Je regrette que les documents projetés n’aient pas été préalablement adressés aux membres du conseil municipal avec la convocation à la présente séance du conseil municipal.
Mes remarques porteront sur le document qui a été adressé aux membres du conseil municipal avec la convocation à la présente séance du conseil municipal de ce jeudi 28 février 2013. Le seul document diffusé est une note de synthèse de deux pages et demie. Elle constitue une version différente de la note de synthèse qui avait été adressée sur le même sujet aux membres de la commission municipale de l’urbanisme pour sa réunion du mardi 19 février 2013.
Le document diffusé concernant la délibération d’aujourd’hui est très bref. Il n’y a pas de précision. Son propos est très général. On peut lire, en page 2, que l’un des objectifs du PADD est de « viser la mutation de certains secteurs ». De quels secteurs parlons-nous ? De quelles mutations parlons-nous ? Il n’y a pas de précision. Il est impossible d’être ou de ne pas être en désaccord avec un tel objectif. Émettre un avis sur un tel énoncé n’a aucun sens. Ce qui vient d’être dit concernant les projets sur le quartier des Rossays est inquiétant.
D’autres énoncés du même niveau de généralité peuvent être cités comme « préserver les quartiers anciens », ou « favoriser l’artisanat », ou encore « poursuivre l’amélioration de l’offre en équipements et service ». Quelles sont les mesures qui sont envisagées ? De quels équipements est-il question ? Aucune précision n’est apportée.
En ce qui concerne une possible concertation sur l’avenir, je rappellerai que ce n’est pas au pouvoir exécutif, qui la prescrit et qui l’organise, d’en faire l’évaluation à la place des parties prenantes, mais que celle-ci revient à une autorité tierce. Je rappellerai les propos d’un auteur bien connu sur la réalité participative. Celle-ci se juge à la fin en répondant à cette question : « La réalisation de ce projet a-t-il fait progresser la démocratie locale ou bien l’a-t-il faite régresser ? ».
La brève note de synthèse, générale, énonce un des objectifs suivant : « préserver l’identité urbaine de la commune dans un projet de cohérence intercommunale avec les villes voisines ». On le comprend bien, les Plans locaux d’urbanisme (PLU) réduits au territoire d’une seule commune sont confrontés pour l’avenir aux Plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) et aux Schémas de cohérence territoriaux (SCOT). Je voudrai savoir quel est le calendrier de réalisation en matière de PLU intercommunal et de SCOT concernant nos cinq communes.
Je voudrais revenir sur le fait que le PLU a été prescrit en 2011 alors que la commune ne faisait partie d’aucune intercommunalité. Depuis le 1er janvier 2013, Savigny-sur-Orge est membre de la Communauté d’agglomération Les Portes de l’Essonne (CALPE). Cela a des conséquences car les compétences exercées précédemment par la commune sont désormais exercées par la CALPE. C’est le cas du développement économique, des transports, de l’insertion professionnelle, de l’assainissement, de l’éclairage public, de la collecte des déchets ménagers. Quelle politique la CALPE envisage-t-elle de mener dans les années à venir en matière d’implantation d’entreprises et de création d’emploi dans la commune de Savigny-sur-Orge ?
2 • Transcription selon le « Compte rendu des débats »
On comparera le texte réel de cette intervention avec ce qu’elle est devenue dans le compte rendu des débats.
2013-02-28 SSO CM Extrait du registre des délibérations
La référence de ce document est :
COMMUNE DE SAVIGNY-SUR-ORGE, Extrait du registre des délibérations, séance du 28 février 2013, 26 p. + 3. Texte adressé aux membres du conseil municipal par le Maire le 18 juin 2013 en vue de son approbation lors du conseil municipal du 24 juin 2013.
3. La lettre de Bernard MÉRIGOT au maire de Savigny-sur-Orge (LRAR)
Ce compte rendu a amené l’envoi, le 23 juin 2013, d’une lettre (LRAR) de Bernard Mérigot au maire de Savigny-sur-Orge. En voici un extrait :
« J’ai reçu le compte rendu des débats de la séance du conseil municipal du 28 février 2013. Il appelle de ma part de nombreuses observations. Il n’a pas mon approbation.
Je note, en page 11, que l’intervention de Madame BROWN n’est pas mentionnée alors qu’elle a pris la parole pour une longue intervention.
A la page 18, mon intervention figure. Sa transcription est insincère par rapport aux paroles prononcées. Elle affecte la compréhension. Je tiens à votre disposition plusieurs enregistrements parfaitement audibles effectués par des personnes présentes. Ainsi, je n’ai jamais prononcé le mot « argent » en rapport avec « les réalités participatives ».
Je demande que le texte de mon intervention, en style direct, qui est joint au présent courrier, figure au compte rendu des débats.»
II. Séance du conseil municipal du 25 mars 2013
A titre de complément d’information, nous faisons figurer le compte rendu officiel des débats de la séance du 25 mars 2013.
2013-03-25 SSO CM Extrait du registre des délibérations
La référence de ce document est :
COMMUNE DE SAVIGNY-SUR-ORGE, Extrait du registre des délibérations, séance du 25 mars 2013, 42 p. Texte adressé aux membres du conseil municipal par le Maire le 18 juin 2013 en vue de son approbation lors du conseil municipal du 24 juin 2013.
RÉFÉRENCE
SALAZAR Philippe-Joseph, L’Hyperpolitique, une passion française, Klincksieck, 2009, 198 p.
Mention du présent article : http//www.savigny-avenir.info/ISSN 2261-1819
BNF. Dépôt légal du numérique, 2013