L’ambiguïté des rapports entre politique et exercice du pouvoir (Georges Balandier)

La lutte pour le pouvoir est au cœur de la vie politique.

La réflexion sur le pouvoir est au centre de la philosophie politique classique (Platon, Aristote…). Elle pose deux questions essentielles :

  • comment, et à quelles conditions, une personne peut-elle gouverner une cité ?
  • qu’est-ce qui justifie et légitime le pouvoir ?

Tout scandale qui porte sur l’abus de pouvoir renouvelle l’interrogation sur l’exercice du pouvoir. Quelles réponses les sciences politiques sont-elles en mesure d’apporter ? Trois notions permettent d’éclairer les fonctions du pouvoir : substance, institution, interraction.

1. Le pouvoir comme substance.
Le pouvoir est une possession qui comporte des bénéfices, des avantages. Il peut prendre de la valeur, ou perdre de la valeur. C’est en cela que son détenteur peut le dilapider.

2. Le pouvoir comme institution.
Le pouvoir désigne les gouvernants, les gens de pouvoir, les pouvoirs publics… Il en résulte qu’en démocratie, tout membre de l’opposition, est de fait, privé du pouvoir. Situation que le pouvoir en place ne se gêne pas de lui faire sentir, parfois durement. La notion de pouvoir renvoie à celle de la « coercition légitime » dans le cadre des fondements de la souveraineté : celui qui dispose du pouvoir possède un pouvoir de sanction (dont l’usage peut se révéler légitime et illégitime).

3. Le pouvoir comme interaction.
Tout pouvoir mobilise des ressources humaines en vue de faire triompher, contre toute résistance éventuelle, ses décisions. Le point de vue d’un individu domine sur celui d’un autre. Il suppose une restriction des libertés : pouvoir d’injonction (autorité), pouvoir d’influence (suggestion d’un comportement).
L’accès à des moyens d’influence diversifiés nécessite la disposition des ressources de pouvoir (fondé sur un capital social, économique, culturel…). La question de la légitimité du pouvoir se pose ; elle peut être acquise de manières diverses.

Le pouvoir demeure une notion ambiguë rappelle Georges BALANDIER :

  • il est accepté, car garant de l’ordre, de la sécurité… (il intègre et protège),
  • il est contesté parce qu’il justifie et entretien des inégalités (ceux qui sont au pouvoir font tout pour perpétuer leur appropriation, leur domination, et empêcher que les autres puissent exprimer toute proposition, toute critique, toute contestation de ce pouvoir).

Pour être légitime, un pouvoir démocratique doit accepter le fait d’être démocratiquement contesté. Il doit respecter ceux qui le contestent. Il ne peut y avoir d’équilibre politique – au sein d’une « démocratie sereine » – sans l’existence d’un double rapport d’acceptation/contestation.

RÉFÉRENCES
RIVIÈRE, Claude, Introduction à l’anthropologie, Hachette, 2007.
BALANDIER, Georges, Anthropologie politique, PUF, 1967, Collection Quadrige.
ABÉLÈS Marc, Anthropologie de l’Etat, Armand Colin, 1990.
JOUVENEL, Bertrand de, Du Pouvoir, Hachette, 2006, Collection Pluriel.
BLOCH Marc, La société féodale, Albin Michel, 1994, Collection Évolution de l’humanité.

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