Les territoires de l’inquiétante étrangeté. Note sur l’ « Unheimliche » chez Sigmund Freud

L’INQUIÉTANTE ÉTRANGETÉ. NOTE SUR L’UNHEIMLICHE

Les concepts psychanalytiques circulent sur la scène théorique. Ils s’usent, se fatiguent, se défraîchissent. Aux concepts de la première heure succèdent d’autres formulations théoriques, des concepts de second plan apparaissent. Il en est ainsi de l’unheimliche – « l’inquiétante étrangeté » – qui bien que n’ayant pas une position centrale dans l’élaboration freudienne, ne constitue pas moins, pour qui y porte attention, un concept important et complexe : complexe de par son mode de fonctionnement souvent allusif et souterrain dans les textes que la psychanalyse inspire, important car se situant à l’un des nœuds d’articulation théorique de l’analyse.

Unheimliche est le terme générique qui désigne à la fois un texte et un concept. L’importance de l’article « Das Unheimliche » (1) de Sigmund Freud peut être donné par cette remarque que lui fait Karl Abraham : « J’ai l’impression que, jamais encore, vous n’aviez pénétré aussi profondément le fond ultime d’un problème  (2). La profondeur peut sembler tourner à la confusion lorsque Ernest Jones place de façon très nette le texte « Das Unheimliche » sur le versant de l’occultisme comme préfigurant les préoccupations que Freud montre lorsqu’il écrit en 1921 « Psychanalyse et télépathie ».

« Das Unheimliche » se trouve pris dans un réseau de références. Ainsi on peut lire que Das Unheimliche est le texte de Freud qui prend le plus en considération la spécificité de la littérature, « le privilège de l’écrivain étant de pouvoir produire chez son lecteur des effets extrêmement variés à partir d’un même matériel ». (3)

Puis la notion se diffuse encore, elle se dilue au point de donner cette inquiétante étrangeté, un peu molle, dont le discours critique en mal de freudisme s’empare volontiers : c’est d’elle – vers luisant éteint  que l’on attend d’éclairer le fantasme  et le fantastique (4). Le concept freudien comme clef. Tout ce qui, dans le texte littéraire, sort des normes réalistes du récit (fantastique,science-fiction, merveilleux…) devient alors un point d’application possible pour l’unheimliche.

Il faut noter le rapport tout à fait particulier que l’unheimliche entretient avec l’écrit, avec le texte, avec la littérature. Le texte même donne à voir le psychanalyste en train de se livrer, comme dit Freud, à des « recherches d’esthétique ». La rareté relative de cette préoccupation, son caractère marginal par rapport à la pratique psychanalytique autorisent les commentaires les plus enthousiastes : on conclut à la vertu réservée de l’application de la psychanalyse à l’Art, à la Littérature. La psychanalyse – façon cataplasme – il n’y a rien de tel, c’est-à-dire plaqué comme remède général. On entend qu’il faut situer le lieu du discours psychanalytique. Mais une fois qu’une place lui a été trop bien ménagée comme à une pièce de puzzle, le discours auquel on a affaire n’a plus grand-chose à voir avec l’analyse. Ce sont ces « travaux affligeants », au regard de la théorie psychanalytique, pour reprendre l’expression de C. Bardet, qui donnent de l’application de l’analyse à la littérature une vue tout à fait caricaturale, parce que faite sans retenue et sans analyse attentive du cas d’espèce. (5).

Le texte de Freud semble décentré par rapport au reste de l’élaboration psychanalytique, son rapport à la vérité trouble car « à côté ». C’est l’accoté, l’appuyé, le « tout contre ». Texte sur un concept, texte sur un texte (Der Sandman de E.T.A. Hoffmann), texte sur d’autres textes. Résistance du texte, complexité de « Das Unheimliche » dont Jacques Derrida – ayant déjà noté de façon précise le rapport à la littérature du texte de Freud – reconnaît l’extraordinaire difficulté. Dans une note de « La double séance », après avoir relevé au titre de la castration et de la dissémination l’attention de Freud pour l’ambivalence indécidable, le jeu du double, l’échange sans fin du fantastique et du réel, du « symbolisé » et du « symbolisant », il écrit :

« N’oublions pas que dans « Das Unheimliche », après avoir emprunté tout son matériel à la littérature, Freud réserve étrangement le cas de la fiction littéraire qui comprend des ressources supplémentaires de l’Unheimlichkeit. Presque tous les exemples qui sont en contradiction avec ce que nous nous attendions à trouver, sont empruntés au domaine de la fiction, de la poésie ».

