L’anthropologie et les sciences sociales convoquées pour la recherche sur la crise du Coronavirus Covid-19 (Agence nationale pour la Recherche, ANR)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°397, lundi 23 mars 2020

Le pouvoir politique fait un usage politique permanent de la science et des scientifiques selon trois modes :  1. il fonde ses décisions sur l’avis de scientifiques, 2. il ignore leurs avis, 3. il dénigre les avis des scientifiques ( de très nombreux exemples existent).
La crise du Coronavirus Covid-19 (2020) nous fait assister à un duel paradoxal entre les politiques et les scientifiques. C’est de stade n°1 qui est pratiqué à ce jour : le président de la République, le Premier ministre, les ministres, et l’administration… justifient leurs décisions politiques par leur conformité avec des avis scientifiques. Il s’agit d’une pratique d’instrumentalisation.
Dans cette perspective, il est intéressant de se pencher sur
les priorités que les scientifiques de l’Agence nationale de la Recherche (ANR) ont fixées dans l’appel à projet qu’ils ont lancé sur le COVID-19
(coronavirus disease 2019) le 3 mars 2020.

« Dans le cadre de la pandémie Covid-19 ». Affiche de la SNCF, ligne RER C, 17 mars 2020.
© Photographie Bernard Mérigot / CAD

CHRONOLOGIES SCIENTIFIQUES ET
CHRONOLOGIES POLITIQUES

Nous sommes en présence de plusieurs chronologies qui se mêlent, celle des évènements, celle des expertises, celle des décisions politiques, celle des recherches. Elles se croisent sans communiquer pas pour plusieurs raisons.

  • La première, du fait évident qu’aucune connaissance politique, prise au sens de « Que faut-il faire au cas où ? », ne préexiste à des évènements qui ne se sont pas encore produits.
    On a toujours des difficultés à se replacer, lorsque des évènements sont passés, dans le contexte d’ignorance politique du moment. On a souvent l’habitude de projeter les connaissances du moment sur une période où elles étaient ignorées.
  • La seconde, du fait de ce qui préexiste, c’est-à-dire à la fois l’expérience acquise, la recherche qui est faite sur sa pratique, et les conclusions qui en sont tirées, servent rarement à la prise par anticipation de décisions.
    Comme s’il fallait attendre que ce qui arrive soit là pour être capable se mettre à penser à ce qu’il faut faire.

Le 31 décembre 2019, les premiers cas suspects de patients atteints d’une pneumonie d’étiologie inconnue sont signalés dans la ville de Wuhan, en Chine (qui compte environ 11 millions d’habitants). Le foyer initial est lié au marché de Huanan Seafood, qui vend du poisson et des fruits de mer ainsi que d’autres animaux, vivants et morts. Ainsi, l’hypothèse d’une zoonose (maladie et infection dont les agents se transmettent naturellement des animaux vertébrés à l’être humain, et vice-versa), avec un réservoir d’origine animale, est émise dès le début de l’épidémie qui amène à créer un cluster (regroupement) initial à Wuhan qui compte 41 patients, confirmés par un test PCR spécifique.

  • L’agent pathogène est un nouveau coronavirus, appelé SARS-CoV-2. Sa découverte est annoncée officiellement le 7 janvier 2020 par les autorités sanitaires chinoises et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
  • Deux jours plus tard, le 9 janvier 2020, un premier décès est signalé par les autorités chinoises. La transmission interhumaine du virus est officiellement confirmée par l’OMS le 23 janvier 2020.

Pour la France, la situation épidémiologique peut être suivie en permanence (pour sa part publique) sur le site de Santé Publique France : https://www.santepubliquefrance.fr

MONDIALISATION DU VIRUS
ET MONDIALISATION DE LA RECHERCHE

Le 30 janvier 2020, le Comité d’urgence du Règlement Sanitaire International (RSI), convoqué à la demande du Directeur Général de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), déclare que cette épidémie constitue une urgence de santé publique de portée internationale.

