Encore un train de déchets radioactifs à Savigny-sur-Orge…

Un train de déchets radioactifs a traversé la commune de Savigny-sur-Orge le mardi 10 mai 2011, à 6 H 00 (en gare de Versailles-Chantiers à 7 H 30).

DANS LA PLUS GRANDE DISCRÉTION…

Ce n’est pas la première fois. Cela se passe dans la plus grande discrétion – volontaire – des autorités, de la SNCF… La mairie, informée, n’a rien dit… Seule des associations ont diffusé l’information : empruntant la ligne SNCF C8 (de Juvisy-sur-Orge à Versailles-Chantiers), un train radioactif est passé à Savigny-sur-Orge depuis la nationale 7, au pont des Belles Fontaines, a longé l’Orge, longé les Prés-Saint-Martin, est passé devant la Gare, puis à Grand-Vaux.

Indépendamment du contenu du train (sur lequel de nombreuses questions sont posées), le convoi a provoqué des effets sur le trafic des voyageurs plusieurs heures après. Nous avons reçu le témoignage d’un adhérent de « Mieux Aborder L’Avenir » : « J’ai vu en gare de Savigny deux trains de fret à l’heure de pointe à 8 H, alors que l’on n’en voit quasiment jamais. Les sillons horaires ont été confisqués aux trains de banlieue au profit de fret, plusieurs trains PAUL ayant été supprimés. Il y a un lien évident de cause à effet entre le convoi nucléaire et les perturbations du trafic des voyageurs qui ont suivi. »

POURQUOI DES DÉCHETS NUCLÉAIRES TRAVERSENT-ILS

SAVIGNY-SUR-ORGE ?

Pour AREVA, « L’arrivée des combustibles usés italiens en provenance du Piémont et à destination de l’usine de La Hague est une bonne nouvelle. Ce sont des tonnes à traiter après les 190 t reçues entre 2007 et 2010 d’ÉMILIE ROMAGNE » (région) « à partir du site de CAORSO et déjà traitées pour notre client SOGIN, ce qui confirme l’intérêt économique et environnemental du traitement-recyclage. »
L’évacuation des combustibles usés du PIÉMONT pour leur traitement va permettre à SOGIN de réaliser les opérations d’assainissement et de démantèlement des deux sites italiens concernés (sites d’AVOGADRO et de TRINO).

Se pose la question du transport de ces déchets radioactifs. Aucun problème pour AREVA : « Les transports sont réalisés en conformité avec la réglementation et la protection physique des combustibles usés. »

DU « TRAIN DE PLAISIR » AU « TRAIN D’INQUIÉTUDE »

« Train de plaisir » est un film de 1935 (1). Aujourd’hui, c’est « Train d’inquiétude ». AREVA a publié en 2011 un document interne de cinq pages intitulé « Transport de combustibles usés d’Italie vers la France ». L’intitulé est anodin : par « combustibles usés » il faut comprendre « combustibles radioactifs ». Pourquoi ne pas oser le dire ?

Les réponses apportées par AREVA posent de nombreuses questions. Nous extrayons de ce document quatre passages qui nous semblent essentiels :

  • 1. Quels sont les moyens mis en oeuvre dans le cadre d’un accident de transport de matières radioactives ?
  • 2. Comment les emballages protègent-ils les populations et l’environnement des matières radioactives qu’ils contiennent ?
  • 3. Quels sont les débits de dose autour de ces emballages ?
  • 4. Quelles sont les principales caractéristiques des emballages utilisés pour ces transports ?

1.  QUELS SONT LES MOYENS MIS EN OEUVRE DANS LE CADRE D’UN ACCIDENT DE TRANSPORT DE MATIÈRES RADIOACTIVES ?
Il existe en France un dispositif national de gestion des crises de transports de matières radioactives. Les Autorités font appel aux plans départementaux ORSEC-TMR. Les préfets sont chargés d’activer ces plans d’urgence. TN International dispose, par ailleurs, d’un plan d’urgence appelé PUI-T. Celui-ci couvre les phases d’alerte, d’analyse de la situation et d’intervention sur le terrain suite à un incident ou un accident de transport de matières radioactives. Il permet à TN International de mettre à la disposition des Autorités compétentes des moyens humains spécialisés et des matériels spécifiques. L’ensemble de ce dispositif est testé chaque année à l’échelon national avec les principaux acteurs (autorités comprises).

2. COMMENT LES EMBALLAGES PROTÈGENT-ILS LES POPULATIONS ET L’ENVIRONNEMENT DES MATIÈRES RADIOACTIVES QU’ILS CONTIENNENT ?
Les emballages protègent le public et les opérateurs contre les rayonnements ionisants grâce à des matériaux et des technologies éprouvés. Chaque emballage est adapté à la matière transportée. Lors de leur conception, ces emballages sont soumis à des séries d’épreuves réglementaires rigoureuses destinées à démontrer leur résistance. Les technologies et les processus de fabrication employés ainsi que les opérations de maintenance sont réalisés conformément aux réglementations nationales et internationales.

