Faire de la société un bien commun essentiel. Manifeste pour la coresponsabilité sociétale territoriale. Les 155 premiers signataires

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°118, lundi 17 novembre 2014

Bernard MÉRIGOT fait partie du peloton de tête de ceux qui ont manifesté publiquement leur soutien en faveur du « Manifeste pour la coresponsabilité sociale territoriale ».

Faire de la société un bien commun essentiel (2014)
Le Manifeste, page 1

Question. Qu’est-ce le « Manifeste pour la coresponsabilité sociétale territoriale et la contribution au développement durable » ? (1)
Bernard MÉRIGOT.
Ce manifeste a pour objet de définir et de poser les bases d’un projet territorial de développement durable. L’esprit qu’il développe est celui d’un laboratoire de coresponsabilité sociétale pour le bien-être de tous, pour aujourd’hui et pour demain, et qui soit à la hauteur des enjeux.

Il se recommande de la pensée d’Edgar MORIN exprimée notamment dans son livre La Voie. Pour l’avenir de l’humanité (2). Il a pour ambition d’engager chacun, qu’il soit un acteur public ou un acteur privé, individuel ou collectif, à s’engager dans un processus de transformation vers un futur souhaitable, garant de l’intérêt général des générations présentes et futures.

« Travailler aujourd’hui à l’intégration de la participation des citoyens et des parties prenantes dans les politiques publiques ou les démarches de responsabilité sociétale des organisations, c’est travailler à un ressort d’inclusion sociale, d’appétence pour la chose publique, de renouveau démocratique ».

Question. Quels sont ses inspirateurs ?
Bernard MÉRIGOT.
Ils sont nombreux. Je citerai Albert Jacquard, Pierre Rosanvallon, Cynthia Fleury, Jean Baudrillard, Michel Serres, Michel Maffesoli, Hélène Strohl, Fernando Pessoa, Elinor Ostrom, Jean Gadrey, Jacques Weber, Patrick Viveret, Denise Jodelet, Gaston Bachelard, Dominique Meda, Pierre Rabhi, Isabelle Sorente, Gilles Berhault, Edgar Morin, Ignacy Sachs, Émile Durkheim, Hélene Hatzfeld, Stéphane Hessel…

Question. Vous faites partie des 155 premiers signataires.
Bernard MÉRIGOT.
Loïc BLONDIAUX, professeur de sciences politiques à la Sorbonne, Chantal JOUANNO, ancienne ministre, sénatrice, Alain LIPIETZ, Gilles-Laurent RAYSAC, directeur de Res Publica, Patrick VIVERET, philosophe, président de l’Observatoire de la décision publique… Elle comprend des experts, des consultants, des praticiens de la concertation et du développement durable, des responsables associatifs. La liste est longue et s’allonge chaque jour. (3)

Question. Que contient ce « Manifeste » ?
Bernard MÉRIGOT.
Six parties dont l’objet est de définir :
1. Définir les Agenda 21 locaux, projets territoriaux de développement durable
2. Définir les biens communs et la communalité
3. Définir la coresponsabilité sociétale territoriale
4. Définir l’alliance des parties prenantes pour créer les conditions de la transformation
5. Définir le modèle et les indices de contribution
6. Définir une boîte à outils
7. Dire merci.

LES 3 VALEURS DE LA PARTICIPATION CITOYENNE

La participation citoyenne, prise au sens de l’interaction et de l’engagement dans une citoyenneté active, s’appuie sur trois valeurs.

La singularité. C’est le rapport social qui concerne les positions des individus les uns par rapport aux autres. Alexis de Tocqueville parlait de « société des semblables » : tous les individus sont les mêmes au sens où chaque voix compte d’égal à égal. Pourtant tous les individus sont reconnus comme singuliers : ils ont un avis propre qui doit pouvoir s’exprimer, et qu’il convient d’aider à s’exprimer (pouvoir d’agir, capacitation).

