Savigny-sur-Orge. Chronique sur l’ « isègoria ». Que peut savoir un citoyen sur sa commune après une semaine de mandat du nouveau maire Jean-Marc Defrémont ?

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°413, lundi 13 juillet 2020

Qu’est-ce qui motive l’intérêt ou le désintérêt des citoyens pour les affaires publiques locales ? Peut-être le fait de disposer d’une façon effective des mêmes informations publiques dont disposent les services publics et les élus. Aucun motif de secret ne saurait autoriser la rétention de documents publics : ils appartiennent à tous dès qu’ils sont émis. Ils doivent, de ce fait, être immédiatement accessibles dans le cadre d’un Open data communal ambitieux et participatif.

RESPONSABILITÉS PARTAGÉES

Un maire est-il responsable de tout dans sa commune ? Oui et non. Les collectivités territoriales publiques (communes, intercommunalités, conseils départementaux, conseils régionaux, métropoles, etc.) se présentent aux citoyens sous deux états :

  • celui d’une administration permanente : les services municipaux,
  • celui d’élus renouvelés périodiquement par des élections : le maire, les adjoints…

Il en est de même, à d’autres niveaux, comme celui des ministères. Eux aussi sont affectés par ce double mouvement d’influences, à la fois centrifuges et centripètes :

  • la pression dominante exercée par les médias qui personnifient à l’excès l’action publique (elle n’est plus un acte collectif et anonyme, mais celui de personnes dont le nom est soit glorifié, soit stipendié),
  • la prétention avec laquelle certains élus s’approprient le travail quotidien de « leur » administration.

Ainsi, aussi bien les maires que les ministres, se transforment en des incarnations charnelles momentanées, responsables de tout ce qui est bien (« C’est grâce à ma politique »), des manquements et de ce qui n’est pas fait (« J’ai pris des mesures et je vais réformer tout ça »), et bien évidemment, de ce qui a été raté et qui continue de l’être (« C’est la faute de mes prédécesseurs »). Le problème est que, du temps des prédécesseurs, il existait déjà une administration publique. Le plus souvent, exactement la même.

La « politique du parapluie » des administrations et des élus est une pratique universelle. Mais, attention : danger !

Pangolin. Illustration extraite du Nouveau Larousse universel, 1949, p. 96.

LES CITOYENS-ÉLECTEURS-VOTANTS
SONT-ILS DES PANGOLINS ?

Le citoyen-électeur-votant, est une espèce en voie de disparition. Elle est actuellement remplacée par une autre espèce, celle du citoyen-abstentionniste qui a découvert que le non-vote est l’expression d’une opinion. Ce qui l’intéresse, c’est que les services municipaux de sa commune fonctionne bien, que l’accueil, les anticipations nécessaires, les interventions rapides, les réalisations efficaces… aillent d’une façon consensuelle, dans le bon sens. Qu’il vote, ou qu’il ne vote pas, il ne comprend pas le décalage entre les bilans de mandat, les programmes électoraux, et la réalité vécue dans le territoire quotidien où il habite et où, pour certains,  il travaille.

Le conseil municipal et l’administration communale doivent être une même « entreprise agile », c’est-à-dire une machine capable de s’adapter rapidement à des changements inattendus de son environnement tout en conservant une continuité stratégique, opérationnelle et humaine. Une continuité déterminante, car c’est elle qui permet de ne pas confondre la « réactivité » à courte vue et  l’ « agilité » anticipatrice.

Cela vaut bien évidemment dans les domaines de compétence de proximité dans lesquels un conseil municipal peut « encore » prendre des décisions. Cela vaut également dans les domaines de compétence distants qui dépendent d’autres collectivités (les intercommunalités) en menant les actions nécessaires, en construisant des dossiers, en étant présent pour convaincre ses autres partenaires. Parce qu’aucun territoire n’est seul. Tous sont entourés par des voisins qui eux aussi veulent une part de tarte.

DÉJÀ UNE SEMAINE…

Toutes les communes de France ont désormais des maires élus qui ont été renouvelés pour un mandat de six ans, de 2020 à 2026. L’élection des maires s’est faite en deux vagues, en mai (lorsque leur liste est arrivée en tête au premier tour du dimanche 15 mars), en juillet (lorsque leur liste a été élue au second tour du dimanche 28 juin).

  • Dimanche 5 juillet 2020. Conseil municipal n°1.
    Élection du maire Jean-Marc DEFRÉMONT
    Élections des 11 adjoints au maire
  • Jeudi 9 juillet. Conseil de la Métropole du Grand Paris (MGP) n°1 (La commune de Savigny-sur-Orge est représentée par Jean-Marc DEFRÉMONT, conseiller métropolitain)
    Élection du président de la Métropole du Grand Paris
  • Lundi 13 juillet 2020. Conseil municipal n°2
    Élection au sein du conseil municipal des conseillers territoriaux qui siègeront à l’établissement public territorial (EPT) Grand Orly Seine Bièvre (GOSB).
  • Jeudi 16 juillet 2020. Conseil municipal n°3
    Élection des membres du conseil municipal siégeant dans les commissions municipales
    Désignation des membres du conseil municipal dans divers conseils d’administration
    Indemnités du maire et des adjoints
    Modification des emplois permanents
    Compte administratif de l’année 2019

LA SÉANCE DU CONSEIL MUNICIPAL DU 16 JUILLET 2020

Commune de Savigny-sur-Orge. Séance du conseil municipal du 16 juillet 2020. Convocation, p. 1 et 2 Convocation : CONVOC 16 07 2020

« TOUS ÉGAUX, TOUS ÉGAUX, TOUS ÉGAUX … »

Lorsque l’on évoque les pratiques de la démocratie, l’exemple de la Grèce antique s’invite comme une référence automatique. Loin de constituer un modèle parfaitement égalitaire, celui-ci a le mérite d’avoir posé des principes naturels souvent oubliés, et qui font l’objet de débats inopportuns. Pourquoi certains éprouvent le besoin de discuter ce qui est naturel ?

