La préparation de la « Charte de la participation 2016 » du ministère de l’Environnement

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°197, lundi 23 mai 2016

Bernard MÉRIGOT est membre de l’Institut de la concertation (IDC). Il participe aux travaux de la nouvelle « Charte de la participation du public et de la démocratisation du dialogue environnemental ». Il présente l’état de ses travaux préparatoires.

Bernard MÉRIGOT lors de l’atelier participatif de la Charte de la participation
(au fond, à droite)
qui s’est tenu au ministère de l’Environnement à Paris le 29 janvier 2016.
Extrait de la vidéo du ministère.
http://www.dailymotion.com/video/x48mxk2

Le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, en collaboration avec l’Institut de la concertation, viennent de publier une synthèse des ateliers participatifs qui se sont tenus à Paris (29 janvier 2016), à Lyon (3 février 2016) et à Bordeaux (5 février 2016). (2)

Ministère de l’environnement. Charte de la participation 2016
Synthèse des ateliers participatifs

DOCUMENT

CHARTE DE LA PARTICIPATION
Synthèse des ateliers participatifs
Paris (29 janvier 2016)
Lyon (3 février 2016)
Bordeaux (5 février 2016)

Ce document de travail constitue une synthèse des contributions recueillies lors des ateliers participatifs de Paris (29 janvier 2016), Lyon (3 février) et Bordeaux (5 février)sur le projet de Charte de la participation du public. Deux questions étaient posées aux participants :
•   d’une part, proposer des éléments de contenu à cette charte
•   d’autre part énoncer des conditions de sa bonne mise en œuvre.
Sommaire
Éléments de contenu
Conditions de mise en oeuvre
1. ÉLÉMENTS DE CONTENU
12. Une Charte de la participation doit affirmer…

121. Un cadre
122.Un état d’esprit
13. Elle doit promouvoir une participation qui concerne…

131. Un large public
132. Un large périmètre
14. Elle doit donner un sens
141. Construire l’intérêt général
142. Contribuer à la décision publique
143. Se sentir acteur dans l’espace public
2. CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE
21. Une décision large et planifiée
22. Une nécessaire « acculturation »
23. Une charte « vivante »
24. Des interrogations
3. Sur la préparation de cette synthèse

 