3. QUELS SONT LES DÉBITS DE DOSE AUTOUR DE CES EMBALLAGES ?
Les emballages utilisés pour les transports de matières radioactives permettent de protéger les personnes et l’environnement de la matière qu’ils transportent. Ils respectent les seuils de radioprotection définis dans la réglementation Internationale :

  • 2 milliSievert* par heure (mSv/h) au contact de l’emballage (il faudrait rester 5 heures au contact direct de l’emballage pour atteindre la dose intégrée lors d’un scanner) et du véhicule,
  • 0,1 mSv/h (ce qui correspond à une radiographie dentaire et du véhicule à deux mètres du véhicule.

Ces valeurs limites sont vérifiées à chaque transit (changement de mode de transport). Les personnes qui interviennent lors de la manutention des emballages et lors du transport reçoivent une formation appropriée sur la radioprotection. Pour les personnes travaillant dans le secteur nucléaire, on distingue deux catégories de personnels : les travailleurs dont la limite annuelle de dose est fixée à 20 mSv (soit 0,02 Sv) et les travailleurs occasionnels pour lesquels la limite annuelle est fixée à 6 mSv (soit 0,006 Sv). Pour les autres, les personnels de la SNCF ou les forces de l’ordre par exemple, c’est la limite applicable au public de 1 mSv par an qui est appliquée.
Les deux grandes unités sont le plus souvent employées :

  • le Gray (Gy), qui est la mesure de la dose absorbée, et
  • le Sievert (Sv), qui correspond au gray multiplié par un facteur de pondération propre à chaque type de rayonnement et à chaque organe. Le Sievert prend en compte l’effet du rayonnement sur un organe considéré.

4. QUELLES SONT LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES EMBALLAGES UTILISÉS POUR CES TRANSPORTS ?
La paroi des emballages utilisés pour le transport des combustibles usés et des déchets nucléaires, tels que les déchets vitrifiés, fait plusieurs dizaines de centimètres d’épaisseur et assure une protection radiologique efficace vis-à-vis du public et de l’environnement. Ce type d’emballage a subi toutes les épreuves réglementaires qui démontrent sa résistance aux accidents : chute de 9 mètres sur surface indéformable, chute d’un mètre sur poinçon, tenue à un feu de 30 minutes et immersion jusqu’à 200 mètres. La vérification de la résistance de l’emballage à ces épreuves doit être validée par les Autorités compétentes. Cette validation se traduit par un agrément qui permet la mise en service de l’emballage. Dans le cadre de l’utilisation d’un emballage pour des transports internationaux, chaque pays traversé valide la conception de l’emballage. »

LES RÉFLEXIONS DE L’ASSOCIATION « SORTIR DU NUCLÉAIRE »

Un nouveau train de déchets hautement radioactifs traverse la France

Entre le 8 et le 10 mai 2011, un train transportant du combustible usé italien hautement radioactif a quitté l’Italie pour rejoindre le terminal ferroviaire de Valognes (Manche). En France, il a traversé 12 départements :

  • La Savoie, l’Ain, la Saône-et-Loire, la Côte-d’Or, l’Yonne, la Seine-et-Marne, l’Essonne, le Val-de-Marne, les Yvelines, l’Eure, le Calvados et la Manche.

En empruntant une fois de plus les voies du RER en région parisienne, pendant les heures de pointe. Une fois arrivés au terminal de Valognes, ces déchets ont été acheminés par la route à l’usine AREVA de La Hague pour y être (selon le terme employé par l’industrie) « traités ».

Ces déchets devraient retourner en Italie probablement entre 2020 et 2025, où aucune solution n’existe actuellement pour les accueillir.

Un transport à haut risque

Hautement radioactif, le combustible usé est composé majoritairement d’uranium, mais aussi de plutonium, et dégage énormément de chaleur. Comme tout transport de matières radioactives, ce convoi montre des risques en termes de sûreté et de sécurité, notamment du fait de la concentration des déchets dans les wagons. Il ne permet pas non plus d’éviter les zones urbaines.

Les rayonnements radioactifs “Gamma“ émis par les conteneurs “CASTOR“ se propagent à plusieurs dizaines de mètres du wagon et exposent à des radiations ionisantes les personnes situées à proximité, entraînant un risque pour les riverains et les cheminots. La réglementation sur le transport des matières radioactives autorise des débits de dose pouvant aller jusqu’à 2 milliSievert par heure au contact du wagon, soit un niveau de radiation environ 20 000 fois supérieur à la radioactivité naturelle.

