Savigny-sur-Orge. L’électeur dispose-t-il d’une méthode pour choisir avec raison pour qui voter aux élections municipales ?

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°79, lundi 17 février 2013

OBSERVATOIRE DES ÉLECTIONS MUNICIPALES 2014

Existe-t-il un rationalisme démocratique ? Les philosophes de l’état de nature, qui se sont opposés à ceux de l’école du droit naturel, expliquent la création de l’institutionnalisation du social en lui appliquant le célèbre aphorisme de Descartes : « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ».

ENTRER EN SOCIÉTÉ

« C’est parce que chaque individu, dans l’état de nature, est doté d’une raison, que la société civile peut être considérée comme le résultat d’un acte conscient qui consiste à « entrer en société ». Peu importe que celle-ci réponde au besoin d’instaurer une « protection mutuelle », comme HOBBES, qu’elle protège « la propriété de soi-même », comme LOCKE, ou bien encore qu’elle actualise une « nature humaine perfectible », comme ROUSSEAU » écrit Joseph-Yvon THERIAULT. (1)

LA RAISON CALCULATRICE

La sociabilité serait-elle une association fictive qui serait le résultat d’une raison calculatrice ? Bernard MANDEVILLE, au début du XVIIIe siècle, dans son allégorie sur les ruches d’abeilles, s’interrogeait : les vices privés conduisent-ils au bien public ?  (2) Les physiocrates postulaient l’existence d’un ordre naturel. Adam SMITH évoquait le rôle d’une main invisible, et Jeremy BENTHAM celui de l’utilité.

DISSOUDRE LE LIEN SOCIAL
RECONSTRUIRE LA CITÉ

C’est en critiquant la généralisation de la vision constructiviste du social, et sa tentative d’application politique, que BURKE suivi par d’autres penseurs de la démocratie, peut dire que chaque nouvelle génération et chaque assemblée délibérante sont à même de dissoudre le lien social et de reconstruire complètement la Cité.

La « dépolitisation progressive de la sphère publique » serait-elle un effet du libéralisme utilitaire ? On peut apporter comme réponse que la construction de la cité est le produit d’un public informé qui fait usage de la raison. Les modalités de cette construction doivent être sans cesse interrogées.

GAGNANT OU PERDANT ?

Chaque candidat à une élection possède en lui-même, et au travers des actions auxquelles il participe, des forces et des faiblesses. Il est confronté à des opportunités et à des menaces qui peuvent soit lui permettre de gagner, soit l’entraîner à être battu. Cette méthode est connue sous le nom anglais de SWOT : « Strengths » (forces), « Weaknesses » (faiblesses), « Opportunities » (opportunités), « Threats » (menaces). Essayons de l’appliquer aux candidats qui se sont déclarés à ce jour pour les élections municipales des 23 et 30 mars 2014 à Savigny-sur-Orge.

