Droite ou gauche ? Comment les partis politiques se positionnent-ils ? (Alain Cohen Dumouchel, David Nolan)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°74, lundi 13 janvier 2014

DÉCODAGE

CONTEXTE. Les commentaires médiatiques résument la vie politique nationale et locale en un affrontement entre la « droite » et la « gauche ». Un tel positionnement droite/gauche est simpliste. Peut-on l’accepter pour décrire une réalité au demeurant complexe et mouvante ?
ENJEUX.
Nous sommes dans une situation classique qui relève de la théorie des choix restreints : réélire un sortant (ou une sortante), ou voter pour un nouveau candidat (ou une nouvelle candidate) ? En fin de compte, ne vote-on pas à la fois pour les idées qui semblent les meilleures, et pour les candidats qui semblent les meilleurs ?

L’OFFRE ET LA DEMANDE POLITIQUE

La vie politique se compose de deux parts égales : l’offre politique (celle des partis, des programmes, des candidats…) et la demande citoyenne (les attentes, les désirs, les inquiétudes, les revendications…). Comment rendre compte du positionnement des partis au sein du marché concurrentiel de la politique ?

Cartographie du paysage politique français (2011)
Alain COHEN-DUMOUCHEL (1)
(Cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Cette carte prétend dessiner le paysage politique français sur deux axes :
•    en abscisse, le traditionnel droite-gauche, incontournable curseur médiatique du positionnement politique ;
•    en ordonnée, le degré de libéralisme des partis politiques, à savoir l’importance qu’ils accordent à la liberté individuelle ou au dirigisme.

L’auteur précise que :

  • le libéralisme est présenté comme une deuxième dimension de la vie politique, son contraire n’étant ni la gauche, ni la droite, mais l’étatisme, le dirigisme et le constructivisme.
  • les surfaces représentant les partis ne sont pas proportionnelles à leur poids électoral ou au nombre de leur adhérents mais uniquement à leur champ d’action idéologique sur les deux axes droite-gauche et libéralisme-dirigisme.
  • la présence d’une « zone d’exclusion théorique » tient au fait qu’une société hautement libérale ne peut être « pilotée » ni vers la droite, ni vers la gauche. Une société libérale d’extrême droite ou d’extrême gauche est par définition impossible. En revanche, une société ultra-dirigiste peut gouverner au nom des valeurs de la droite ou de celles de la gauche.
  • l’axe droite/gauche essaye de respecter le positionnement que se donnent eux-mêmes les partis politiques.
  • la légende des deux axes principaux rappelle que le libéralisme a été la première définition de la gauche fin XVIIIe, et une de ses composantes au XIXe avant que le socialisme ne le submerge.

LIBERTÉ ÉCONOMIQUE (Axe horizontal)
LIBERTÉ INDIVIDUELLE (Axe vertical)

Comme le précise Alain COHEN-DUMOUCHEL, la Cartographie du paysage politique français (2011) n’est pas un diagramme de Nolan, bien qu’il s’inspire de sa méthodologie. David NOLAN, expert en sciences politiques, ancien élève du Massachussetts Institute of Technology (MIT) a eu l’idée de créer un diagramme en ajoutant à l’axe gauche-droite, un deuxième axe liberté-contrainte allant de l’étatisme (point zéro) au libertarianisme. Le diagramme représente les « libertés économiques » (faible niveau des impôts, marché libre, services privés) sur l’axe des abscisses, et les « libertés personnelles » (liberté de circulation, d’opinion, libre disposition de soi) sur l’axe des ordonnées. Plus on s’éloigne du point zéro, plus le positionnement idéologique est favorable à certaines libertés.

LIBERTÉS OU CONTRAINTES ?

