Savigny-sur-Orge. Élections municipales de 2014. « La ville de toutes les divisions »

LE RÔLE CITOYEN DE LA PRESSE ÉCRITE LOCALE

Nous avons interrogé Bernard MÉRIGOT à propos de l’article que le journal Le Parisien Essonne-matin du 7 janvier 2014 consacre à la situation politique de la commune de Savigny-sur-Orge (Essonne) à moins de trois mois des élections municipales de mars.

LE CITOYEN EST UN TIERS DRAMATIQUEMENT EXCLU

Question. Comment considérez-vous la contribution apportée par la presse locale à la vie démocratique ?
Bernard MÉRIGOT.
Les acteurs de la vie municipale locale peuvent-ils porter un jugement sur eux-mêmes ? Sont-ils en mesure d’apprécier tout seul les effets que produisent aussi bien les paroles publiques qu’ils prononcent que les actions publiques qu’ils conduisent ? Ou bien un regard extérieur leur est-il nécessaire pour qu’ils aient une conscience éclairée, une perception critique, une appréhension du rôle véritable qu’ils remplissent et dont ils ne peuvent pas avoir conscience ? Les réponses à ces questions sont déterminantes pour apprécier le rôle citoyen que joue la presse écrite quotidienne. Le fait que des journalistes professionnels publient régulièrement des articles sur des communes doit être pris en compte : ils se déplacent, ils assistent à des réunions, ils rencontrent des gens, ils écoutent, ils prennent des notes, ils posent des questions, ils écrivent les réponses qu’on leur donne, ils prennent des photos. La sociologie, l’anthropologie, l’ethnologie, tout comme la contribution du philosophe John DEWEY, nous ont appris que toute enquête produisait un « objet construit », qui est explicite, et qui est distinct de l’objet réel, qui lui, est implicite. Dans le cas présent, ces deux objets s’éclairent l’un l’autre et font apparaître un tiers dramatiquement exclu : le citoyen.

« Savigny-sur-Orge. Les cartes sont brouillées » (1) Laurence SPICHER-BERNIER, Bernard MÉRIGOT,
Pierre GUYARD, Éric MEHLHORN, Jean ESTIVILL, Jean-Miche ZAMPARUTTI, David FABRE, Dominic LEBRUN,
Audrey GUIBERT Le Parisien Essonne-matin, 7 janvier 2014 (Début de l’article)

LES LIENS SOCIAUX NATURELS ONT ÉTÉ ROMPUS

Question. Le titre de l’article signé par Cédric SAINT-DENIS est « A Savigny-sur-Orge, les cartes sont brouillées. Alliances surprenantes, exclusions et trahisons animent la campagne dans la 4e ville du département, tenue par la droite depuis 1983 ». Qu’en pensez-vous ?
Bernard MÉRIGOT.
Le titre est à lui seul une analyse de la vie de la démocratie locale. Il est évident que Laurence SPICHER-BERNIER, depuis son élection en septembre 2008 comme maire de la commune, à la suite du décès de Jean MARSAUDON, a abandonné volontairement la mission prioritaire qui incombe à toute élu du suffrage universel qui a la responsabilité d’une commune : rechercher les consensus qui permettent de défendre l’intérêt général. Elle s’est adonnée à toutes les manœuvres de division, d’accusation, d’invective, d’exclusion, d’ostracisme, de poursuite de conseillers municipaux devant les tribunaux… Tout cela pour asseoir un pouvoir personnel en s’appuyant sur une très courte majorité de connivence. Tout est parti de là. De proche en proche, tous les liens sociaux naturels, si bien décrits par John DEWEY, ont été atteints : ils se sont distendus, ils se sont rompus.