  • Jean ESTIVILL
    Force.
    Conseiller municipal sortant. Développe avec constance des thèmes généraux. Fait de beaux discours qu’il prononce avec une éloquence particulière.
    Faiblesse.
    A été exclu du PS (il y a longtemps). N’a plus l’investiture du Front de gauche (dont il a été exclu). Ne s’est jamais opposé à Laurence SPICHER-BERNIER. Certains parlent de complicité. Programme intemporel. Tracts en décalage avec l’actualité locale.
    Opportunité.
    Continuer à s’opposer au Parti socialiste et au Front de gauche.
    Menaces.
    Peut-il exister en dehors du Front de gauche ? Perte d’influence.
  • David FABRE
    Force.
    Conseiller municipal sortant. A l’expérience d’avoir été tête de liste PS en 2008 dont il a été exclu. A été le premier à commencer sa campagne. Ralliement à sa liste de Jean-Michel ZAMPARUTTI (UMP), adjoint au maire réduit à l’état de conseiller municipal par Laurence SPICHER-BERNIER. Site Internet bien fait. Tracts présentant la ville par quartier. Photos et vidéos.
    Faiblesse.
    Exclu du PS. Exclu d’Europe Écologie Les Verts. Un site internet qui s’essouffle.
    Opportunité.
    Liste sans investiture de parti politique.
    Menaces.
    Ne pas avoir d’identité politique reconnue.
  • Audrey GUIBERT (FN)
    Force
    . Savinienne. On ne peut pas lui reprocher d’avoir exercé un mandat électif. Expérience de responsabilités politiques dans un parti. Un tract très original sur la piscine. Un site internet, peu connu, mais d’un grand professionnalisme.
    Faiblesse.
    Pas de pratique connue sur les dossiers locaux, on la découvre donc.
    Opportunité.
    Le FN apporte-t-il une réponse à ceux qui pensent que, SARKOZY et HOLLANDE, c’est la même chose ?
    Menaces.
    Montée des positions d’extrême droite.
  • Pierre GUYARD (PS)
    Force.
    Compétences professionnelles. Expérience de conseiller municipal minoritaire pendant douze ans (2001-2008, 2008-2013) à Verrières-le-Buisson.
    Faiblesse.
    Cette même expérience de conseiller municipal à Verrières-le-Buisson lui est reprochée par Laurence SPICHER-BERNIER. Un site internet et des tracts pas assez inspirés à ce jour. Pas de programme publié à ce jour.
    Opportunité.
    Après Jean MARSAUDON (RPR/UMP), de 1983 à 2008, et l’épisode Laurence SPICHER-BERNIER, de 2008 à 2013, il présente une alternative aux électeurs qui ne veulent ni poursuivre avec  Laurence SPICHER-BERNIER (UMP, puis Parti radical, puis CNI, puis UDI), ni suivre Éric MEHLHORN (UMP).
    Menaces.
    Contexte de désenchantement de l’électorat de François HOLLANDE. Y aura-t-il un découplage de l’opinion à l’égard du socialisme national et du socialisme municipal ? Une liste constituée sur la base d’un rassemblement politique (PS, EELV, PRG, PC) peut-elle être en mesure de rassembler plus largement des membres de la société civile ?
  • Dominic LEBRUN (FG)
    Force.
    Savinien depuis trente ans. Premier tract-programme très bien conçu.
    Faiblesse.
    Sympathique mais peu connu. Un site fait selon un modèle national bien conçu. Très peu d’articles.
    Opportunité.
    Désenchantement d’une partie de l’électorat de François HOLLANDE.
    Menaces.
    Existe-t-il une place, pour lui, entre Pierre GUYARD et Jean ESTIVILL ?
  • Éric MEHLHORN (UMP)
    Force.
    Conseiller général (élu en 2006-2008, et réélu en 2006-2014). Ancien adjoint au maire. Conseiller municipal. Son site Internet est clair, très bien fait, mais comporte à ce jour peu de textes.
    Faiblesse.
    Sa suppléante, en tant que conseiller général, est Laurence SPICHER-BERNIER qui l’a rétrogradé d’adjoint à conseiller municipal (en même temps que trois autres adjoints UMP) en 2012. Un seul tract publié. Pas de programme publié à ce jour.
    Opportunité.
    Thèmes nationaux développés par l’UMP durant cette année 2013-2014 marquée par de nombreuses manifestations de mécontentement.
    Menaces.
    S’est démarqué de Laurence SPICHER-BERNIER sans l’attaquer de front au conseil municipal. Fera-t-il alliance avec elle au second tour ? Sinon, il faut qu’il la devance suffisamment ainsi que Pierre GUYARD et Audrey GUIBERT.
  • Laurence SPICHER-BERNIER (UDI)
    Force.
    Maire en place et candidate. Dispose des importants moyens de l’exécutif municipal d’une ville de 37 000 habitants (et dont toute utilisation est susceptible de rompre l’égalité entre les candidats reconnue par la loi électorale).
    Faiblesse. Ne pas avoir été élue sur son nom. A poursuivi devant les tribunaux 42 % des membres du conseil municipal. Très nombreux contentieux engagés par elle, en tant que maire, aux frais des contribuables. Très nerveuse. Ne respecte pas ceux qui ne pensent pas comme elle. Pas de programme publié à ce jour. Site Internet polémique attaquant des personnes en usant de façon inconsciente et systématique d’arguments ad hominem. (3)
    Opportunité.
    Battre à la fois Éric MEHLHORN, Pierre GUYARD et le Front National.
    Menaces.
    Gouvernance autocratique. Rapports polémiques avec la CALPE. Dossier de la piscine.
  • Olivier VAGNEUX
    Force.
    Sa jeunesse. Plusieurs tract-programmes publiés sans soutien de parti, très bien faits. Candidat qui a publié le plus grand nombre d’articles sur son site Internet.
    Faiblesse.
    Sa jeunesse. Pas d’investiture politique (il aurait celle de la Démocratie chrétienne de Christine BOUTIN et de l’AEI, mais n’en fait pas état dans ses documents). Un site internet qui s’essouffle.
    Opportunité.
    Rassembler des électeurs en dehors des partis politiques.
    Menaces.
    Ne pas réussir à rassembler 39 candidats pour constituer une liste. Ensuite se faire une place.