Ainsi, nous en voilà avertis : il y a peut-être une différence à établir entre l’inquiétante étrangeté qu’on rencontre dans la vie (das man erlebt) et celle qu’on s’imagine simplement (das man sich bloss vorstellt) ou qu’on trouve dans les livres (von dem man liest) (6) ». La vie et la fiction. Vivre ou écrire. Choix indécidable de la formulation théorique elle-même prise entre l’unheimliche dont on dit ce que c’est, dans quel registre on le place et l’unheimliche auquel aucun terme ne peut être assigné puisque déjà décalé. D’où la fondamentale interrogation concernant l’unheimliche et le réel.

Il faudrait suivre longuement, pas à pas, la démarche de Freud dans le texte « Das Unheimlich »e dont Hélène Cixous a rendu compte récemment. (7) Avant de porter attention au concept même d’unheimliche tel qu’on le rencontre à quelques détours de l’élaboration freudienne, relevons simplement le premier élément que Freud donne pour repérer l’unheimliche : « le plus souvent, l’inquiétante étrangeté coïncide avec ce qui provoque l’angoisse ». Freud présente alors deux voies : le rapprochement de tous les événements et de toutes les situations qui éveillent le sentiment d’inquiétante étrangeté, et la recherche du sens que l’évolution du langage a déposé dans le mot « unheimlich ». Cette idée de Freud selon laquelle l’emploi d’un mot exprimant un concept doit se justifier d’un fond de sens qui lui est propre — un « sens essentiel » dont il importe que l’analyse s’occupe — mérite attention. Jean Gillibert (8) reprend la remarque d’Émile Benvéniste selon laquelle Freud se serait trompé sur les sens opposés dans les mots primitifs : un terme ne peut énoncer une chose et son contraire, aucune langue n’échappant au principe de contradiction. La question n’est pas ici de savoir si Freud a tort ou raison; elle est, à sa suite, de savoir s’il y a de l’historique dans le langage. Et où il se place.

L’un des moments importants de l’approche freudienne est constitué par le recours au dictionnaire : d’abord pour les racines latines et grecques, ensuite pour les équivalents anglais, français et espagnol (9). La lecture la plus importante est constituée par la reprise partielle de deux articles de dictionnaires allemands : celui de Sanders auquel sont empruntées les citations de Gutskov et de Schelling, ainsi que celui de Jacob et Wilhelm Grimm. Ce long procès lexicographique met à l’épreuve tout un réseau d’équations constituées

  • d’égalités : unheimlich = non familier, heimlich = intime, de la maison, familier,
  • d’oppositions : unheimlich ≠ heimlich,
  • de formules : connu, familier → effrayant, dont la non-réversibilité est marquée : nouveau → effrayant, mais nouveau effrayant.

À toutes ces équations il manque un même sens, un sens en plus : l’incertitude. La lecture des dictionnaires modifie le réseau en rompant des fils pour en tisser d’autres. Il ne faut en aucune façon tirer de la phrase de Gutskov « nous appelons cela unheimlich, vous l’appelez heimlich » une conclusion du type : ça revient au même. Entre les deux séries de termes heimlich et unheimlich, Freud établit une coïncidence des contraires : heimlich appartient à deux groupes de représentations (familier, confortable et caché, dissimulé) qui bien qu’éloignés, ne sont pas opposés. Et puis l’unheimliche correspond à une autre série, celle du tabou qui présente deux significations opposées : d’un côté sacré, consacré et de l’autre étrangement inquiétant, interdit, impur. (10)

L’unheimliche se repère à partir de séries animées à la façon dont un bateau peut faire le point d’après la course d’étoiles inégalement visibles selon les latitudes. Il y a de l’Unheimliche ailleurs que dans le texte de 1919; tout le texte freudien est parcouru par certaines de ces séries : ainsiunheimlich, gefâhrlich (dangereux), verboten (interdit) et unrein (impur) sont une même série, qui opposée à heilig (sacré) et geweiht (consacré) sert à repérer la notion de tabou.

