Le Covid 19 est une remise en cause politique de la vie dans la cité (Alain FAURE)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°415, lundi 27 juillet 2020

Deux ordres de faits se sont superposés au cours de l’année 2020 : celui de l’état d’urgence sanitaire (EUS) lié à la crise du Covid 19, en France et dans le monde, et celui de l’accomplissement d’échéances électorales locales, en France :

  • l’ordre sanitaire : début du confinent (17 mars 2020), fin de l’état d’urgence sanitaire (10 juillet 2020), organisation de la sortie pour faire face à l’épidémie Covid 19 (annonces de déconfinements partiels et de menaces de reconfinements localisés en juillet 2020).
  • l’ordre électoral : premier tour des élections municipales (15 mars 2020), second tour des élections municipales (28 juin 2020), élections des maires (en juin et en juillet 2020), suivies par l’élection des présidents d’intercommunalités, de métropoles, de syndicats intercommunaux… (en juillet 2020).

Ces superpositions ne sont ni fortuites, ni anecdotiques. Elles ont des causes et elles ont des effets. Elles amènent une question concernant l’engagement politique dans la cité : en quoi le « pendant/après-Covid » est-il en rupture avec les représentations « classiques » concernant le pouvoir par rapport à celles qui existaient « avant-Covid » ?

La « distance sociale sanitaire » pour ralentir la propagation de l’épidémie Covid 19, matérialisée au sol à la peinture jaune, devant l’entrée de l’école primaire Paul Valéry à Épinay-sur-Orge (Essonne), le 13 juin 2020. Les parents venant chercher leurs enfants à l’école sont censés poser leurs pieds sur chaque point jaune, et pas ailleurs. © Photographie Bernard Mérigot/CAD.

Commentaire de l’illustration. Par ce marquage, l’espace public devient une route, ou une piste d’atterrissage, qui canalise et qui sépare le flux des déplacements et des stationnements des êtres humains. Ceux-ci sont comme des automobiles sur un parking, ou des avions dans un aéroport.
La politique se résume en définitive à une gouvernance des corps. Elle ne laisse qu’une seule alternative : obéir aux directives gouvernementales ou les transgresser pour jouir de la liberté individuelle de se déplacer.
On se souvient que le jeu Pokemon Go, apparu sur les téléphones portables en 2014. Ce jeu en réalité augmentée, constituait une introduction – commerciale et abêtissante – de la prise de possession de l’imaginaire sur la réalité territoriale. Elle a créé d’utiles réflexes que l’épidémie Covid-19 a désormais repris pour créer une réalité diminuée des rapports enfants/enseignants/parents. L’engouement éphémère pour l’application gouvernementale StopCovid sur les téléphones  portables en est un exemple (Voir DOCUMENT à la fin de l’article)

LES ÉMOTIONS POLITIQUES INATTENDUES
DE LA PENSÉE CONFINÉE

Alain FAURE, se fondant sur des journaux de confinement mis en ligne, observe que des « émotions politiques inattendues de la pensée confinée » sont apparues, se sont manifestées, et se sont développées. Ce concept original lui sert à constater qu’ une remise en cause citoyenne de la vie dans la cité s’est produite :

« Avec le confinement généralisé, la vague émotionnelle a aussi pris une tournure politique inattendue. Dans cette curieuse période de suspension des activités, les inquiétudes et les peurs ont été verbalisées sur un mode sensible, et passées au tamis d’angoisses et d’aspirations personnelles. Placés contre leur gré en situation d’isolement pendant de longues semaines, des milliers d’hommes et de femmes ont pris la plume sur Internet, dans la presse et dans différents cercles sociaux pour exprimer leurs états d’âme, comme si la vie recluse leur permettait de s’interroger à voix haute sur le sens de la vie dans la cité. » (1)

L’INTIMISATION DE LA POLITIQUE

La crise sanitaire Covid 19 demeurera un opérateur politique majeur du début du XXIe siècle. Certains intervenants en recherche-action pourraient la qualifier d’analyseur institutionnel. En tant qu’expérience politique, l’épidémie Covid-19 de la première moitié de l’année 2020 a accéléré la transformation citoyenne de l’engagement local. Elle a constitué une expérience qui a permis l’éclosion d’une pensée confinée en opérant une intimisation de la politique, c’est-à-dire un passage de la sphère publique à la sphère privée, de réflexions personnelles sur la nature profonde du bonheur de vivre et du besoin de faire communauté. (2)

Classiquement, les sciences politiques envisagent la politisation par les émotions selon plusieurs aspects :

  • celle des gouvernants instrumentalisant les passions individuelles pour asseoir leur autorité,
  • celle des citoyens, traversant des moments d’espoir, des moments de déception, et des moments d’indifférence,
  • celle des affects qui entraînent les mobilisations collectives pour construire des fronts de résistance.