LES EFFETS DE LA PROFESSIONNALISATION POLITIQUE

Les électeurs doivent être défendus au même titre que les consommateurs. Joseph SCHUMPETER a été le premier évoquer la professionnalisation du personnel politique et à l’analyser en transposant la logique économique producteur/consommateur au niveau politique : les électeurs devenant des consommateurs de politique, les hommes politiques devenant des producteurs de politique. Ce qui a pour conséquence, comme en économie, d’amener une adaptation de la production politique à la demande politique.

L’histoire de la défense des consommateurs s’est constituée dans les années 1960 aux Etats-Unis. Elle continue de s’écrire, confrontée aux nouvelles conditions de l’hyper consommation numérique. L’histoire de la défense des électeurs demeure à écrire.

Dans de précédents articles, nous avons avancé l’idée que l’existence d’un candidat à une élection ne pouvait se concevoir sans recours aux technologies de la démocratie. Un site Internet, un Facebook, un Twitter, complétés par un recours aux photos et à la vidéo, constituent des standards. La parole, l’écrit et l’image subissent le sort de léditorialisation. Des exigences de qualité sont imposées par la demande citoyenne. Elles ne dépendent plus d’un statut amateur/professionnel, ou bénévole/prestataire de service, mais de la qualité d’un « produit » concurrentiel. Les techniques de la démocratie sont occupées soit par le secteur marchand (prestations de service), soit par des pratiques collaboratives.

APPRÉCIATION DES MOYENS
MIS EN ŒUVRE PAR LES CANDIDATS ET LEURS COLISTIERS

Un correspondant, qui se partage entre des parcours en ville et la consultation de son ordinateur, me transmet un pointage concernant l’activité déployée par les candidats (déclarés à la date du 15 février 2014). Ils sont classés à partir de 9 critères (Permanence, Affichage, Tracts, Porte-à-porte, Réunions, Site Internet, Facebook, Twitter) qui tiennent compte à la fois de l’inexistence/existence, de la qualité, de l’adéquation de l’offre politique au regard de la demande citoyenne locale :
0. Qualité amateur/Pas d’intérêt (inexistence ou inconnu), 1. Qualité peu professionnelle /Très peu d’intérêt, 2. Qualité professionnelle/Un peu d’intérêt, 3. Qualité très professionnelle/intérêt. Toutes les observations critiques sont les bienvenues.

  • Jean ESTIVILL. Permanence (0), Affichage (3), Tracts (2), Porte-à-porte (0), Réunions (1), Site Internet (0), Facebook (1), Twitter (0).
  • David FABRE. Permanence (3), Affichage (0), Tracts (2), Porte-à-porte (3), Réunions (3), Site Internet (3), Facebook (2), Twitter (1).
  • Audrey GUIBERT. Permanence (3), Affichage (0), Tracts (2), Porte-à-porte (0), Réunions (1), Site Internet (3), Facebook (0), Twitter (0).
  • Pierre GUYARD. Permanence (1), Affichage (0), Tracts (1), Porte-à-porte (3), Réunions (3), Site Internet (1), Facebook (2), Twitter (2).
  • Dominic LEBRUN. Permanence (0), Affichage (0), Tracts (3), Porte-à-porte (0), Réunions (0), Site Internet (2), Facebook (0), Twitter (1).
  • Éric MEHLHORN. Permanence (3), Affichage (1), Tracts (1), Porte-à-porte (0), Réunions (0), Site Internet (3), Facebook (2), Twitter (2).
  • Laurence SPICHER-BERNIER. Permanence (3), Affichage (3), Tracts (1), Porte-à-porte (0), Réunions (0), Site Internet (1), Facebook (1), Twitter (0)
  • Olivier VAGNEUX. Permanence (1), Affichage (0), Tracts (3), Porte-à-porte (1), Réunions (1), Site Internet (3), Facebook (2), Twitter (0).

