Savigny-sur-Orge. La vulnérabilité aux inondations du bassin de l’Orge aval n’a pas été prise en compte

Les élus locaux et les administrations territoriales ont la charge de prévenir les risques d’inondation. Pratiquent-ils une veille documentaire à l’égard des recherches universitaires qui sont effectuées sur la vulnérabilité de leur territoire et de leurs populations ? Il est permis de s’interroger à ce sujet lorsque l’on constate qu’il faut attendre qu’une catastrophe se produise en 2016 pour découvrir que des conclusions avaient été publiées en 2005 – soit onze ans avant – sur la vulnérabilité aux inondations.

C’est ainsi qu’une étude portant sur  le groupe scolaire Kennedy de Savigny-sur-Orge (18 classes,  500 élèves) a fixé en 2005 que son taux de vulnérabilité, pour les cinq critères retenus, se situait entre 60 % et 93 %. Onze ans après, le 1er juin 2016, ce groupe scolaire était évacué dans l’urgence et la confusion des enseignants, des élèves et des parents. Pourquoi cette étude n’a t-elle pas été prise en compte ? Pourquoi n’y a-t-il à ce jour aucun programme de sécurisation ? Pourquoi la sécurité n’est-elle même pas assurée par un rehaussement des accès ?

Savigny-sur-Orge. L’Orge a quitté son lit
L’école et le gymnase Kennedy inondés
2 juin 2016
©   Photo CAD / BM 2016

Trois universitaires ont effectué une recherche intitulée « Analyse et évaluation de la vulnérabilité aux inondations du Bassin de l’Orge aval ». Il s’agit de Bruno BARROCA (Laboratoire Génie urbain, environnement, habitat, Université de Marne-la-Vallée), Nathalie POTTIER (Laboratoire de géographie des milieux anthropisés (1) CNRS, Université de Versailles/Saint-Quentin-en-Yvelines), Émilie LEFORT (Centre d’enseignement et de recherche Eau Ville Environnement, École nationale des Ponts et chaussées, Marne-la-Vallée). Leur travail a été publié en 2005.

« L’INDIGENCE DES TRAVAUX SUR LA VULNÉRABILITÉ »

Ils écrivent en introduction de leur étude : « Les collectivités locales sont particulièrement vulnérables face aux risques naturels. Ces évènements occasionnent des coûts (matériels et humains) et des conséquences sur l’opinion publique qui entraînent une préoccupation grandissante pour les autorités locales et nationales. Ils exposent les faiblesses du système de prévention ainsi que la fragilité des moyens de prévention. »

« Le contraste est souvent saisissant entre les moyens mis en œuvre pour la connaissance de l’aléa et l’indigence des travaux sur la vulnérabilité, définies comme « la mesure des conséquences dommageables de l’inondation sur les enjeux » soit « la fragilité d’un système socio-économique dans son ensemble face au risque ». (2)

Savigny-sur-Orge. Fermeture de l’École Kennedy
jeudi 2 juin 2016
©   Photo CAD / BM 2016

DES DÉFIS URGENTS EN MATIÈRE D’INONDATION

Pour les auteurs, « la vallée de l’Orge, affluent de la Seine située en amont de Paris, présente de forts enjeux socio-économiques (habitat dense, industrie de haute technologie, zone commerçante…) potentiellement sensibles aux inondations liées aux crues hivernales et estivales de l’Orge et de la Seine ».

Le bassin versant possède des équipements de régulation (bassins de stockage, prairies inondables) dont les capacités sont limitées.

Le syndicat intercommunal « SIVOA », devenu « Syndicat de l’Orge », est en charge de la gestion des eaux pluviales et de la rivière par délégation des compétences communales. Il est confronté à des défis urgents en matière de gestion des risques :

  • inondations locales et brutales lors des étés 1999 et 2001,
  • passage du Plan d’exposition aux risques (PER) de 1983, comportant une référence vicennale (événement se produisant en moyenne une fois tous les vingt ans), au Plan de protection aux risques (PPR), comportant une référence centenale (événement se produisant en moyenne tous les cent ans),
  • maintien de la pression foncière (plus de 70 % du territoire est urbanisé).

Ils notent le besoin urgent du syndicat de mieux connaître son territoire par une analyse de l’évolution des vulnérabilités des communes et de leurs équipements particuliers.

Savigny-sur-Orge. Le niveau de l’Orge monte
Évacuation de l’École maternelle Kennedy
Mercredi 1er juin 2016
©   Photo CAD / BM 2016

SAVIGNY-SUR-ORGE PARMI LES TROIS SITES TESTS

Trois sites tests ont été choisis dans la partie aval du bassin afin d’identifier les points sensibles :

  • le groupe scolaire Kennedy à Savigny-sur-Orge,
  • le camping de Villiers-sur-Orge,
  • le centre-ville piétonnier de Juvisy-sur-Orge.

La méthode employée repose sur une pratique d’enquête : « il s’agit d’auditer les acteurs locaux impliqués dans le travail de réduction des vulnérabilités aux inondations. Ils sont de ce fait susceptibles de connaître parfaitement la réalité du terrain». Il ne faut pas perdre de vue que l’outil est construit par les acteurs locaux afin de répondre à leurs besoins.

Pour l’étude, cinq indicateurs ont été fixés :

  • aléa
  • population
  • bâti
  • activité
  • gestion

UN TAUX DE VULNÉRABILITÉ INTOLÉRABLE

Le « graphique synthétique de vulnérabilité » suivant a été élaboré. Il utilise une échelle de 0 à 3 (0 : pas vulnérable, 1 : faiblement vulnérable, 2, moyennement vulnérable, 3 : fortement vulnérable).