LE CITOYEN NE COMPREND PLUS RIEN

Question. Quel est le sens de l’analyse que fait Cédric SAINT-DENIS, le journaliste du Parisien ?
Bernard MÉRIGOT.
« Cartes brouillées », « alliances surprenantes », « exclusions », « trahisons »… Il nous dit que le citoyen savinien – qui sera un électeur au mois de mars –  ne comprend plus rien. Est-ce normal qu’il ne comprenne plus rien ? Oui, en raison de la situation particulière produite par le pouvoir du maire. Une telle situation d’illisibilité politique est-elle normale ? Non. Ses responsables sont connus : ce sont les élus en place et les partis politiques. Je vous renvoie à mon intervention aux États généraux de la démocratie territoriale organisés par Jean-Pierre BEL au Sénat en 2012. (2) Nous sommes dans la situation décrite par Joseph SCHUMPETER. Pour lui la professionnalisation du personnel politique a transposé la logique économique producteur/consommateur au niveau politique : les électeurs sont devenus des consommateurs de politique, et les hommes politiques sont devenus  des producteurs de politique. Cela a pour conséquence, comme en économie, d’amener une adaptation du producteur politique à la demande politique. En d’autres termes : le personnel politique a tendance à privilégier la prise de décisions propre à satisfaire son électorat. Et pas l’électorat de son adversaire. Bien évidemment, la situation d’un candidat sortant, qui se représente, est différente de celle d’un candidat nouveau qui n’a n’exerce pas de mandat. La politique est un marché : il y a une demande des citoyens et il y a une offre des élus. Le problème, c’est que l’offre politique ne correspond pas à la demande politique.

« Savigny-sur-Orge. Les cartes sont brouillées » (1) Le Parisien Essonne-matin, 7 janvier 2014 (Fin de l’article)

LES CITOYENS SONT MALHEUREUX

L’électeur municipal a une existence éphémère. Il ne vit qu’une fois tous les six ans. Le reste du temps c’est un citoyen : on lui dispense des informations filtrées et on lui demande de soutenir son maire. Cela relève de l’impudence. Le retournement est incroyable : ce ne sont pas aux habitants de soutenir leurs élus, mais c’est aux élus de soutenir les habitants. Les citoyens ont une vision plus saine que celle des élus. Par exemple, ils croient que l’État joue un rôle de régulation à l’égard du pouvoir des maires et que le Préfet exerce un contrôle de légalité. Cette croyance correspond à une exigence démocratique qui est légitime. Malheureusement, la réalité ne correspond pas à l’attente. Il suffit de lire à ce sujet ce qu’écrit le très sérieux Bulletin juridique des collectivités locales. Sa lecture est de nature à faire perdre à tout citoyen les illusions qu’il peut avoir. (3) Au pire, il se résignera. Au mieux, il se mettra en colère.

Les exemples où l’on voit des citoyens malmenés par les pouvoirs locaux ne manquent pas. Les exemples où l’on voit des citoyens malmenés par l’État et par son administration ne manquent pas. Et comme si cela ne suffisait pas, on voit en plus des citoyens malmenés à la fois par les pouvoirs locaux et par l’État et son administration. Une telle violence conjointe du pouvoir local et du pouvoir d’État est une violence généralisée faite à la démocratie. Dans ces conditions, pourquoi feindre de s’étonner de la progression des abstentions lors des élections, et du succès légitime de ceux qui dénoncent le mépris pratiqué à l’égard des citoyens ordinaires.

UN CAS DE NON-ASSISTANCE À DÉMOCRATIE EN DANGER

Question. Pouvez-vous donner un exemple concret de la connivence entre les pouvoirs en place que vous dénoncez ?
Bernard MÉRIGOT.
Le fait qu’un maire, Laurence SPICHER-BERNIER en l’ocurence, convoque les séances publiques du conseil municipal de Savigny-sur-Orge un jour ouvrable à 8 heure 30 du matin n’est pas une anecdote amusante. C’est une atteinte portée à la démocratie. Et le fait que le Préfet ne trouve rien à y redire constitue un acte de non-assistance à démocratie en danger.

  • Le maire dit : « Je convoque le conseil municipal quant ça me plait. La loi ne m’oblige pas à le convoquer à une heure particulière».
  • Le préfet dit : « La loi ne m’oblige pas obliger le maire à convoquer le conseil municipal à une heure particulière ».
  • Le ministre dit « La loi ne m’oblige pas à obliger le préfet à obliger le maire à convoquer le conseil municipal à une autre heure que 8 heure 30 du matin ».
  • Le Tribunal administratif dit : « La loi n’oblige pas un maire à convoquer, d’une façon systématique, le conseil municipal à une autre heure que 8 heure 30 du matin ».
  • Le législateur (l’Assemblée nationale et le Sénat) dit « L’autonomie et la liberté des collectivités locales est un principe sacré».  Alors il  s’emploiera  à ne pas modifier la loi.

