De quoi le discours politique est-il le nom ? (Barthes et Aristote)

Qu’est-ce que le discours politique ? Comment le définir ? Roland BARTHES a répondu à cette question de façon pertinente et forte en définissant le principal attribut du « discours de pouvoir » : « J’appelle discours de pouvoir tout discours qui engendre la faute, et partant, la culpabilité de celui qui le reçoit » (1).

Oui ! Il y a dans tout discours politique, une recherche pour mettre en faute celui à qui l’on s’adresse, pour traiter en inférieur celui qui reçoit le discours, pour l’amoindrir, pour le remettre à sa place, pour le « culpabiliser »…. Expérience combien fréquente, combien vécue,  combien ressentie, pour laquelle d’innombrables exemples existent.

LES TROIS CATÉGORIES DE DISCOURS SELON ARISTOTE

Il reste à situer ce qui distingue le discours politique des autres discours. Dans sa « Rhéthorique » (2), ARISTOTE définit trois discours selon trois critères : leur objet, le temps de leur action, la finalité qu’ils visent.

  • 1. L’objet : conseiller / déconseiller, accuser / défendre, louer / blâmer.
  • 2. Le temps : l’avenir, le passé, le présent.
  • 3. La finalité : l’utile / le nuisible, le légal / l’illégal, le beau / le laid.

LE DISCOURS DÉLIBÉRATIF

  • Objet : conseiller / déconseiller.
  • Temps : l’avenir.
  • Finalité : l’utile / le nuisible.

LE DISCOURS JUDICIAIRE

  • Objet : accuser / défendre.
  • Temps : le passé.
  • Finalité : le légal / l’illégal.

LE DISCOURS ÉPIDICTIQUE (démonstratif)

  • Objet : louer / blâmer.
  • Temps : le présent.
  • Finalité : le beau / le laid.

LA FINALITÉ DU DISCOURS POLITIQUE : L’UTILE ET LE NUISIBLE

A l’évidence, le discours politique est à classer comme une sous-catégorie du discours délibératif : sa finalité est de distinguer ce qui est utile de ce qui est nuisible. Cela veut dire qu’il ne doit pas être confondu ni avec le discours judiciaire (qui a pour finanité de distinguer le l’égal de l’illégal), ni avec le discours épidictique/délibératif (qui a pour finalité de distinguer le beau du laid, dans les oeuvres, qu’elles soient de langage, d’idée, d’action…).

Que se passe-t-il lorsque le politique glisse vers le judiciaire ? On a affaire à un discours qui se trompe de finalité. Celui (ou celle) qui le tient se trompe. Il (ou elle) trompe  ses interlocuteurs. Faut-il le répéter, et le répéter constamment à tous ceux (et à toutes celles) qui prétendent exercer un pouvoir ? La finalité du discours politique est de distinguer l’utile du nuisible. C’est ARISTOTE qui le dit.

Désigner ce qui est nuisible : voila une entreprise bien utile ! Intéressant, non ?

RÉFÉRENCES
1. BARTHES Roland.
Cette citation est reprise par Ignacio RAMONET (Le Chewing-gum des yeux, Folio, 1980).
2. ARISTOTE, Rhétorique, Les Belles lettres, 1967, traduction de Médéric DUFOUR.

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