L’emprise des ressentis émotionnels imprègnent de plus en plus « les prises de conscience politiques. Elle les formate. « Le militantisme, la délibération, la participation et les élections sont « indexés » aux fragilités des angoisses existentielles. »

Avant d’être représentative, la démocratie est sensible. Ce qui peut présenter des avantages. Ce qui peut aussi présenter plusieurs dangers dans une période où les systèmes politiques sont soumis aux tentations populistes, aux discours prophétiques, aux formes paradoxales des transhumanismes.


RÉFÉRENCES
1. FAURE Alain,
Les émotions politiques inattendues de la pensée confinée, Presses Universitaires de Grenoble, 2020, 11 p. ISBN 978‐2‐7061‐4955‐9 (ebook PDF) ISBN 978‐2‐7061‐4956‐6 (ebook ePub). Voir p. 5
Alain Faure est directeur de recherche en science politique au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) au sein du laboratoire PACTE (Université de Grenoble Alpes/Institut d’Études Politiques de Grenoble).
2. FAURE Alain et NEGRIER Emmanuel, La politique à l’épreuve des émotions. Presses Universitaires de Rennes, 2017.

LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS

  • La « distance sociale sanitaire » pour ralentir la propagation de l’épidémie Covid 19, matérialisée au sol à la peinture jaune, devant l’entrée de l’école primaire Paul-Valéry à Épinay-sur-Orge (Essonne), le 13 juin 2020. Les parents venant chercher leurs enfants à l’école sont censés poser leurs pieds sur chaque point jaune, et pas ailleurs. Photographie Bernard Mérigot/CAD.

DOCUMENT

STOPCOVID
Une fausse-bonne idée

Durant les mois de mai et de juin 2020, Ministres, élus et administrations ont annoncé avec délectation les mérites de l’application StopCovid qui pouvait-être téléchargée sur les téléphones mobiles des français et des françaises.
Le Gouverment en a fait la présentation suivante le 25 mai 2020 sur son site officiel.

StopCovid est une application qui s’inscrit dans le plan global de déconfinement du Gouvernement dans le contexte de l’épidémie de Covid-19. Les médecins et les plateformes de l’Assurance Maladie assurent la mission de détection des contacts des personnes maladies afin de rompre les chaînes de transmission. StopCovid se veut être un rempart supplémentaire contre le virus et vient compléter l’action de ces équipes et permet à chaque usager, sur la base du volontariat, de savoir s’il a eu un contact rapproché avec une personne malade ou de prévenir les autres utilisateurs s’il a été diagnostiqué comme un cas de COVID-19.

Stop Covid, c’est quoi ? C’est une application qui permet de prévenir les personnes qui ont été à proximité d’une personne testée positive, afin que celles-ci puissent être prises en charge le plus tôt possible, le tout sans jamais sacrifier nos libertés individuelles.
StopCovid est une application transparente, temporaire, téléchargeable sur la base du volontariat, qui s’inscrit dans le cadre de protection de la vie privée.

Comment ça marche ? Si vous avez téléchargé l’application sur votre téléphone, vous êtes informé lorsque vous avez été en contact rapproché (à moins d’1 mètre de distance pendant au moins 15 minutes) avec une personne (par exemple dans les transports en commun ou dans un commerce) qui a été diagnostiquée comme un cas de COVID-19 et qui est aussi utilisatrice de l’application.

Où télécharger l’application StopCovd ? « Téléchargez sur l’Apple Store. Disponible sur Google Play».

Nous constatons que la santé publique n’est pas spécifiquement un domaine de compétence du gouvernement mais celui de multinationales commerciales. Bien qu’étant une application gratuite « sous copyright du gouvernement », il reste à savoir sur la totalité des codes sources sont publics. Ce qui n’est pas sûr… Le plus grand danger est que ces données individuelles possèdent une valeur commerciale considérable. Elles constituent un gisement attrayant pour quantité d’utilisations dans le secret des personnes concernées.

RÉFÉRENCES
GOUVERNEMENT,
« StopCovid », 25 juin 2020. https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus/stopcovid


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La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°415, lundi 27 juillet 2020

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Référence du présent article : http://www.savigny-avenir.fr/2020/07/27/le-covid-19-est-une-remise-en-cause-politique-de-la-vie-dans-la-cite-alain-faure/
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