  • Le droit naturel pour tous de participer aux assemblées locales. Janine CHÊNE rappelle que l’ « un des traits essentiels de la démocratie grecque est l’institution de l’ecclèsia, c’est-à-dire l’instauration d’une Assemblée du Peuple, qui est la réunion de l’ensemble des citoyens pour débattre et décider des affaires extérieures et intérieures de la cité ». (1) . Même si la participation effective de tous les citoyens doit être tempérée par le fait que leur travail empêchait certaines catégories sociales d’être présentes, le principe général est important et doit être retenu comme un fondement de la démocratie locale.
  • Le droit naturel de prendre la parole. A ce droit de réunion est associé, d’une façon inséparable, le droit de parler dans l’ecclésia. Ce droit de parole, reconnu à chaque citoyen, est ce que les Grecs appellent l’isègoria. C’est-à-dire un accès égal de tous les citoyens à la parole politique.

D’autres droits naturels découlent de ces deux premiers droits. Ils sont fondés sur un même principe d’égalité : le mot isos signifie de façon générale ce qui est « égal ». L’idée d’égalité est présente dans toute la pensée politique grecque :

  • isonomia, l’ « égalité devant la loi » (2)
  • isopsephia : le droit égal de voter.
  • isomoiria : « l’égalité des parts », l’égalité pour tous des droits, des biens et du pouvoir.
  • isokratia: l’égalité de pouvoir.
  • isotimia : l’égalité d’honneur et de considération.
  • isotéleia : l’égalité dans le paiement des impôts.

CONCLUSION

Janine CHÊNE, philosophe et helléniste, nous fait rêver en évoquant une démocratie qui paraît idéale. Avant que ne commence le débat à l’Assemblée du Peuple, qui traitait de tout ce qui concernait la cité, un héraut, c’est-à-dire un fonctionnaire territorial de l’époque chargé de faire les annonces solennelles –  interrogeait l’assistance : tis agoreuin bouletai. Qui veut prendre la parole ? Cela signifiait que quiconque voulait parler, le pouvait. La réponse était o boulomenos. Celui qui veut.

Tout en sachant qu’il y avait un risque à prendre la parole devant des citoyens assemblés. Ils détenaient la souveraineté judiciaire. Et avaient le pouvoir de bannir tout citoyen en inscrivant simplement son nom sur un petit tesson d’argile, un ostrakon. Voire de prononcer sa condamnation à mort. Socrate en sera victime : il parlait trop, posait trop de questions, et ce qui obligeait à réfléchir. Et surtout, il dénonçait le marchandisation de la parole publique. Un scandale. « Et une coupe de ciguë, une ! » (3)

Retenons que l’isègoria, qui est apparue au Ve siècle avant JC, n’a pas été établie par une loi ou un décret, mais par la coutume. « Cette institution radicalisa la démocratie athénienne, puisqu’elle permit le contrôle complet de la cité par les citoyens assemblés : l’Assemblée pouvait toujours, sur proposition d’un quelconque citoyen, rejeter la proposition de loi venant du Conseil (boulè) ou l’amender, ou ajouter à cette proposition. ». (4)

A méditer.

Bernard MÉRIGOT


RÉFÉRENCES

1.CHÊNE Janine, « L’égalité du droit à la parole dans la cité grecque : la notion d’isègoria », Chemins de traverse de la philosophie », https://cheminstraverse-philo.fr/politique/legalite-du-droit-a-la-parole-dans-la-cite-grecque-la-notion-disegoria-2/
Janine Chêne, Maître de conférences honoraire de philosophie. Université Pierre Mendès France, Grenoble.

2. VIDAL-NAQUET Pierre, Clisthène l’Athénien, Editions Macula, 1983, p. 31.

3. La Ciguë tachetée ou Grande Ciguë, (Conium maculatum L.), plante herbacée bisannuelle de la famille des Apiacées (Ombellifères). Très toxique, elle était à la base du poison officiel que des Athéniens administraient aux condamnés à mort.

4. GRIFFITH, « Isegoria in he Assembly of Athens » in Society and institutions. Studies presented to Victor Ehrenberg, Oxford, 1966

LEWIS J.D., « Isegoria at Athens: When Did It Begin ? », Historia: Zeitschrift für Alte Geschichte, Bd. 20, H. 2/3 (2nd Qtr., 1971), pp. 129-140.

Published by: Franz Steiner Verlag. https://www.jstor.org/stable/4435186


LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS

  • Pangolin. Illustration extraite du Nouveau Larousse universel, 1949, p. 96.

Commune de Savigny-sur-Orge. Séance du conseil municipal du 16 juillet 2020. Convocation, p. 1 et 2 Convocation : CONVOC 16 07 2020


La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°413, lundi 13 juillet 2020


COMMENTAIRE du 13 juillet 2020
Séance n°3 du conseil municipal

Suite à la protestation de plusieurs élus concernant le mode de transmission de la convocation et des notes de synthèse, la séance n°3 du conseil municipal du jeudi 16 juillet, elle est reporté à la date du mercredi 22 juillet  2020.


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