Arrêtons-nous sur ce passage du début de la relation que Freud écrit de l’analyse de l’Homme aux rats.

« A six ans déjà, je souffrais d’érections, et je sais que j’allai un jour chez ma mère pour m’en plaindre. Je sais aussi qu’il m’a fallu pour le faire, vaincre des scrupules, car j’en pressentais le rapport avec mes représentations mentales et mes curiosités. Et j’eus aussi, à cette époque, pendant quelque temps, l’idée morbide que mes parents connaissaient mes pensées, et, pour l’expliquer, je me figurais que j’avais exprimé mes pensées sans m’entendre parler moi-même. Je vois là le début de ma maladie. Il y avait des personnes, des bonnes, qui me plaisaient beaucoup et que je désirais violemment voir nues. Toutefois j’avais, en éprouvant ces désirs, un sentiment d’inquiétante étrangeté, comme s’il devait arriver quelque chose si je pensais cela et comme si je devais tout faire pour l’empêcher ». (11)

On retiendra de ce qui précède que l’unheimliche se manifeste précisément au moment du désir. Désir du corps, désir de voir le corps nu de la femme qui s’oppose à la bienséance, à l’interdit. L’unheimliche serait à mi-chemin entre une sorte de fatalité conditionnelle (« quelque chose va arriver si je pense cela ») et l’obligation de tout faire pour l’empêcher. Il y a là une croyance dans la toute-puissance des idées (Allmacht der Gedanken) selon l’expression forgée par le patient même de Freud, l’Homme aux rats, pour expliquer les phénomènes singuliers et étrangement inquiétants qui le poursuivaient sous la forme de représentations obsessionnelles.

« Il lui suffisait de penser à une personne pour la rencontrer aussitôt comme s’il l’avait invoquée. Demandait-il un jour des nouvelles d’une personne qu’il avait perdue de vue depuis quelque temps ? C’était pour apprendre qu’elle était morte, de sorte qu’il pouvait croire que cette personne s’était rappelée télépathiquement à son attention. Lorsqu’il lui arrivait, sans qu’il prît la chose au sérieux, de formuler une malédiction à l’adresse d’une personne, il vivait, à partir de ce moment dans la crainte perpétuelle d’apprendre la mort de cette personne et de succomber sous le poids de la responsabilité qu’il avait encourue  ». (12)

Ce qui devient unheimliche se glisse incidemment. L’idée vient sans qu’on la prenne au sérieux. Mais la toute-puissance des idées ne se forme pas seulement à partir d’apparences pour le moins trompeuses : elle a besoin pour s’établir que le rapport au réel se trouve forcé par quelque ajout donnant plus de force aux attentes superstitieuses. Freud note que l’emploi de formules comme celle de l’unheimliche est une façon de confirmer cette toute- puissance des idées. L’unheimliche relève d’un certain effet produit. Ça fait de l’effet, comme on dit. L’effet laisse entrevoir les fées à partir du moment où un discours bourré de « calembredaines » est tenu à un enfant. Freud rapporte ce « sens du réel » (Sachlichkeit) d’un enfant qui, lorsqu’un conte de fées lui était raconté, écoutait avec recueillement. Puis, s’avançant, il demandait : « Est-ce une histoire vraie ? ». Après avoir entendu le non qui lui était invariablement répondu, il s’éloignait d’un air méprisant (13). Cela produisait, dans le cercle de famille, son petit effet.

Cette question de l’effet (14) nous la saisirons à partir d’une situation qui éveille avec une netteté (Deutlichkeit) particulière le sentiment d’inquiétante étrangeté. Un des cas d’unheimliche par excellence que Freud emprunte à Jentsch est « celui où l’on doute qu’un être en apparence animé n’est pas vivant et inversement qu’un objet sans vie est animé » (16). L’être habituellement considéré comme animé se révèle non vivant, l’objet habituellement considéré comme non animé se révèle vivant. L’unheimliche apparaît chaque fois que l’on s’éloigne du lieu commun de la réalité. On décolle. Le contraire apparaît dans un rapport dialectique. En un mot, l’impossible surgit. On se trouve alors avec deux propositions qui s’établissent selon les deux registres de la réalité et de l’impossible :

  • l’être est animé/l’être n’est pas vivant;
  • l’objet n’est pas animé/l’objet est vivant.