La réciprocité. C’est le principe d’interaction entre les individus, les acteurs et les organisations. La réciprocité renvoie aux notions de coopération et d’altruisme mais aussi de transparence et de transformation. Les individus ne sont pas simplement rationnels à titre individuel, ils évoluent selon des rationalités collectives. Il s’agit donc d’assurer une forme d’autonomie individuelle dans un périmètre collectif, permettant à chacun de se situer en toute confiance afin que des liens réciproques s’établissent dans un système en évolution.

La communalité. C’est la construction d’un mode commun. Déjà l’abbé Sieyès expliquait au moment de la Révolution française que multiplier les espaces publics, ainsi que les fêtes publiques, avait pour effet de produire de l’égalité. L’égalité, c’est un monde dans lequel chacun rencontre les autres. Ce n’est pas simplement un rapport individuel, mais un type de société.

Faire de la société un bien commun essentiel est un enjeu de citoyenneté.

LES 6 ENJEUX DE LA PARTICIPATION CITOYENNE

Les six enjeux de la participation qui peuvent être définis sont les suivants : 1. Enjeux démocratique, 2. Enjeux de transformation, 3. Enjeux de reconnaissance réciproque, 4. Enjeux de redevabilité, 5. Enjeux d’agilité, 6. Enjeux de durabilité.

1. L’enjeu démocratique. Engager des processus de participation est un acte politique en faveur d’une citoyenneté active et continue ouverte à tous. En ce sens, il n’y aura jamais trop de participation citoyenne.

Participer c’est être acteur des décisions qui nous concernent tous. C’est participer à la vie publique, en tenant compte des évolutions rapides du contexte et en respectant toutes les étapes démocratiques liées aux prises de décision.

2. L’enjeu de transformation. Entrer dans un espace de participation, qu’il soit physique ou virtuel, c’est accepter de pouvoir potentiellement changer d’avis durant ou au terme du processus.

Une double ouverture s’opère. Elle constitue un pré-requis fondateur, qui doit être accepté par tous.
1. Une collectivité territoriale, une administration, un service public, une organisation… lorsqu’elle intègre la dimension participative à un projet, accepte qu’il soit in fine différent de celui qu’elle avait imaginé.
2. Les citoyens, de leur côté, acceptent de prendre en compte des considérations qu’il n’avaient pas a priori.

La participation est un processus d’apprentissage, qui transforme les acteurs qui s’y engagent (citoyens et organisations), elle transforme l’action publique comme l’action privée.

3. L’enjeu de reconnaissance réciproque. Tous les citoyens doivent être pleinement reconnus dans leur expertise d’usage et de vécu individuel et collectif ainsi que dans leurs capacités propres et dans leurs potentialités. Plus spécifiquement, un acteur peut avoir un intérêt particulier sur l’objet qui est soumis à participation (il peut être un riverain du projet, un bénéficiaire, un usager, un acteur…). Il est donc important de reconnaître cet intérêt et d’accompagner la caractérisation des prises de position.

Il est également important de pouvoir situer cet intérêt au regard d’intérêts d’autres acteurs, d’autres parties prenantes. De son côté l’organisation mettant en place les conditions de la participation est également une actrice du projet qu’elle en soit à l’initiative ou qu’elle l’accompagne. Il est donc indispensable d’établir en amont de toute participation une cartographie des parties prenantes qui identifie les acteurs et leurs rôles respectifs, ainsi que leur niveau de contribution attendue. Chacun doit pouvoir trouver sa place, y être reconnu et accepter de reconnaître la place des autres parties prenantes.

4. L’enjeu de redevabilité. Rendre compte des processus participatifs, présenter les avis retenus, expliquer les avis non retenus, être clairs et compréhensibles dans la présentation des résultats est un enjeu de pérennité même de la participation, c’est une demande première des citoyens. Ceci suppose d’accepter de publier et de partager les résultats bruts des démarches participatives dans une philosophie similaire à celle qui prévaut pour l’OpenData.

La redevabilité c’est aussi s’assurer :
•   en amont : la clarté des règles du jeu, c’est-à-dire le périmètre de discussion, les marges de manoeuvre (légales, budgétaires, techniques…), les contraintes, ce qui est négociable et ce qui ne l’est pas…
•   en aval : la coordination des participations afin de croiser les résultats et donner largement écho aux avis et propositions citoyennes, à la concordance des stratégies afin de porter un message clair et accessible.

