Savigny-sur-Orge. Le maire Laurence Spicher-Bernier censure l’expression libre

CHRONIQUE SUR UNE MALADIE MUNICIPALE : LA TRIBUNITE

« Expression libre : La tribune du groupe « Imagine Savigny » n’est pas arrivée à la rédaction ». Telle est la phrase qui figure au milieu de la page 30 du dernier numéro de janvier-février 2013 de « Vivre à Savigny-sur-Orge, Magazine municipal », dénomination du bulletin de la commune. (1)

Tribunes de la page 30 (Cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Cette page – comme la totalité des pages de ce numéro du bulletin municipal – a été accessible en ligne sur le site officiel de la mairie www.savigny.org au cours du week-end du samedi 5 janvier/dimanche 6 janvier 2013. Il était encore consultable le matin du lundi 7 janvier. Il a été retiré dans la matinée. Qu’est-ce qui a bien pu se passer ? Les membres de Mieux Aborder L’Avenir (MALA) ont interrogé Bernard MÉRIGOT.

KREMLINOLOGUE OU SAVIGNOLOGUE ?

Question. Les pages de ce bulletin municipal mis en ligne en ligne sur le site officiel de la mairie, puis retirées aussitôt, constituent un fait singulier. Qu’a-t-il bien pu se passer ?
Bernard MÉRIGOT.
Il existe une discipline, la « kremlinologie », qui désigne l’étude de la politique soviétique, et en particulier celle des luttes pour le pouvoir à l’intérieur des instances dirigeantes. Elle s’intéresse au comportement, aux discours et à la stratégie des leaders du Kremlin. Il n’est pas nécessaire d’être « savignologue » pour constater un nouveau coup d’accélérateur/frein, un nouveau coup de volant droite/gauche, un nouveau changement de vitesse marche avant/marche arrière au sein de la mairie de Savigny-sur-Orge.

Il faut savoir qu’à Savigny-sur-Orge, la publication du bulletin municipal relève du « secret défense municipal ». C’est l’une des activités parmi les plus contrôlées par le maire. Mais trop de contrôle tue le contrôle. La mairie devient une passoire. Les informations fuient, et des textes « secret défense municipal » sont mis en ligne et deviennent accessibles à tout le monde !

UN BULLETIN MUNICIPAL CACHÉ

Laurence SPICHER-BERNIER réservait la primeur de ce bulletin pour le spectacle de ses vœux qu’elle organise, pour la plus grande gloire de la majorité municipale, le samedi 12 janvier 2013 à 19 heures, au COSOM. Depuis 2010, l’entrée est réservée aux personnes titulaires d’un carton nominatif… Ainsi, les 39 conseillers municipaux ne sont pas invités ! Il y a les « bons » conseillers municipaux qui sont invités, et les « mauvais » conseillers municipaux qui ne sont pas invités. Pour ma part, actuellement conseiller municipal (et maire-adjoint honoraire, après vingt-six années de mandat continu), aucun carton d’invitation ne m’a été adressé !

Patatras ! Avec le contenu du bulletin dévoilé de façon intempestive sur Internet le 5 janvier, toute la construction s’ écroule.  Bonjour la surprise ! Alors, dans la panique, on retire tout du site.

LE BLANC DES ANNÉES NOIRES

Question. Et que pensez-vous de ce « blanc », sur une demi-page, avec la mention « La tribune du groupe n’est pas arrivée à la rédaction » ?
Bernard MÉRIGOT.
Cela rappelle des périodes sombres que certains ont pu connaître, ou connaissent aujourd’hui.  Il est toujours choquant, à la place des lettres, des mots et des idées, de voir une absence de lettre, une absence de mot, une absence d’idée. 160 cm2 de blanc ! C’est comme si une lessive politique avait lavée le pluralisme démocratique multicolore : il ne reste que le papier blanc. Il est étonnant de voir un service de communication d’une ville de 37 000 habitants, participer au blanchiment des pensées minoritaires.