L’impossible qui s’articule au pas vivant (la mort) ou au vivant (la manifestation hallucinatoire, voire sous une autre face, l’automate) fait effet. L’impossible est justement le terme qui sert à Jacques Lacan pour définir le réel. C’est ce qui résiste, insiste, existe irréductiblement; ce qui se donne, en se dérobant, comme jouissance, angoisse, mort ou castration. Serge Leclaire, à propos de l’impératif autour duquel s’ordonne le travail du psychanalyste — démasquer le réel — écrit que le réel désigne « le défaut constitutif du fait structural 16 ». Roland Barthes, prenant exemple de la lecture de Flaubert et de Michelet, donne de « l’effet de réel » la définition d’une « notation que l’analyse structurale laisse pour compte ». (17) Il s’agit donc de deux situations du réel vis-à-vis de la structure : l’une en tant que défaut, l’autre comme laissé pour compte. Par cette formule d’effet de réel on a tôt fait de conclure que le réel fait effet, qu’il agit, déforme ou imprime. S’agit-il alors, par les faits du réel, de l’ensemble des traces simples qui portent témoignage d’une instance, ou bien des signes renvoyant à un unique sens, conduisant à ce point commun où en effet veut dire en réalité? On peut entendre aussi « les faits déréels » — non pas au sens du caractère de ce qui est dé-taché du réel, le déréistique (Dereistisch) que relevait Bleuler — mais à celui d’unheimliche, de ce qui fait décoller de la réalité. Ainsi le rapport que le réel entretient avec l’inquiétante étrangeté se trouve marqué par l’insistance, tout au long de Démasquer le réel, de termes appartenant au registre de l’ « inquiétant » et de l’ « étrange ». (18)

Arrêtons-nous à cette formule d’effet de réel en reprenant les deux exemples qu’en donne Roland Barthes.

« Lorsque Flaubert, décrivant la salle où se tient Madame Aubain, la patronne de Félicité, nous dit qu’  » un vieux piano supportait sous un baromètre, un tas pyramidal de boîtes et de cartons « , lorsque Michelet, racontant la mort de Charlotte Corday et rapportant que dans sa prison, avant l’arrivée du bourreau, elle reçut la visite d’un peintre qui fit son portrait, en vient à préciser qu’  » au bout d’une heure et demie, on frappa doucement à une petite porte qui était derrière elle « , ces auteurs (parmi bien d’autres) produisent des notations que l’analyse structurale, occupée à dégager et à systématiser les grandes articulations du récit, d’ordinaire et jusqu’à présent, laisse pour compte, soit que l’on rejette de l’inventaire (en n’en parlant pas) tous les détails  » superflus  » (par rapport à la structure), soit que l’on traite ces mêmes détails […] comme des  » remplissages  » (catalyses), affectés d’une valeur fonctionnelle indirecte, dans la mesure où, en s’ additionnant, ils constituent quelque indice de caractère ou d’atmosphère, et peuvent être ainsi finalement récupérés par la structure ». (19)

L’effet de réel serait de l’ordre de Uberdeutlichkeit, d’un excessivement net, d’une précision trop grande, d’une clarté trop forte. Dans la pratique psychanalytique, Freud repère ce phénomène surprenant et à l’abord incompréhensible lorsque l’analysé fait part de souvenirs très vivaces, de détails extrêmement précis concernant des visages de personnes, des pièces dans lesquelles il a séjourné et des objets qui s’y trouvaient contenus. (20) Il faut préciser que cet excessivement net procède de la technique : c’est la communication par l’analyste d’une construction manifestement pertinente qui provoque cet effet chez l’analysé. Mais ce qui est ressenti comme ùberdeutlich se trouve être décalé par rapport à l’événement qui constituait le contenu de la construction. Effet de résistance, dit Freud, qui arrête « la poussée vers le haut » (Auftrieb) du refoulé en opérant un déplacement vers des objets voisins. Freud souligne ce rapport de l’Uberdeutlichkeit à l’oubli et au refoulé à propos du rêve exemplaire Signorelli. (21)

L’Uberdeutlichkeit est également un phénomène qui peut s’attacher à un souvenir comme dans l’exemple que Freud reprend à Theodor Reik. (22)