5. L’enjeu d’agilité. Le monde change. S’adapter à un monde qui bouge est une nécessité. A ce titre, aucune démarche participative n’est  totalement reproductible. Des enseignements peuvent être tirés pour chaque démarche. Toutes démontrent la nécessité de s’adapter aux spécificités des projets, des publics, aux contextes de temps et d’espace, des attentes et des besoins. Cela suppose une rigueur véritable dans la méthode développée et notamment dans la préparation des différentes étapes de participation. Un parti pris de visant à accorder sa pleine place au citoyen, sans chercher à se mettre à sa place, doit être adoptée.

6. L’enjeu de durabilité. Concevoir la participation dans un engagement collectif pour les transitions vers une société durable revient
à permettre l’expression des intérêts de l’ensemble des parties prenantes, mais également à prendre en compte les intérêts des parties prenantes qui ne peuvent prendre la parole ( l’environnement, les générations futures…).

La prise en compte et le dialogue de l’ensemble des intérêts permettent de définir collectivement l’intérêt général des biens communs et d’agir en conséquence. Le cadre d’engagement et de définition de la participation des citoyens et des parties prenantes se précise et s’affine au regard de la communalité et de la durabilité. Il demeure un cadre organisé, avec une « puissance invitante » et une « puissante invitée». Ce cadre organisé, ponctuel et ciblé, est réciproque.

Un constat s’impose. Aujourd’hui la « participation citoyenne » est :
•   dans le meilleur des cas,
elle est liée à des processus de co-construction des politiques publiques. La « participation des parties prenantes » elle est  une association  au service d’amélioration d’une organisation.
•   dans le pire des cas
, une entreprise factice de légitimation qui vise à imposer des décisions publiques prises dans le secret.

S’inscrire réellement dans une dynamique de coresponsabilité sociétale suppose de franchir un cap en parlant plutôt d’alliance. En effet, la définition de la coresponsabilité sociétale territoriale fait de chaque partie prenante du territoire la «puissance invitante».

La question de la participation s’envisage alors davantage en termes d’alliance pairs parmi les pairs d’un même écosystème territorial, les parties prenantes publiques, privées, individuelles et collectives sont liées entre elles par une communauté de destin. Elles ont une capacités à actionner localement les leviers d’une transformation vers une société durable.

Le terme d’alliance suppose un acquiescement, une horizontalité des rapports et une réciprocité des engagements. L’alliance met la perspective de contribution dans une dynamique d’obligations réciproques collectivement consenties pour atteindre un objectif commun : une société durable pour le bien être de tous, aujourd’hui et demain.

Pour les citoyens, les contribuables, les habitants, les usagers, les riverains…  la vie en société  ne peut se fonder sur l’acceptation permanente et résignée des décisions des pouvoirs en place. Ils attendent une définition collective des besoins, un choix des moyens proposés, des débats, une publication des projets, une liberté d’expression, une prise en compte de leurs avis, une transparence des décisions prises.

Faire de la société un bien commun essentiel
« Merci aux 155 signataires du Manifeste » (au 21 octobre 2014)
p.23
Faire de la société un bien commun essentiel
« Merci aux 155 signataires du Manifeste » (au 21 octobre 2014)
p.24

RÉFÉRENCES
1.
« Faire de la société un bien commun essentiel. Manifeste pour la coresponsabilité sociétale territoriale et la contribution au développement durable « à la hauteur des enjeux », octobre 2014. http://reseauculture21.fr/wp-content/uploads/2014/11/Manifeste155-2.pdf
Pour signer le Manifeste, remplir le formulaire en ligne directement sur http://urlz.fr/NMp
2. MORIN Edgar,
La Voie. Pour l’avenir de l’humanité, Fayard, 2011.
3.
« Merci aux 155 signataires au 21 octobre 2014 », Faire de la société un bien commun essentiel. Manifeste pour la coresponsabilité sociétale territoriale et la contribution au développement durable « à la hauteur des enjeux, p. 23 et 24.

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°118, lundi 17 novembre 2014

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2014

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