Pour Damien THEILLIER, on voit apparaître sur l’axe liberté-contrainte :

  • 1. Les étatistes, qu’ils soient socialistes ou conservateurs, de gauche ou de droite, sont hostiles à toutes les formes de libertés, économiques ou personnelles. Ils pensent que la liberté n’est possible qu’à l’intérieur de l’État, et par l’État.
  • 2. Le centre est à mi-chemin entre les deux axes pour les deux types de libertés. C’est là qu’on trouve la majeure partie des électeurs : le gros des troupes de l’UMP et du PS qui sont les sociaux-démocrates. Ils diffèrent assez peu entre eux, certains sont plus à gauche, d’autres plus à droite.
  • 3. La droite est plus favorable à certaines libertés économiques comme les réductions d’impôts ou la liberté d’entreprendre mais est hostile aux libertés civiles. Les conservateurs pensent que l’État doit contrôler les mœurs et créer une société vertueuse par en-haut, et par la contrainte de la loi.
  • 4. La gauche socialiste est favorable à certaines libertés civiles mais veut que l’État régule les échanges économiques et contrôle les entreprises privées par la loi. (2)

VOTER « À DROITE »
OU VOTER « À GAUCHE ?

L’économiste et député Frédéric BASTIAT disait qu’il votait « tantôt avec la gauche, tantôt avec la droite, selon le projet de loi discuté. » Cela ne voulait pas dire qu’il était centriste ou social-démocrate. Frédéric BASTIAT était fermement opposé à tout étatisme, à tout dirigisme quel qu’il soit. Il était favorable à un maximum de libertés économiques et de libertés personnelles compatibles avec le respect d’autrui, car il considérait que l’ordre social pouvait émerger d’en-bas, par l’initiative privée, la coopération sociale et la responsabilité individuelle, avec un minimum de lois.

Question. Que pensez-vous de cette représentation du paysage politique français ?
Bernard MÉRIGOT.
La démarche est intéressante et si certains veulent la discuter, qu’ils proposent d’autres représentations. Il est sain d’abandonner la représentation linéaire (la règle graduée droite/gauche, qui ne possède qu’une pertinence journalistique), pour une représentation topologique. Les partis politiques deviennent des surfaces, des espaces qui se touchent, qui se recouvrent les uns les autres, pour partie : l’UMP se superpose au FN et à DLR, DLR à l’UMP et aux Gaullistes de gauche, le MODEM au Nouveau centre et au PS. Pour ce qui le concerne, le PS a un ancrage PCF, LO, NPA, PG, EELV, mais aussi MRC, Gaullistes de gauche et MODEM…

Question. Est-ce que l’on peut dire que tout cela est incohérent ?
Bernard MÉRIGOT.
Au nom de quoi réclamer une cohérence ? C’est un artifice. Il y a une plasticité des engagements en fonction des idées et des débats. Pourquoi la vie collective devrait être « cohérente ». Comme le chantait il y a quelques temps Guy BÉART, il y a d’une part les grands principes et d’autre part les grands sentiments. L’important c’est que le plus grand nombre connaisse le bonheur citoyen. (3)

RÉFÉRENCES
1. COHEN-DUMOUCHEL Alain, « Cartographie du paysage politique français », http://www.contepoints.org, 7 novembre 2011. Alain Cohen-Dumouchel anime le site Gauche libérale. Il a été candidat au bureau d’Alternative libérale sur la liste « Pour un libéralisme de progrès ».
2. THEILLIER Damien,
«Test politique : positionnez-vous en quelques instants », http://contrepoints.org, 29 décembre 2013.
3. MÉRIGOT Bernard, «Les nouvelles exigences du bonheur citoyen. Voeux 2014», La Lettre de Bernard Mérigot, 1er janvier 2014, 1 p. http://www.savigny-avenir.fr/2014/01/02/les-nouvelles-exigences-du-bonheur-citoyen-la-lettre-de-bernard-merigot-1er-janvier-2014/

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°74, lundi  13 janvier 2014

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
BNF. Dépôt légal du numérique, 2014

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