En 1998, le laboratoire de la CRIIRAD a mesuré, à 50 mètres d’un wagon transportant du combustible irradié, un flux de radiation gamma nettement supérieur à la normale. Le débit de dose gamma neutrons était plus de 500 fois supérieur au niveau naturel, à 1 mètre du wagon. Comme l’a régulièrement rappelé la Criirad, la réglementation autorise ainsi la circulation, en des lieux accessibles au public, de wagons dont le niveau de radiation au contact peut être si importante, qu’en seulement 30 minutes de présence, un individu peut recevoir la dose maximale annuelle admissible pour le public. (Voir la note CRIIRAD N°11-20 Risques liés au transport des combustibles irradiés, Valence, 8 février 2011)

Un transport tenu secret

Malgré ces risques, les autorités ne fournissent aucune information sur ce type de transports, et taisent leur dangerosité pour les riverains, la population et les salariés concernés. Certains services de l’Etat et les collectivités et élus locaux, qui devraient être formés et avertis pour pouvoir réagir et mettre en œuvre un plan d’urgence en cas de problème, sont maintenus dans l’ignorance.

Le Réseau « Sortir du nucléaire », RNA et SUD-Rail tiennent à rappeler qu’il est conseillé aux agents et au public de se tenir éloignés d’un convoi hautement radioactif stoppé en gare, et incitent les cheminots à exercer leur droit de retrait en cas d’intervention sur ces convois.

Un transport inutile

L’industrie nucléaire produit chaque année des tonnes de déchets dont on ne sait que faire (1 200 tonnes par an, uniquement pour la France). Certains pays étrangers, dont l’Italie, envoient le combustible usé issu de leurs centrales à l’usine AREVA de La Hague pour qu’il y soit “traité“ : l’Hexagone est ainsi régulièrement traversé par ces déchets.

Pourtant, loin d’être une solution, le “traitement“ des déchets engendre des risques et des transports supplémentaires. Il contamine de manière irréversible la pointe du Cotentin en rejetant des effluents chimiques et radioactifs dans l’eau et l’environnement. Il est de surcroît inutile : le traitement à l’usine de La Hague ne diminue pas la radioactivité des déchets, mais il augmente au contraire leur volume. Ainsi, pour une tonne de matière retraitée, environ 65 m3 de déchets sont produits.

Un transport illégal ?

Ces transports de déchets italiens ont été autorisés par un accord entre les gouvernements français et italien. Cet accord a été signé le 24 novembre 2006 et ratifié par le décret n° 2007-742 du 7 mai 2007.
Dans le cadre d’un contrat conclu entre AREVA et la société italienne SOGIN (Société de gestion des installations nucléaires), AREVA doit traiter à l’usine de La Hague 220 tonnes de combustibles à base d’uranium et 15 tonnes de combustibles MOX (oxydes mixtes d’uranium et de plutonium) issus des réacteurs italiens en démantèlement.

Or, les délais de retour en Italie (entre 2020 et 2025) de ces déchets ne semblent pas justifiés techniquement, alors que cette justification est un des critères imposés par la réglementation en vigueur. L’ASN, dans une note d’information du 18 décembre 2007(5), avait d’ailleurs tenu « à rappeler publiquement ses réserves » sur la légalité de cet accord.

Pour le réseau « Sortir du nucléaire », la Rete Nazionale Antinucleare et le syndicat SUD-Rail : le nucléaire ne peut être ni propre, ni sûr, et il n’existe aucune solution viable et pérenne pour ses déchets. (3)

RÉFÉRENCES

1. « Train de plaisir », film réalisé par Léo Joannon (1935). Scénario et dialogues de Yves Mirande. Co-scénariste L.C. Marsoudet. Directeurs de la photographie Robert Lefebvre et Georges Lucas. Musique de Casimir Oberfeld, Vincent Telly et Pierre Bayle. Avec Marguerite Moreno, Saturnin Fabre, Junie Astor, Pauline Carton, Paul Demange, Jeanne Fusier-Gir, Félix Oudart, José Noguéro, Madeleine Guitty, Raymond Cordy, Paul Barge, Frédéric Duvallès, Yvonne Yma, Germaine Roger, Robert Seller, Louis Baron Fils, Georges Bever, Paul Asselin, Paul Clerget, Marcelle Yrven, Emile Saulieu, Germaine Brière, Paul Grail, Jeanne Remy.
Résumé. Un chef de rayon, Biscoton, a invite une petite vendeuse, Marguerite, a passer une journée au bord de la mer. Elle accepte parce que son fiancé prend le même train et qu’il ne peut lui offrir le billet. Pour sa femme, Biscoton invente la mort d’une tante et c’est en grand deuil et muni d’une couronne mortuaire qu’il entreprend ce voyage.
Heureuse époque où Biscoton et de Marguerite ne risquaient pas de croiser un train radioactif !
2. AREVA, « Transport de combustibles usés d’Italie vers la France », 2011, 5 pages.
3. www.groupes.sortirdunucleaire.org

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