« Dans une petite société d’universitaires, dans laquelle se trouvaient également deux étudiantes en philosophie, on parlait des nombreuses questions qui se posent à l’histoire de la civilisation et à la science des religions, quant aux origines du christianisme. Une des jeunes femmes, qui avait pris part à la conversation, se souvint d’avoir trouvé, dans un roman anglais qu’elle avait lu récemment, un tableau intéressant des courants religieux qui agitaient cette époque là. Elle ajouta que toute la vie du Christ, depuis sa naissance jusqu’à sa mort, était décrite dans ce roman dont elle ne pouvait pas se rappeler le titre (alors qu’elle gardait un souvenir visuel très net [ûberdeutlich] de la couverture du livre et de l’aspect typographique du titre). Trois des messieurs présents déclarèrent connaître, eux aussi, ce roman, mais, fait singulier, tout comme la jeune femme, ils furent incapables de se souvenir de son titre ». (23)

Ce dont il est question dans cette conversation et dans le discours qui circule entre les différents membres du groupe, c’est quelque chose qui ne peut pas être dit : un nom échappe, quelque chose qui est connu est frappé par l’oubli. On connaît les expressions qui sont employées en de telles circonstances de la vie quotidienne : je l’ai sur le bout de la langue, c’est trop bête, je reconnaîtrais ce nom parmi toute une liste… Mais ici le phénomène d’oubli en rencontre un autre : la tentative de remémoration vient buter contre une série de détails très précis. La jeune fille voit le livre avec sa reliure rouge, les caractères du titre même et ses pages inégalement découpées. Ni le titre, ni le nom de l’auteur ne semblent présents à sa mémoire alors que toute une série de traits en attestent la proximité. Elle consent à se soumettre à l’analyse. Une chaîne d’associations lui vient : ecce homo / homo sum / quo vadis Il s’avère qu’elle a oublié le titre parce qu’il contient une expression que ni elle ni aucune autre jeune fille ne voudrait employer surtout en présence de jeunes gens. Le livre dont il s’agit est le Ben Hur de Lewis Wallace dont le mot Hur ressemble en allemand à Hure (prostituée). Prononcer le titre du livre revient à avouer devant les jeunes gens des désirs qu’elle considère inconvenants pour sa personne et qu’elle repousse comme étant pénibles. Elle considère l’énoncé du titre Ben-Hur comme équivalant à une invitation sexuelle et l’oubli correspond à une défense contre une tentation inconsciente de ce genre.

On peut dire que ces détails superflus qui font effet ne sont en aucune façon la pointe extrêmement affinée d’une écriture qui, dans la voie du réalisme, conduirait à la préciosité. De même pour les complexes infantiles refoulés qui, une fois ranimés, donnent naissance à l’unheimliche. Il s’agit des traits extrêmement nets d’un décalage. L’unheimliche comme « l’effet de réel » met précisément en jeu le réel dont s’occupe la psychanalyse en ce qu’il est effet, non de focalisation mais de décentrement.

 

