Les identités territoriales, individuelles et collectives, se fondent sur la mémoire

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°125, lundi 5 janvier 2015

L’entrée dans le monde numérique a accéléré les « discours circulants » ce qui eu pour effet de contribuer aux évanescences territoriales. La polysémie du vocable « mémoire » rassemble deux interrogations : celle de l’expression du temps et celle de la mobilité des énoncés fondateurs de la culture et du patrimoine.
Pas de mémoire sans territoire. Pas de territoire sans mémoire. Mystère de ce qui dure et perdure. Mystère des processus d’héritage, de transmission, de rupture, d’effacement, de résurgence. (1) Pour les approcher, nous proposons trois approches : celle des lieux, celle des acteurs, celle des évènements fondateurs.

LIEUX, ACTEURS, ÉVÈNEMENTS FONDATEURS

1. Lieux. La matérialité des lieux de vie sont mobilisés par les discours des habitants qui – pour cette raison – sont tous des « faiseurs de ville ».  Tout espace public comporte une partie visible. Il comporte aussi une partie invisible qui en est l’expression mémorielle, affective, et culturelle, constitutive d’une ruralité et d’une urbanité aujourd’hui mondialisée. Comment les mémoires individuelles et collectives émergent-elles ?

2. Acteurs. Il appartient aux passeurs de mémoire, aux entrepreneurs des mémoires, individuelles et collectives, d’être les porteurs de ces représentations. Les formes de leur expression comprend œuvres architecturales, artistiques, littéraires, muséographiques, archivistiques, cinématographiques, c’est-à-dire « politiques », au sens de la polis. … Ce sont leurs usages sociaux qu’elle produisent qui articulent le temps l’espace.

3. Évènements fondateurs. La patrimonialisation, liée aux temps et aux lieux (villes, quartiers, villages, lotissements…) est en prise avec les logiques sociales, politiques et économiques. Les cycles mémoriels s’inscrivent dans un temps long à partir d’évènements ponctuels : productions, transmissions, effacements, résurgences, prises et déprises.

Lieu, acteur, événement.
Les touristes du monde entier photographient les œuvres exposées dans l’espace public.
Sculpture de Niki de SAINT PHALLE (1983). La Fontaine Stravinsky est située à Paris sur le parvis du Centre national d’art et de sculpture Georges Pompidou, devant l’église Saint-Merri (XVe siècle).
©  CAD / BM 2014

LE DISCOURS RAPPORTÉ : LE CAS DES CITATIONS

Aucune démarche historique ne peut se développer sans utilisation du discours rapporté. Il existe une « praxis citationnelle ». Comment inscrivons-nous linguistiquement les autres dans notre discours ? Selon quelles règles affectives : intellectuelles, familiales, professionnelles, déontologiques ? Dans quel but rhétorique (sur-assertion, confirmation, polémique, réfutation…) ? Qui est sur-cité ? Qui ne l’est peu, ou pas du tout ? A partir de quels savoirs (le déjà-dit, le déjà-écrit, le déjà-transmis…) ? Tout cela dans une société contemporaine où les autoroutes de l’information rendent accessibles une masse de données à gérer, à ingérer, à digérer. (2)

TOUTE CULTURE PATRIMONIALE
SE FONDE SUR DES CITATIONS

Les paroles mémorielles, constitutives d’un patrimoine culturel et langagier, sont caractérisées par une forme brève, répétitive, relativement figée, ayant un impact fort : l’identification de la source de ces fragments discursifs est elle-même porteuse de sens.

Par ailleurs, le positionnement du sujet à la fois comme producteur de discours dans l’espace social, et comme énonciateur dans le discours, relève plus d’une négociation stratégique, sorte d’argumentation en faveur de « soi » et de ses identités sociales, sexuelles, culturelles, politiques…

Le fait de connaitre beaucoup de citations, de citer à propos et de mémoire des auteurs (la citation patrimoniale), participe à la construction d’une image de soi, un « ethos discursif » sans limite (un SMS, la marque d’une paire chaussures, de vêtement, un article de journal, un jeu radiophonique, une épreuve d’examen…). Comment, et selon quelles modalités se fabrique la mémoire citationnelle ?

Comment une culture sélectionne-t-elle, et sacralise-t-elle, par le biais des énoncés qui sont en circulation, son rapport à la mémoire, aux lieux, à ses acteurs, aux temps ? (3)

RÉFÉRENCES
1. LÉVY-VROELANT Claire,
« Mémoires et territoires : actions, représentations, narrations », Axe n°4 , Maison des sciences de l’homme de Paris-Nord (MSHPN), http://www.mshparisnord.fr/fr/recherches/axe-4-penser-la-ville-contemporaine/axe-4-theme-1-memoire-et-territoires-expressions-politiques-esthetiques-et-symboliques/presentation.html
2.
Le discours rapporté », CIDIT, Groupe de recherche interdisciplinaire, 2014.
3.
« Le discours rapporté. Une question de temps : Temporalité, histoire, mémoire, patrimoine discursif », Colloque, Mullhouse 2015. Université de Haute-Alsace, Institut de recherche en Langues et Littératures Européennes

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°125, lundi 5 janvier 2015

Mention du présent article : http//www.savigny-avenir.info/ISSN 2261-1819
BNF. Dépôt légal du numérique, 2015

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