Établi à partir des éléments dont notre correspondant a disposé à la date du 15 février 2014. Les élections municipales ont lieu dans cinq semaines, les 23 et 30 mars 2014.
Ce pointage sera actualisé toutes les semaines dans un nouvel article sérié dans la catégorie « Observatoires des élections municipales 2014 ».

Le choix en politique obéit-il à la raison ? Si oui, laquelle ?

 

RÉFÉRENCES
1. THERIAULT Joseph-Yvon
, « La première crise de la raison », in MINGUELEZ Roberto, Politique et raison, Figures de la modernité, Presses de l’université d’Ottawa, 1988. Chapitre « La critique du rationalisme démocratique ».
2. MANDEVILLE Bernard,
La Fable des abeilles, (The Fable of the Bees : or, Private Vices, Publick Benefits), 1714 et 1729. La Fable des abeilles développe avec un talent satirique la thèse de l’utilité sociale de l’égoïsme. Il avance que toutes les lois sociales résultent de la volonté égoïste des faibles de se soutenir mutuellement en se protégeant des plus forts. Parue dans un premier temps en 1705 sous la forme d’un poème intitulé « La Ruche murmurante ou les fripons devenus honnêtes gens » (The Grumbling Hive, or Knaves Turn’d Honest).
3. Un argument ad hominem s’attaque non pas à une idée, mais à une personne. Il consiste à confondre un adversaire en lui opposant ses propres paroles ou ses propres actes. Il sert à discréditer des arguments adverses sans les discuter, mais en s’attaquant à la personne qui les présente. Typiquement un argument ad hominem est construit en trois étapes : 1. A affirme une proposition B. 2. A n’est pas crédible pour des raisons liées à sa personne, à ses paroles, à ses actes. 3. Donc la proposition B est fausse.
Les arguments ad hominem circumstantiæ sont ceux consistant à mettre en avant des faits relatifs au passé ou aux convictions d’une personne pour discréditer son point de vue.
L’argument ad hominem, ou ex concessis, est le 16e stratagème recensé par Arthur SCHOPENHAUER dans son ouvrage L’Art d’avoir toujours raison.
« Quand l’adversaire fait une affirmation, nous devons chercher à savoir si elle n’est pas d’une certaine façon, et ne serait-ce qu’en apparence, en contradiction avec quelque chose qu’il a dit ou admis auparavant, ou avec les principes d’une école ou d’une secte dont il a fait l’éloge, ou avec les actes des adeptes de cette secte, qu’ils soient sincères ou non, ou avec ses propres faits et gestes. Si par exemple il prend parti en faveur du suicide, il faut s’écrier aussitôt :
« Pourquoi ne te pends-tu pas ? » Ou bien s’il affirme par exemple que Berlin est une ville désagréable, on s’écrie aussitôt : « Pourquoi ne prends-tu pas la première diligence ? »

Sites Internet des candidats (connus à ce jour)

Jean ESTIVILL. http://www.savigny-egalite.com
David FABRE. http://www.savignyensemble.fr
Audrey GUIBERT. http://www.fnmunicipales.fr/savigny-sur-orge
Pierre GUYARD. http://www.guyard2014.fr
Dominic LEBRUN. http://www.frontdegauche91600.fr
Éric MEHLHORN. http://www.bonsens2014.wordpress.fr
Laurence SPICHER-BERNIER. http://www.laurencespicher2014.fr
Olivier VAGNEUX. http://www.vsa2014.fr

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°79, lundi 17 février 2014

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2014

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