  • Aléa : 1,8
  • Population : 2,8
  • Bâti : 2,4
  • Activité : 1,7
  • Gestion : 2,3
Savigny-sur-Orge. Vulnérabilité du groupe scolaire Kennedy
« Analyse et évaluation de la vulnérabilité aux inondations du Bassin de l’Orge aval »
(BARROCA, POTTIER, LEFORT, 2005), p. 8

L’indice moyen de vulnérabilité moyen est de 2,2 sur 3.

Si on traduit cette échelle de vulnérabilité en pourcentage, on a les chiffres suivants : Aléa : 60 %, Population : 93 %, Bâti : 80 %, Activité : 56 %, Gestion : 76 %. Le pourcentage moyen est 73 %, ce qui est considérable et qui se situe au-dessus de la limite tolérable.

Les trois auteurs concluent : « Pour le site du groupe scolaire de Savigny-sur-Orge, le graphique synthétique de vulnérabilité montre qu’il faut agir sur la population (conscience et information), le bâti (mal adapté) et la gestion du risque (mesures préventives et mesures d’urgence). »

Le Bassin versant de l’Orge.
La quatre communes de Savigny-sur-Orge, avec Viry-Châtillon, Juvisy-sur-Orge, et Athis-Mons
sont situées les plus en aval, avant la confluence de l’Orge et de la Seine (à Athis-Mons).
Ce sont les communes les plus exposées aux risques d’inondation provenant de l’amont

Les causes qui empêchent la prévention effective des inondations de zones habitées sont connues. En 2003, un rapport de l’Inspection générale de l’environnement (Ministère de l’environnement) est publié. Il porte sur six départements français et note que « la méconnaissance ainsi que la prise en compte partielle des vulnérabilités territoriales engendrent les mauvais choix d’aménagement.» (3) Nous sommes en 2016, treize ans après le rapport. Dans un premier temps, il est urgent qu’une sécurisation des accès, par un rehaussement permanent des cheminements (fixés à une côte déterminée pour un secteur donné), soit réalisée dans les zones inondables. Les installations provisoires nécessitent des délais de mise en oeuvre,  des véhicules et des moyens humains importants pour être stockés, acheminés, montés, et ensuite démontés… si le flux de l’inondation ne les a pas emportés avant… Ces installations engendrent elles-mêmes des dangers.

Savigny-sur-Orge. Accès à l’immeuble du 25 rue des Rossays
Jeudi 2 juin 2016
©   Photo CAD / BM 2016
Savigny-sur-Orge. Accès à l’immeuble du 4 rue de Morsang
Jeudi 2 juin 2016
©   Photo CAD / BM 2016

LA VULNÉRABILITÉ SOCIALE
ET LES TEMPORALITÉS PARALLÈLES DU RISQUE

On le voit, la connaissance des différents aspects qui constituent les vulnérabilités d’un territoire soumis à un aléa représente l’apport déterminant pour diminuer les conséquences d’une inondation à la condition de ne pas s’enfermer dans une stricte logique coût/avantage.

Les travaux publiés par les sciences humaines (anthropologie sociale, ethnologie, sociologie, géographie, histoire…) qui examinent la vulnérabilité sociale, constatent la difficulté de croiser trois capacités :
•  la capacité à anticiper l’aléa,
•  la  capacité à faire face à l’urgence,
•  la capacité de reconstruction.

La vulnérabilité sociale doit prendre en compte plusieurs incertitudes (de l’aléa, de l’exposition au risque, des moyens…) en les intégrant dans les temporalités parallèles du risque (évaluant les dommages sur la santé et les pertes de biens irremplaçables).

RÉFÉRENCES

1. ANTHROPISÉ / ANTHROPISATION. En géographie et en écologie, l’anthropisation est la transformation d’espaces, de paysages, d’écosystèmes ou de milieux semi-naturels sous l’action de l’homme. Un milieu est dit anthropisé quand il s’est éloigné de la naturalité originelle.

2. BARROCA Bruno, POTTIER Nathalie, LEFORT Émilie, « Analyse et évaluation de la vulnérabilité aux inondations du bassin de l’Orge aval », Septièmes Rencontres Théo Quant, janvier 2005, 12 p. L’article comporte une importante bibliographie (2 pages).

Les auteurs, dans la publication de leur recherche, adressent leurs remerciements à ceux qui leur ont apporté une aide pour mener à bien leur travail sur le terrain, notamment «le Syndicat Mixte de la Vallée de l’Orge Aval (SIVOA), interlocuteur privilégié pour les problématiques locales». Il est regrettable que le SIVOA n’ait pas, à l’époque, transmis cette étude à tous les délégués concernés. Nous ne la découvrons que maintenant, suite aux inondations de juin 2016 !

3. HUET P et coll., Retour d’expériences des crues de septembre 2002 dans les départements du Gard et de l’Hérault, du Vaucluse, des Bouches du Rhône, de l’Ardèche et de la Drôme, Rapport de l’Inspection générale de l’Environnement (IGE), Ministère de l’environnement, 2003, 133 p. + annexes.

ARTICLES EN LIGNE SUR LA PRÉVENTION DES INONDATIONS

Savigny-sur-Orge. Évacuation en barque d’habitants du 12, rue de Morsang
Jeudi 2 juin 2016
©  Photo CAD / BM 2016

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2016

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