Conclusion : tout le monde trouve de bonnes raisons pour ne pas lancer une bouée à la démocratie alors qu’elle est en train de se noyer dans le secret, dans la confidentialité, dans  l’indifférence.

LA LOGIQUE DES PARTIS EST DÉPASSÉE

Question. Quelle est votre position personnelle à l’égard de la commune qui réunit son conseil municipal à 8 H 30 du matin ?
Bernard MÉRIGOT.
L’article écrit : « Le PS Pierre GUYARD, fils de l’ancien maire d’Évry, a été choisi pour mener la liste regroupant socialistes, verts, communistes et radicaux de gauche. Un rassemblement, appuyé fin octobre… par Bernard MÉRIGOT,  l’ex-premier adjoint de Laurence SPICHER-BERNIER. « L’avenir de Savigny passe par d’autres voies que des accords d’états majors de partis politiques », explique celui qui a quitté l’UMP et dernièrement DLR. »

Je suis sur la même longueur d’onde que Jean-Paul DELEVOYE, président du Conseil économique social et environnemental, troisième assemblée constitutionnelle après l’Assemblée nationale et le Sénat. Il est maire de Bapaume (Nord). Il a quitté l’UMP et soutien le candidat du PS. Pour quelle raison ? Parce que c’est pour lui le meilleur candidat pour être maire et assurer l’avenir de la ville. Le devoir citoyen n’est pas de soutenir un candidat en fonction de son étiquette, mais en fonction de ses compétences et de son programme. A Savigny-sur-Orge, pour les prochaines élections municipales des mars 2014, le meilleur candidat est Pierre GUYARD.

