Algorithmes, données, individuations (Bernard Stiegler, IRI Centre Pompidou)

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°70, lundi 16 décembre 2013

Bernard MÉRIGOT, responsable de la recherche-action « Territoires et démocratie numérique locale » a participé le 16 décembre 2013 au colloque consacré au « Nouvel âge de l’automatisation : algorithmes, données, individualisations » organisé dans le cadre des « Entretiens du nouveau monde industriel 2013 » par l’Institut de recherche et d’innovation du Centre Pompidou à Paris que préside Bernard STIEGLER.
Bernard MÉRIGOT est intervenu dans les débats. Le texte sera mis en ligne prochainement


Michel SAPIN
Ministre du Travail, de l’Emploi , de la Formation professionnelle et du Dialogue social
accueilli par Bernard STIEGLER
IRI, Centre Georges Pompidou, 16 décembre 2013
© BM 2013

 

Bernard STIEGLER
lors de son intervention sur « L’automatisation contre l’autonomisation ? »
IRI, Centre Georges Pompidou, 16 décembre 2013
© BM 2013

Lundi 16 décembre 2013

  • Ouverture. Michel SAPIN, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social.
  • L’automatisation contre l’autonomisation ? Bernard STIEGLER (IRI), David BATES (Berkeley University), Patrick CROGAN (University of trhe West of England, Bristol). L’automatisme est généralement appréhendé comme ce qui s’oppose à l’autonomie : un comportement automatique est irréfléchi. Pourtant, l’acquisition d’automatismes, comme l’apprentissage de la lecture, ou comme la pratique instrumentale virtuose, est la condition de ces formes caractéristiques de l’autonomie que sont la citoyenneté ou l’art du musicien. L’autonomie serait donc moins ce qui s’oppose à l’automatisme que ce qui compose avec elle. Jusqu’où et dans quelles conditions une telle composition est-elle encore possible au stade contemporain de l’automatisation ?
  • L’automatisation dans l’histoire technique, industrielle et économique et à l’époque contemporaine. Marc GIGET (IESCI), Michel VOLLE (Institut XERFI). La « grande industrie » qui apparaît au XIXè siècle est fondée sur l’introduction des automatismes au service de la transformation de la matière. En optimisant l’automatisation, le taylorisme devient la base du fordisme, qui constitue lui-même la matrice de la destruction créatrice décrite par Joseph Schumpeter. Partiellement redistribués en pouvoir d’achat, les gains de productivité ainsi réalisés permettent la stabilisation du consumer capitalism. L’automatisation généralisée que provoque la numérisation ne remet-elle pas fondamentalement en cause ce modèle fondé sur l’emploi comme condition d’un pouvoir d’achat ? Comment concevoir la solvabilité d’un système basé sur l’automatisation généralisée et le déclin systémique de l’emploi ?
  • Temps du travail, temps du savoir et valeur du temps à l’époque de l’écriture réticulaire. Maurizio LAZZARATO (CNRS, Université de Paris I), Jean-Yves BOULIN (IRISSO, Université de Paris X). Les gains de productivité résultant de l’automatisation sont des gains de temps : peuvent-ils être redistribués sous d’autres formes que celles permises par le salariat comme pouvoir d’achat – c’est à dire sans passer par la monétisation intégrale du temps gagné en argent ? De nouvelles conceptions du temps, de la valeur et du travail sont-elles possibles au moment où la robotisation paraît conduire au pur et simple remplacement de la main d’œuvre par des systèmes automatiques intégrés cependant que, par ailleurs, la numérisation fait apparaître de nouvelles formes de production de valeur et de savoir ?
  • Imprimantes 3D et production décentralisée – vers “l’usine à domicile” ? Johan SÖEDERBERG (IFRIS), Camille BOSQUÉ (ENSCI), Clément MOREAU (Sculpteo). Pendant que le human computing semble installer un nouveau type de prolétarisation hors salariat, la technologie numérique donne corps à des réseaux de savoirs fondés sur des relations entre pairs qui paraissent constituer autant de nouveaux processus de capacitation, d’individuation et d’autonomisation – y compris dans le domaine de la production décentralisée des biens matériels par l’intermédiaire des imprimantes 3D. Les nouvelles formes de savoirs qui émergent ainsi sont elles des précurseurs d’un modèle industriel fondé sur la déprolétarisation, préfigurent-elles au contraire une forme libertarienne d’auto-aliénation, ou bien ces deux tendances sont-elles l’enjeu de choix de sociétés possibles polarisées par elles ?