RÉFÉRENCES

1. FREUD Sigmund, « Das Unheimliche », (1919), G.W., XII, p. 229-268.
FREUD Sigmund,
«L’inquiétante étrangeté », in Essais de psychanalyse appliquée, Gallimard, 1933, p. 163-211.
2. ABRAHAM Karl,
Lettre du 19 octobre 1919 à Sigmund Freud.
3. KOFMAN Sarah,
« Judith ou la mise en scène du tabou de la virginité », Littérature, n° 3, « Littérature et Psychanalyse », 1971, p. 105.
4.
Revue F., 1971, p. 1.
5. BARDET C
., « Du roman conçu comme le discours même de l’homme qui écrit », Congrès de l’École freudienne de Paris, Aix-en-Provence, 20-23 mai 1971, Lettres de l’E.F.P. (à paraître).
6. DERRIDA Jacques,
« La double séance », Tel Quel, n° 42, Été 1970, p. 41, note 55; puis note 56, in La Dissémination, Seuil, 1972, p. 300.
7. CIXOUS Hélène,
« La fiction et ses fantômes. Une lecture de l’Unheimliche de Freud », Poétique, n° 10, 1972, p. 199-216.
8. GILLIBERT Jean Gillibert,
« A propos de Freud et la scène de l’écriture », Les Lettres Françaises, n° 1429, 29 mars 1972, p. 8.
9. LACAN Jacques
dans son séminaire du 21 janvier 1970 remarque l’ambiguïté du couple heimlich-unheimlich qui « accentue de l’être pas à l’intérieur tout en évoquant ce qui est étrange ». Il relève les étranges variations des langues à ce propos. Ainsi en anglais : homeless, homeliness. Ajoutons que l’inquiétante étrangeté est traduit en anglais par uncanny, que le Harrap’s rend par « étrangeté inquiétante ». Enfin sur l’étrange (befremdend) du « fait étranger » chez Freud, voir G.W., II-III, p. 203.
10. FREUD Sigmund,
« Totem und Tabu » (1912-1913), G.W., IX, p. 27.
FREUD Sigmund,
Totem et Tabou, Pavot, 1968, p. 29.
11. FREUD Sigmund,
« Bemerkungen ûber einen Fall von Zwangsneurose » (1909), G.W., VII, p. 387
FREUD Sigmund,
« Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle — L’homme aux rats », Cinq psychanalyses, P.U.F., 1954, p. 203-204.
12. FREUD Sigmund,
G.W., IX, p. 106; Fr. p. 101.
13.FREUD Sigmund,
« Die Zukunft einer Illusion » (1927), G.W., XIV, p. 351.
FREUD Sigmund, L’Avenir d’une Illusion, P.U.F., 1971, p. 40.
14.
Il faut se reporter à la définition que Jacques Lacan donne de l’effet métaphorique de signification dans son séminaire du 14 décembre 1966. On peut suivre sur la formule donnée la fonction de la métaphore introduite sous la forme d’une relation proportionnelle entre un signifiant S, le signifiant S’ et 1′ « effet de signifié » s. Jacques Lacan définit la formule obtenue comme « effet métaphorique de signification » permettant de donner la structure du refoulement : S/S’ x S’/s = S (I/s)
L’effet de signification délimite la fonction de l’interprétation dans l’analyse comme effet de vérité. J.-D. Nasio, dans « Métaphore et Phallus », contribution à Démasquer le réel de Serge Leclaire, paraphrase la formule lacanienne sur le signifiant en ces termes : un signifiant est ce qui produit le sujet pour d’autres signifiants.
15. FREUD Sigmund,
« Das Unheimliche », G.W., XII, p. 237; Fr., p. 175.
16. LECLAIRE Serge,
« Le réel dans le texte », Littérature, n° 3, « Littérature et Psychanalyse », 1971, p. 30.
17. BARTHES Roland,
« L’effet de réel », Communications, n° 11, Seuil, 1968, p. 84-89.
18. LECLAIRE Serge,
Démasquer le réel, Seuil, 1971. Par exemple, p. 16 (les constructions qui prolifèrent dans l’analyse de Jérôme), p. 27 (le regard chez Philon), p. 56 (à propos du corps : « ce lieu le plus familier devient étrange »).
19. BARTHES Roland,
op. cit., p. 84.
20. FREUD Sigmund,
« Konstruktionen in der Analyse », (1937) G.W., XVI, p. 53.
21. FREUD Sigmund,
G.W., IV, p. 18.
22. REIK Théodore,
« Ueber Kollektives Vergessen », International Zeitschrift fur Psychoanalyse, VI, 1920.
23. FREUD Sigmund,
« Zur Psychopathologie des Alltagslebens » (1904), G.W., IV, p. 49.
FREUD Sigmund, Psychopathologie de la vie quotidienne, Payot, 1968, p. 48.

RÉFÉRENCES
MÉRIGOT Bernard,
« L’inquiétante étrangeté. Note sur l’Unheimliche », Littérature,n°8, 1972, p.100-106. Texte revu par l’auteur. http://www.savigny-avenir.fr/1972/12/15/les-territoires-de-linquietante-etrangete-note-sur-l-unheimliche-chez-sigmund-freud/

L’inquiétante étrangeté. Note sur l’Unheimliche, par Bernard Mérigot, Littérature, n°8, Larousse, 1972.

L’inquiétante étrangeté. Note sur l’Unheimliche, par Bernard Mérigot, Littérature, n°8, 1972.

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