DOCUMENT

« À Savigny-sur-Orge, les cartes sont brouillées. Municipales : Alliances surprenantes, exclusions et trahisons animent la campagne dans la 4e ville du département, tenue par la droite depuis 1983.
La ville de toutes les divisions
Depuis 2008 et la mort du maire, Jean Marsaudon (UMP), tout juste réélu, chacun joue sa carte à savigny-sur-Orge. Celle qui lui a succédé, Laurence Spicher-Bernir (UDI), s’est fait beaucoup d’ennemis au sein de la majorité municipale. Certains de ses anciens adjoints (Bernard Mérigot, Jean-Michel Zamparutti) ont rejoint l’opposition ou se présentent face à elle comme Éric Mehlhorn. La gauche apparaît aussi éclatée malgré la tentative de réunion de Pierre Guyard (PS) avec la candidature de David Fabre (ex-PS). Le Parti de gauche, lui, vient d’exclure Jean Estivill, figure trouble sur l’échiquier politique local ., pour présenter un autre candidat. A qui profitera ce poker menteur ?
Qui succédera dans les urnes à Jean Marsaudon, le maire (UMP) défunt, qui a dirigé pendant vingt-cinq ans Savigny-sur-Orge, jusqu’à sa  morten 2008? A onze semaines du premier tour des municipales (le 23 mars), le flou domine dans la 4e ville du département. Exclusions, trahisons, alliances surprenantes, tous les coups sont permis à droite comme à gauche. En embuscade, le FN présentait hier son programme dans cette ville qu’il a ciblée de longue date.
A droite, Tron joue les casques bleus
Aujourd’hui, la droite a peur que la ville bascule à gauche. Georges Tron, le patron de l’UMP, l’avoue : « Savigny est un des enjeux les plus importants du département. La disparition de Jean Marsaudon a bouleversé la donne. »
Depuis qu’elle a pris la succession de l’ancien maire, Laurence Spicher-Bernier est taclée pour son « autoritarisme » et son « manque de dialogue ». Très vite, elle a perdu l’appui d’une partie de sa majorité. Après avoir demandé l’exclusion de six de ses conseillers municipaux (trois adjoints dont Eric Mehlhorn), elle a même décidé de les attaquer en justice pour avoir refusé de tenir, en mars 2011, des bureaux de vote lors des élections cantonales. L’an passé, aux législatives, elle est exclue de l’UMP pour s’être présentée (défaite au 1er tour avec 10%) face à la candidate investie par le parti. Elle a, depuis, trouvé refuge à l’UDI.
Fin décembre, les patrons départementaux de l’UMP et de l’UDI ont donc convié Laurence Spicher-Bernier (investie par l’UDI) et Eric Mehlhorn (candidat UMP) à enterrer la hache de guerre, la maire retirant sa plainte. Pour autant, « on ne règle pas quatre ans de divisions en cinq minutes », commente Eric Mehlhorn. Georges Tron, lui, ne désespère pas de faire changer d’avis son protégé. « Ce n’est pas définitivement clos, affirme le patron de l’UMP. Je suis en train de rédiger un courrier que je vais soumettre aux intéressés? » A défaut d’une seule liste, les deux partis pourraient tomber d’accord sur « un pacte de non-agression au 1er tour » et « un désistement au 2e tour » au profit du mieux placé. De quoi faire grincer les dents de Jean-Pierre Lubat (MoDem) et Daniel Jaugeas (DLR), qui ont choisi cet automne de soutenir Eric Mehlhorn, « faute de dialogue avec la maire ».
Les listes se multiplient à gauche
L’opportunité quasi historique de reconquérir Savigny n’a pas fait disparaître les dissensions à gauche. Appelé à la rescousse, le PS Pierre Guyard, fils de l’ancien maire d’Evry, a été choisi pour mener la liste regroupant socialistes, verts, communistes et radicaux de gauche. Un rassemblement, appuyé fin octobre, par… Bernard Mérigot, l’ex-premier adjoint de Laurence Spicher-Bernier. « L’avenir de Savigny passe par d’autres voies que des accords d’états-majors de partis politiques », explique celui qui a quitté l’UMP et dernièrement DLR.
Malgré cet appui demeure une grosse ombre au tableau : la candidature de David Fabre. En 2008, investi par le PS, il avait récolté 38,8% au 1er tour. Exclu depuis du PS puis d’EELV, cet entrepreneur de 41 ans est à la tête d’une liste citoyenne (sans étiquette), rejoint dernièrement par Jean-Michel Zamparutti, un ancien adjoint (UMP) de Laurence Spicher-Bernier! De quoi brouiller encore un peu plus les cartes.
La dernière crise concerne le Parti de gauche, qui fait bande à part. Candidat en 2008 (11,1%), Jean Estivill a été suspendu fin décembre par son parti. « Les militants lui ont préféré Dominic Lebrun, qui clarifie la situation plutôt que de la troubler », indique Mounia Benaili, cosecrétaire du PG 91. Soupçonné par l’opposition municipale de faire le jeu de la maire, l’intéressé répond que « cela relève de la polémique politicienne ». Aussi maintiendra-t-il une liste intitulée Savigny Égalité.
Les espoirs du FN
Le parti de Marine Le Pen ne s’en cache pas. Il a ciblé Savigny comme une de ses priorités en Essonne. « C’est pour ça qu’on a installé notre permanence départementale dans cette ville », indique Audrey Guibert, la patronne du parti dans l’Essonne, qui portera elle-même une liste à Savigny.
CÉDRIC SAINT-DENIS
 Un autre candidat s’est officiellement déclaré. Il s’agit d’Olivier Vagneux (SE). »

RÉFÉRENCES
1.
« A Savigny-sur-Orge, les cartes sont brouillées. Alliances surprenantes, exclusions et trahisons animent la campagne dans la 4e ville du département, tenue par la droite depuis 1983 », Le Parisien Essonne-matin, 7 janvier 2014. Article de Cédric Saint-Denis.
2. MÉRIGOT Bernard,
« Les élus sont-ils victimes de la professionnalisation de la politique ? », États généraux de la démocratie territoriale, Sénat, 16 février 2012, http://www.democratie-territoriale.fr
MÉRIGOT Bernard,
« Les élus sont-ils victimes de la professionnalisation de la politique ? », États généraux de la démocratie territoriale, Sénat, http://www.savigny-avenir.info, 16 février 2012.
Bernard MÉRIGOT contribue aux États généraux de la démocratie territoriale, organisés par le Sénat, à l’initiative de son président Jean-Pierre BEL.
http://www.savigny-avenir.fr/2012/02/16/les-elus-sont-ils-victimes-de-la-professionnalisation-de-la-politique/
3. MAILLOT Jean-Marc,
« La responsabilité de l’État en matière de contrôle de légalité », Bulletin juridique des collectivités locales, BJCL, n°7-8/13, juillet-août 2013, p.492-496.

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2014

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