Les 12 et 13 février 2020, des experts internationaux dans le domaine de la santé se réunissent au siège de l’OMS à Genève pour évaluer le niveau actuel des connaissances sur la nouvelle maladie à coronavirus 2019 (COVID-2019), repérer les lacunes et définir des priorités de recherche immédiates. Ce forum, d’une durée de deux jours, organisé en collaboration avec le GLOPID-R (Global Research Collaboration for Infectious Disease Preparedness), aborde tous les aspects de l’épidémie et les moyens de la maîtriser :

  • l’histoire naturelle et le mode de transmission du virus, ainsi que le diagnostic de l’infection,
  • les travaux de recherche sur l’animal et l’environnement portant sur l’origine du virus, y compris les mesures de prise en charge à l’interface homme-animal,
  • les études épidémiologiques,
  • la caractérisation clinique et la prise en charge de la maladie causée par le virus,
  • la lutte contre l’infection, y compris les moyens les meilleurs de protéger les agents de santé,
  • la recherche-développement de traitements et vaccins candidats,
  • les considérations d’éthique relatives à la recherche,
  • la prise en compte des sciences sociales dans la riposte.

LE VIRUS EN FRANCE

Pour sa part, la recherche française a lancé plusieurs programmes de recherche. Autant on pense aux disciplines relevant des sciences dures (virologie, médecine…), autant les sciences humaines et sociales sont souvent oubliées, alors que les travaux d’anthropologie (comme par exemple, sur l’épidémie Ebola 2015 ont montré leur pertinence et leur utilité).
Ici, les sciences sociales sont « associées à la réponse » pour ce qui concerne les enjeux politiques, l’éthique de la recherche et des droits humains, les représentations, les perceptions, les attitudes et les comportements relatifs à l’épidémie.

L’appel à projet de l’Agence nationale de la Recherche, comprend trois domaines de priorité.

APPEL À PROJETS FLASH COVID-19
6 mars 2020.

  • 1. Études épidémiologiques et translationnelles. Histoire naturelle de la maladie (y compris les facteurs anthropiques) et le mode de transmission du virus
    •   Diagnostic de l’infection, du portage asymptomatique, de l’évolution de la réponse immune
    •   Caractérisation clinique et prise en charge
    •   Modèles numériques prédictifs et rétrospectifs
  • 2. Physiopathogénie de la maladie (interactions virus-hôte et réponse immune)

•   Développement de modèles animaux et cellulaires
•  
Cibles thérapeutiques et modèles d’évaluation de candidats médicaments (n’incluant pas les vaccins)

  • 3. Mesures de prévention et de contrôle de l’infection en milieu de soins (y compris les meilleurs moyens de protéger les agents de santé) et en milieux communautaires

 •   Vulnérabilité et résilience des personnes, des collectifs et des organisations
• Conditions d’efficience et conditions réelles de mise en oeuvre des actions d’information, de prévention, de soin et de lutte
•  
Évaluation et modélisation de l’impact épidémiologique, économique et financier de l’épidémie et des mesures de prévention et de contrôle

  • 4. Éthique – Sciences humaines et sociales sont associées à la réponse

•   Enjeux géopolitiques
•   Éthique de la recherche et du soin et droits humains
•   Représentations, perceptions, attitudes, comportements relatifs à l’épidémie
•   Organisation des soins, politique de santé et acceptabilité des décisions

RÉFÉRENCES
1. AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE (ANR),
« Appel à projets Flash COVID-19 », 6 mars 2020. https://anr.fr/fr/detail/call/appel-a-projets-flash-covid-19/

LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS

  • « Dans le cadre de la pandémie Covid-19 ». Affiche de la SNCF, ligne RER C, 17 mars 2020. © Photographie Bernard Mérigot / CAD

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°397, lundi 23 mars 2020

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