Bernard STIEGLER
Colloque «Le nouvel âge de l’autonomisation :
Algorithmes, données individuations»
Les entretiens du nouveau monde industriel
IRI, Centre Georges Pompidou, 16 décembre 2013
© BM 2013

Mardi 17 décembre

  • Automatisation, production et normalisation. Raphaël TRONCY (Eurecom), Christian FAURÉ (Ars Industrialis), Frédéric KAPLAN (EPFL). La publication et le traitement automatique de données sont conditionnés par des formats, des normes et des standards industriels à tous les niveaux. Or le numérique en réseau procède à une combinatoire exponentielle des données entre elles – ces écritures croisées que sont les hypertextes – jusqu’à produire les fameuses Big Data. Or, sachant la diversité des formats numériques, comment cette pluralité combinatoire des données peut-elle être homogène et normalisée pour être traitée de manière automatique ?

  • Recherche scientifique et organologie numérique. François TADDEÏ (CRI), Franck JUTAND (Institut Mines-Télécom), Jean-Yves BERTHOU (ANR). Quelles politiques de recherche, quelle organisation des rapports entre monde académique et développement technologique, quelle épistémologie générale et quelle épistémè faut-il concevoir à l’époque des digital humanities et des digital studies? Quels enjeux nouveaux et bouleversements axiomatiques sont-ils induits par les technologies algorithmiques de corrélation, de visualisation et d’extrapolation big data issue des mathématiques à l’époque de l’organologie numérique? La conception fondamentalement causaliste du savoir rationnel est-elle condamnée à régresser, ou bien une nouvelle conception de sa causalité est-elle en gestation ?
  • Automates et data.  Henri VERDIER (EtaLab), Valérie PEUGEOT (Orange Labs), Antoinette ROUVROY (Namur Un). C’est un dispositif planétaire de publication real time fondé sur la traçabilité de toute choses et de tous comportements qui est à l’origine des très grands nombres de données et de métadonnées qui constituent ce que l’on appelle les big data. Cette publication constitue-t-elle une nouvelle res publica ? Cette chose publique numérique est-elle porteuse de nouvelles formes d’intelligence collective, c’est à dire de sociétés politiques, ou bien conduit-elle à une société d’hypercontrôle automatisé, fondé sur la fascination et la stupéfaction – sinon sur la functionnal stupidity ainsi étendue bien au-delà des limites de l’entreprise
  • L’automatisation de soi. Éric SADIN (Écrivain et philosophe), Christian LICOPPE (Intitut Mines-Télécom). La « quantification » de soi se développe au moment où le neuromarketing optimise ses performances en sollicitant systématiquement les automatismes pulsionnels via les observations issues de l’imagerie cérébrale. Une psyché nouvelle, fondée sur un nouveau socius digitalisé, et porteuse de capacités inédites de désautomatisation de soi (c’est à dire de production de nouvelles formes de singularités psychiques et collectives) est-elle en germe dans ce qui peut être assimilé à des technologies du soi psychique comme du soi social ? Ou bien peut-on, avec le neuromarketing, réduire tout acte individuel et collectif à un comportement de consommation (de soi comme des autres et du monde) ?

  • Sur le chemin de l’automatisation généralisée. Il existe une normalisation technologique qui surdétermine les choix de société possibles. Dès lors, comment peut-on normaliser à la fois pour des questions technologiques mais aussi en même temps pour des enjeux économiques, politiques et sociaux ? Mais aussi et surtout, comment faire que les normes d’automatisation ouvrent la possibilité essentielle d’un rapport avec le non-automatique ?

RÉFÉRENCES
«Les entretiens du nouveau monde industriel 2013, Le nouvel âge de l’automatisation : algorithmes, données, transindividuations», (#ENMI 13) 16 et 17 décembre 2013, Programme, Institut de recherche et d’innovation, Centre Pompidou, Paris, 2013, 22 pages.

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°70, lundi 16 décembre 2013

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info/ISSN 2261-1819
BNF. Dépôt légal du numérique, 2013

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