En politique, « rien ne plaît jamais que l’extraordinaire » (William Shakespeare)

 

If all the year were playing holidays,
To sport would be as tedious as the work,
But when they seldom come, they wished-for come,
And noting pleaseth but rare accidents.

William SHAKESPEARE, Henry IV.

Si l’année tout entière n’était que jours fériés,
Se distraire lasserait autant que travailler ;
Mais quand ils viennent rarement ils sont les bienvenus,
Et rien ne plaît jamais que l’extraordinaire.

William SHAKESPEARE, Henry IV, Paris, Robert Laffont, 1997, p. 422

La distance avec laquelle nous observons les manifestations officielles du pouvoir n’est-elle pas, paradoxalement, une forme d’aveuglement ?

LE POUVOIR SE DONNE EN SPECTACLE

Celui qui exerce un pouvoir se donne en spectacle. Analyser les ressorts de cette « politique spectacle », est une façon de se prémunir contre l’aliénation d’une théâtralité orchestrée avec machiavélisme. Mais n’est-ce pas aussi ignorer le rôle du public (c’est-à-dire du citoyen) qui s’enferme – sans y réfléchir – dans le statut d’une victime passive du pouvoir ?

Les accidents auxquels une cote de popularité est soumise rappelle que ce même public exige souvent de son chef qu’il « joue » un rôle. Il fixe alors des règles en adhérant ou en refusant d’adhérer à une représentation.

LE POUVOIR EST PLACÉ SOUS HAUTE SURVEILLANCE

Sandra COULAUD (1) analyse la ruse dont les rois des drames shakespeariens (Richard II, Henry IV, Henry V) font preuve lorsqu’ils se mettent en scène. Elle signale que le souverain, à la fin de la Renaissance, devient une figure placée sous haute surveillance.

  • Les anges que Richard II appelle à son secours contre son usurpateur ne se montrent pas. Dans son cas, le miracle politique n’a pas lieu.
  • La légitimité ne vient plus d’en-haut lors des règnes suivants (Henry IV, Henry V). Elle se gagne désormais auprès des sujets du royaume grâce à des talents de comédien du roi.

Lorsque Shakespeare montre des souverains qui doivent sans cesse séduire leurs sujets, il rend compte d’une faille dans l’absolutisme du pouvoir qui est plus fantasmé que réel.

LE PUBLIC EST UNE INSTANCE DE CONTRÔLE

Avec les guerres civiles et les guerres de religion, le monarque devient une figure suspecte, une figure menacée par des ennemis de l’intérieur à l’affût de ses moindres manquements. Ainsi, le jeu d’acteur du roi a pour envers un public érigé en instance de contrôle.

CHARMER, CONVAINCRE OU TROMPER ?

Celui qui exerce le pouvoir doit charmer, convaincre ou tromper la vigilance du public.

SHAKESPEARE montre l’instauration d’une relation contractuelle entre un roi, réduit à compter sur ses seuls talents, et des sujets qui s’éveillent au sens critique.

En est-il différemment en démocratie, quel que soit le niveau considéré ?

RÉFÉRENCES
COULAUD Sandra, « Les rois de Shakespeare : des rôles sous contrôle », Raison publique, 18 mai 2010.

This entry was posted in Chose publique (Res publica), Citoyenneté active, Contre-pouvoir, La lettre de Bernard Mérigot, Pouvoir politique, Shakespeare. Bookmark the permalink.

Comments are closed.