Le travail des élus locaux est-il « un travail sans qualité » ? (Michel Catlla)

DES CONTOURS FAIBLEMENT MARQUÉS

En France, les conditions d’exercice de l’activité politique des élus municipaux s’inscrivent dans un cadrage juridique dont les contours sont faiblement marqués. Les missions qui leur sont confiées le sont dans des termes génériques, les directions qui sont fixées le sont globalement, et les activités remplies ont des frontières plus ou moins définies.

UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE NON RECONNUE

D’une manière générale, la législation se refuse à considérer l’exercice d’un mandat local comme une activité professionnelle. Après avoir rencontré plus de cinquante élus locaux (maires, adjoints et conseillers municipaux), Michel CATLLA, sociologue spécialisé en science politique, présente les conditions de travail concrètes auxquelles sont confrontés les professionnels « non reconnus » de la politique. (1). Il rapporte les témoignages d’élus qui lui ont ainsi déclaré :

  • qu’il s’agit d’une activité stressante,
  • que des collègues sont en dépression suite à une défaite, à un revers ou à des attaques personnelles,
  • que le moteur les poussant à agir est celui d’un travail au service des administrés et des agents territoriaux,
  • qu’il s’agit d’un « temps complet » qui empiète sur la vie privée (2),
  • que pour ceux qui l’exercent avec conscience, il ne leur reste que peu de temps pour eux ou pour leurs proches.

Pour Michel CATLLA, « le travail des élus locaux s’apparente à un travail sans qualité : flexible, corvéable, précaire, sous l’emprise de responsabilités nombreuses et intenables, devant faire face à des dispositions contradictoires, sans nécessaire reconnaissance relationnelle ou financière en contrepartie… ». Une facette extrême, peu reluisante, du travail de l’élu, mais néanmoins réelle.

RÉFÉRENCES
1. CATLLA Michel, « Élu local : un travail sans qualité ? », Société française de science politique,  Congrès de Strasbourg, 2011.
2. « Projet sur les élus locaux au travail (PRELAT) », Programme de recherche, CERTOP, Université de Toulouse 2.

DOCUMENT

UNE RECHERCHE SUR LE TRAVAIL DES ÉLUS LOCAUX

Le projet PRELAT (Projet sur les élus locaux au travail), financé par l’ANR (Agence nationale de la recherche), propose d’analyser comment les élus exercent leurs fonctions de gouvernement et d’administration, en mobilisant des cadres d’analyse de la sociologie du travail et des professions, appliqués à l’étude d’un travail politique.

L’accent est mis sur les processus, pluriels, de configuration de ce travail, de délimitation des fonctions, de structuration d’une division des activités, de spécialisations professionnelles. D’emblée il s’agit de considérer que le travail des élus est une activité collective, inscrite dans des organisations structurées par des règles formelles et des ajustements pratiques, dans des flux d’échanges et d’interactions avec d’autres acteurs, dans des procédures explicites et dans des routines tacites, etc.

Le monde professionnel dans lequel le travail des élus est configuré est saisi à partir des entourages susceptibles de contribuer aux fonctions de gouvernement (outre les élus, les cadres dirigeants de l’administration et les conseillers et collaborateurs directs occupant des positions intermédiaires).

Les processus de configuration du travail sont explorés à partir de quatre entrées, correspondant à des dispositifs méthodologiques spécifiques :

  • un niveau institutionnel mettant l’accent sur les contextes socio-historiques locaux qui colorent les fonctions d’élu ;
  • un niveau organisationnel focalisant sur les divisions du travail qui délimitent des rôles professionnels ;
  • un niveau biographique prenant en compte les parcours et croyances des acteurs qui nourrissent les conceptions de l’activité ;
  • un niveau situationnel privilégiant les pratiques de travail développées à propos d’objets et de dossiers circonscrits qui sont encastrées dans des interactions et situations précises.

Ainsi cette sociologie du travail politique vise à éclairer les transformations contemporaines du champ politique et à contribuer aux débats sur la professionnalisation des élus, à partir d’une exploration des conditions -institutionnelles, organisationnelles, relationnelles et personnelles- du travail de gouvernement régional.

Sur un plan plus théorique, ce projet participe aux nouvelles approches, notamment anglo-saxonnes, du travail professionnel, qui considèrent la professionnalisation comme une production collective organisée, et à ce titre incertaine : si elle résulte de processus internes et pour partie maîtrisés par les travailleurs concernés (ici les élus), elle résulte aussi de processus externes et portés par d’autres acteurs travaillant dans le même monde professionnel et y occupant des positions différentes (ici les entourages de gouvernement).

Ce projet est coordonné par Didier Demazière. Les autres partenaires sont : Michel Catlla (Certop), Patrick Le Lidec (Cersa), Sandrine Nicourd (Printemps), Eric Verdier (Lest) et Lucie Bargel, Sébastien Gardon, Aisling Healy.

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