1. ELÉMENTS DE CONTENU
Une charte de la participation doit promouvoir :
•  un cadre (des principes, des règles) à ce qui est perçu comme un processus et non pas comme une procédure ni comme un moment ponctuel.
•  un état d’esprit, une culture commune faite d’engagement, d’écoute, de sincérité.
Elle doit concerner
•  un public large, en mettant l’accent sur l’accès des plus éloignés de la participation.
•  un périmètre large, à la fois en concernant divers domaine de la vie publique et s’inscrivant dans la temporalité des projets.
Elle doit donner un sens en se réclamant de la démocratie, de la citoyenneté, de l’efficacité des choix publics, de l’intérêt général, du lien social.
2. Conditions de mise en œuvre
Pour que cette charte soit efficace, il s’agit :
•    d’organiser une diffusion large et planifiée : communication et portage institutionnel,
•    de promouvoir les formations, la professionnalisation et de s’appuyer sur les relais, existants,
•    de l’accompagner par des dispositifs appropriés : suivi, évaluation, guides méthodologiques…,
Son caractère incitatif est privilégié mais il est rappelé qu’une Charte, à elle seule, ne constitue pas un outil suffisant pour faire évoluer significativement les pratiques participatives.
I. ELÉMENTS DE CONTENU
12. Une charte de la participation doit affirmer…
La concertation, c’est à la fois du « dur » et du « mou ». C’est un ensemble de règles (qu’il est possible de «codifier» même si cet ensemble doit rester souple pour s’adapter à la diversité des situations et à son déroulement) et un état d’esprit (qu’il est par nature difficile d’imposer mais qui peut s’acquérir).
121. Un cadre
Les contributions des participants qui relèvent de cet item sont très nombreuses. Elles montrent d’une certaine façon que «l’essentiel est aux cuisines». Dans ce registre, les participants mettent l’accent sur le caractère de processus de la concertation (c’est un parcours, un cheminement…)
Des règles et des principes auxquels elle doit répondre :
•   transparence de l’information (y compris sur les processus de décision), traçabilité des échanges, clarté des règles •   du jeu et des marges de manœuvre, explicitation des objectifs et du calendrier de la concertation, possibilité de discuter de l’opportunité des projets, exigence de retour d’information, etc.
•   égalité des participants, reconnaissance mutuelle, légitimité de tous les points de vue, accueil des divergences.
clarté du langage et accessibilité des échanges.
•   reconnaissance des savoirs des participants, respect de l’expertise d’usage d’existence de contre expertise.
Un cadre est donc nécessaire.
•   il doit être connu des participants,
•   il doit l’être dès le début (au moins en partie, non pas uniquement construit ou explicité en cheminant),
•   il gagne à être co-construit par les participants,
•   il peut être préservé par un garant ou des tiers neutres,
•   il n’y a pas de recette méthodologique. Il doit être fait (en partie?) sur mesure pour s’adapter à la diversité des contextes. Il oscille entre un impératif d’universalité et d’adaptabilité.
La question de traduction effective de la concertation dans la décision a fait l’objet de très nombreuses contributions. L’obligation de rendre des comptes (sur le processus et sur son résultat) est évoquée, mais également la nécessité de tenir compte des contributions des participants. Cette demande renvoie souvent à l’engagement nécessaire des initiateurs, qui doivent «croire en la concertation» donc en sa capacité à améliorer les projets.
122. Un état d’esprit
Les participants relèvent l’importance des attitudes et des postures de chacun: écoute, bienveillance, respect du contradicteur, sincérité, loyauté, neutralité des animateurs, etc. Ils notent également la nécessité d’un engagement des initiateurs de la concertation : s’engager à respecter les règles du jeu, à traduire la concertation dans la décision… L’acceptation des divergences, voire du conflit comme un processus constructif, est également relevée.
Tout ceci est difficile à imposer mais cela peut s’acquérir (par exemple par des formations). Cela relève d’une culture de la concertation. La charte doit affirmer ces grands principes et ces valeurs.
13. Elle doit promouvoir une participation qui concerne…
131. Un large public
En ce qui concerne les publics de la participation, le principe général est celui de l’inclusion, en particulier des plus éloignés (de la participation, de la décision publique).
•  pour certains participants aux ateliers, il faut «aller chercher», faire preuve de volontarisme.
•  pour d’autres, il faut rester pragmatique et savoir se donner des objectifs réalistes.
•  pour certains participants aux ateliers, l’élargissement permet de gagner en représentativité.
•  pour d’autres, il garantit une plus grande diversité des points de vue, elle même gage de richesse des échanges.
L’empowerment est une condition préalable nécessaire pour certains publics. Quoi qu’il en soit, l’égalité de l’accès à l’information, à la parole, à l’écoute est un principe de base. La capacité de mener une concertation doit pouvoir relever aussi du droit d’initiative des citoyens.
132. Un large périmètre
Dans les divers domaines de la vie publique, la participation ne doit pas se limiter à l’environnement et au développement durable mais toucher la diversité des projets qui ont un impact sur le cadre de la vie de la population.
En matière de temporalité, la concertation doit intervenir suffisamment en amont, exister tout au long de la durée d’un projet, jusqu’à la réalisation et même au-delà.
Elle doit concerner les projets initiés par les citoyens et non pas seulement relever de l’initiative des maitres d’ouvrage.
14. Elle doit donner un sens…
La charte doit affirmer un sens en affirmant des valeurs.
141. Construire l’intérêt général
Pour certains, il s’agit de définir collectivement l’intérêt général ou affirmer la notion de bien commun. Pour d’autres, de prendre en compte les intérêts de tous.
142. Contribuer à la décision publique
Respecter l’environnement, respecter les textes de loi, gérer les biens communs : la concertation n’est pas seulement un moyen d’affirmer symboliquement sa citoyenneté ou d’ouvrir des espaces de dialogue pour recréer du lien social: c’est aussi un outil pour peser sur les choix de société.
143. Se sentir acteur dans l’espace public
Se sentir citoyen, être responsable, avoir des droits, prendre des initiatives : ce sont quelques uns des effets attendus de la participation. Participer, ce n’est pas seulement répondre à des sollicitations des acteurs publics ou des maîtres d’ouvrage, c’est agir collectivement.
2. CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE
Pour être efficace, plusieurs moyens sont évoqués par les participants, dont certains se rejoignent et d’autres semblent plus difficilement compatibles.
21. Une diffusion large et planifiée
Il s’agit de faire connaître la charte à tous types de publics, mais en particulier aux maîtres d’ouvrage et aux citoyens. Plusieurs supports sont évoqués : les médias, les réunions publiques, les documents de concertation, l’école, des «ambassadeurs»…
L’idée d’engagement, de portage à différents niveaux (national, régional, local) est également mise en avant. Le portage par les citoyens est également proposé.
22. Une nécessaire «acculturation»
Un changement dans la culture de la participation doit être opéré. Il s’appuie sur :
•   La formation
•   La professionnalisation (garants, commissaires enquêteurs, etc.)
•   Des relais pour la diffusion de bonnes pratiques (réseaux associatifs, professionnels, institutionnels, de collectivités…)
23. Une charte «vivante»
La charte doit être souple, adaptable, évolutive et évaluée. Il s’agit par exemple de faire en sorte que:
•   Elle serve de socle ou de référence à des chartes par territoire ou par concertation
•   Elle soit accompagnée de guides méthodologiques
•   Elle soit évaluée en continue, suivie
•   Elle soit accompagnée d’un observatoire des pratiques.
•   Elle soit accompagnée d’une gouvernance appropriée.
24. Des interrogations
Enfin, des interrogations ont surgi dans les ateliers ou font l’objet de propositions peu compatibles, sur deux aspects principaux
•   Le premier est le caractère incitatif ou au contraire contraignant de la charte. Même si certains évoquent la possibilité de lui donner une force législative (l’adosser à la Constitution…) la plupart des participants semble pencher pour un caractère incitatif.
•   Une interrogation a également émergé : est ce bien d’une charte dont nous avons besoin pour faire évoluer la participation du public ?
•   Plusieurs participants évoquent d’autres outils ou déclinaisons : label, logo, référentiel… et fiches pratiques. Ils rappellent que l’important n’est pas la Charte en elle-même, mais les changements de pratiques qu’il est nécessaire d’impulser.
3. Sur la préparation de cette synthèse
Les contributions des participants ont été recueillies lors des trois ateliers participatifs de Paris, Lyon et Bordeaux. Lors de ces séances, de 4 heures environ, les participants ont été invités à se répartir en sous-groupes d’environ 8 à 10 personnes, à répondre individuellement aux questions en inscrivant leurs idées sur des post-it, puis à les organiser et à rédiger collectivement des posters qui ont été soumis aux votes des participants (votes par gommettes). Une synthèse « in vivo » a été produite oralement par un observateur/une observatrice au terme de chaque atelier.
Pour la rédaction de cette synthèse, nous avons mobilise :
•   les posters produits dans chaque atelier, avec des propositions hiérarchisées par les votes
•   les synthèses des observateurs
•   les post-it qui ont été collectés et classés, puis présentés sous forme d’arbres heuristiques.
Ces documents seront prochainement mis à disposition afin d’assurer la traçabilité de cette synthèse.
Ce document de travail est provisoire. Il est réservé dans cette version au Comité de pilotage élargi de la Charte de la participation.

