Les élus sont-ils victimes de la professionnalisation de la politique ?

Bernard MÉRIGOT contribue aux États généraux de la démocratie territoriale, organisés par le Sénat, à l’initiative de son président Jean-Pierre BEL. L’article ci-dessous a été mis en ligne le 16 février 2012. (1)

LES ÉLUS SONT VICTIMES
DE LA «PROFESSIONNALISATION» DE LA VIE POLITIQUE

La « professionnalisation » du personnel politique est un mouvement historique dont on peut fixer le début en France (pour ses effets modernes) sous la IIIe République (1870) avec l’indemnisation des parlementaires.

DÉMOCRATISATION, INDÉPENDANCE, CORRUPTION

Les mesures de professionnalisation de la fin du XIXe siècle ont eu pour effet d’amener une démocratisation du personnel politique, puisque qu’auparavant, seuls les individus issus des classes aisées – les notables – pouvaient y avoir accès. Cela a donné au personnel politique une indépendance relative, et par conséquent, a amené une baisse des pratiques répréhensibles (corruption). En revanche d’autres dépendances sont apparues, d’autres intérêts sont venus fausser la libre expression démocratique.

Divers auteurs ont critiqué les effets néfastes de la professionnalisation sur la vie politique.

L’ÉLECTEUR EST-IL UN CONSOMMATEUR ?
L’ÉLU EST-IL UN PRODUCTEUR ?

Pour Joseph SCHUMPETER, la professionnalisation du personnel politique a transposé la logique économique producteur/consommateur au niveau politique : les électeurs devenant des consommateurs de politique, les hommes politiques devenant des producteurs de politique.

Cela a pour conséquence, comme en économie, d’amener une adaptation du producteur politique à la demande politique. En d’autres termes : le personnel politique a tendance à privilégier la prise de décisions propre à satisfaire son électorat. Mais cette idée qu’un électorat puisse-être – même dans le langage journalistique – un objet de possession est-elle tolérable et conforme à l’idéal démocratique ? On constate que l’électorat, peu à peu se segmente, que ses composantes deviennent captives d’avantages acquis et d’avantages promis. Les élus et les électeurs sont de plus en plus conditionnés par des relations catégorielles.

UNE INSTRUMENTALISATION DU POUVOIR POLITIQUE ?

Le sociologue Daniel GAXIE observe que la professionnalisation de l’exercice du pouvoir politique le constitue comme une source de revenu. Dans le cas où des femmes et des hommes politiques seraient tentés de faire passer les intérêts de leur carrière (communication, cumul des mandats, publicité personnelle, réélection…), avant les intérêts de la nation, on serait en présence d’une « instrumentalisation du pouvoir politique ». 

On observe alors un double phénomène : 1. « l’auto-exclusion » des profanes en politique. Un profane – le mot signifie « hors du temple » – est celui qui n’est pas initié à un art, à une science, à une technique, à un mode de vie. Ceux qui appartiennent à la « société civile » sont des profanes de la politique. 2. « le cens caché ». Le cens, on le sait, est le terme qui désignait le montant de l’imposition qui était nécessaire pour être électeur ou éligible.

Il faut oser la question : la politique est-elle devenue un métier ? La politique relève-t-elle d’une activité s’exerçant dans le cadre d’un marché concurrentiel ?

La politique, au lieu de rassembler, élimine. Elle pratique, de fait – même en s’en gardant – l’exclusion. Comment y remédier ?

LA NÉCESSAIRE REFONTE DU CGCT
Code général des collectivités locales

Les réponses doivent être apportées par une évolution – significative et générale – des gouvernances territoriales, par l’intégration de pratiques de la démocratie participative, et par une refonte du Code général des collectivités locales.

Bernard MÉRIGOT,
maire adjoint honoraire,
ancien vice-président de syndicats intercommunaux,
président d’association »

RÉFÉRENCES
1. SÉNAT,
Les États généraux de la démocratie territoriale, www.democratie-territoriale.fr, 16 février 2012.

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