L’affirmation selon laquelle le texte n’aurait pas été remis est fausse. Je me suis entretenu avec mes collègues conseillers municipaux Jean-Claude LÉOST et Jean-Marc DEFRÉMONT : ils ont transmis leur contribution en temps et en heure par mail.

LA VALEUR DÉMOCRATIQUE EST INÉGALITAIRE

Question. Comment est organisée l’expression des minorités dans les publications municipales ?
Bernard MÉRIGOT. La loi dite « Démocratie de proximité » du 27 février 2002 a organisé, au bénéfice des élus d’opposition, un droit d’expression dans les supports d’information des collectivités territoriales et des EPCI. L’article L.2121-27-1 du CGCT dispose que : « dans les communes de 3500 habitants et plus, lorsque la commune diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d’information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal, un espace est réservé à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale. »

Tribune de la page 30 : 19 élus = 268 cm2 (Cliquer sur l’image pour l’agrandir)

La lecture des pages 30 et 31 du bulletin municipal de janvier-février 2013 de la commune de Savigny-sur-Orge (qui comprend 39 conseillers municipaux), permet de faire les constatations suivantes sur le rapport entre le nombre d’élus et la surface de tribune qui leur est accordée :

  • 19 élus (Union républicaine/Laurence SPICHER-BERNIER) : 23 cm x 16 = 268 cm2,
  • 5 élus Imagine Savigny (PS, Écologistes, Non inscrits) : 10 cm x 16 = 160 cm2,
  • 2 élus Savigny-égalité/Gauche républicaine : 8 cm x 16 = 128 cm2,
  • 1 élu Génération du concret (David FABRE) : 4 x 16 = 64 cm2,
  • 11 élus opposants à Laurence SPICHER-BERNIER : 0 cm2
  • 1 élu Debout la République : 0 cm2,

Je vous laisse faire le calcul de la valeur démocratique du centimètre carré de tribune de bulletin municipal.

LA DÉMOCRATIE EST FRAGILE

Question. Le groupe « Imagine Savigny » comprend des membres du parti socialiste. Vous n’êtes pas socialiste. Certains vont se demander pourquoi vous les défendez.
Bernard MÉRIGOT.
Je ne défends pas ici un groupe politique. Je défends les principes de la démocratie. La loi établit le principe de l’expression des minorités municipales (Code général des collectivités locales). L’idée que la loi est bafouée est intolérable : cela insupporte tous les démocrates. Pourquoi ? Parce que la démocratie est fragile. C’est comme une rangée de dominos : si on n’empêche pas le premier domino de tomber, tous les autres tombent. Lorsqu’une liberté tombe, d’autres libertés tombent à leur tour.

LA LIBERTÉ D’EXPRESSION
EST LA CONDITION DE LA DÉMOCRATIE

Question. Cet acte n’est pas anodin ?
Bernard MÉRIGOT.
Non, car il est en opposition avec deux principes fondateurs de notre démocratie : la libre communication des pensées et des opinions et la liberté d’expression et de communication. Ils ont été formulés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et sont constamment réaffirmés par le Conseil constitutionnel.

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». (2)

« La liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ». (3)

RÉFÉRENCES
1. COMMUNE DE SAVIGNY-SUR-ORGE,
Vivre à Savigny-sur-Orge, Magazine municipal, janvier-février 2013, 32 p.
La totalité des pages du magazine a été mise en ligne sur le site officiel de la mairie www.savigny.org. Il était librement consultable le week-end des samedi 5 et dimanche 6 janvier 2013. Il a été retiré dans la matinée du lundi 7 janvier 2012.

2.
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, Article 11.
3. CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Question prioritaire de constitutionnalité sur les droits et les libertés (exceptio veritatis), Décision du 20 mai 2011, Journal officiel, 20 mai 2011, p.8890.

Mention du présent article : http//www.savigny-avenir.info/ISSN 2261-1819
BNF. Dépôt légal du numérique, 2013

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