Les auteurs remercient tous ceux qui se sont mobilisés pour rendre ces ateliers productifs : le CGDD, la CNDP, le Grand Lyon, Bordeaux Métropole, le C2D de Bordeaux Métropole, l’association Décider Ensemble, les membres bénévoles du réseau de l’Institut de la Concertation, Territoires et démocratie numérique locale.
RÉFÉRENCES
1. MÉRIGOT Bernard,
« Ministère de l’Écologie. Nouvelle charte 2016 de la participation : bonnes intentions et incertitudes », 1er février 2016, http://www.savigny-avenir.fr/2016/02/01/ministere-de-lecologie-nouvelle-charte-2016-de-la-participation-bonnes-intentions-et-incertitudes/
2. MINISTÈRE DE l’ENVIRONNEMENT DE L’ÉNERGIE ET DE LA MER et INSTITUT DE LA CONCERTATION,
Charte de la participation. Synthèse des ateliers participatifs, (Paris, Lyon, Bordeaux / 29 janvier 2016, 3 février 2016, 5 février 2016), 2016, pages.
MINISTÈRE DE l’ENVIRONNEMENT, DE L’ÉNERGIE ET DE LA MER,
Élaboration d’une charte de la participation du public, (1. Ateliers participatifs autour de deux questions. 2. Quels principes et valeurs souhaitez-vous voir affirmés dans une charte de la participation du public ?  3. Comment mettre en oeuvre cette charte ? ), Vidéo, 2016. http://www.dailymotion.com/video/x48mxk2
ARTICLES EN LIGNE SUR http://www.savigny-avenir.info
Ministère de l’Écologie. Nouvelle charte 2016 de la participation : bonnes intentions et incertitudes Posted on 1 février 2016 by Bernard MÉRIGOT LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°181, lundi 1er février 2016 Bernard MÉRIGOT, membre de l’Institut de la concertation (IDC), a participé à la journée organisée par Laurence MONNOYER-SMITH, commissaire générale du développement durable au ministère de l’Écologie, … Continue reading → Posted in Charte de la concertation, Concertation territoriale, Démocratie participative, Dialogue environnemental, Institut de la concertation, Ministère de l’Écologie du Developpement durable et de l’Energie |
http://www.savigny-avenir.fr/2016/02/01/ministere-de-lecologie-nouvelle-charte-2016-de-la-participation-bonnes-intentions-et-incertitudes/
La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°197, lundi 23 mai 2016
Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2016
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