Saint-Gilles-Croix-de-Vie. « Qu’est-ce qu’un « pays » dans l’Ouest de la France au XVIIIe et au XIXe siècle ? ». Conférence d’Yves Durand

Pays de Vie, Pays de Riez, Pays de Monts, Pays des Olonnes… tout le monde parle aujourd’hui des pays. Ils sont les « images de marque » des collectivités locales et des acteurs économiques. S’agit-il d’inventions récentes ? Quels sont les fondements sur lesquels ces entités se sont constituées ?

Ce sont ces questions que le recteur Yves DURAND, professeur d’histoire à la Sorbonne, a traité au cours de la conférence qu’il a donnée le 9 août 1990 sur « Vivre au Pays dans l’Ouest de la France au XVIIIe siècle et au XIXe siècle », à l’invitation de la Société des Amis de Saint-Gilles-Croix-de-Vie et du Groupe de recherche sur le marais Breton-Vendéen.

Bernard MÉRIGOT

Yves DURAND
«Qu’est-ce qu’un « pays » dans l’Ouest de la France au XVIIIe et au XIXe siècle ?»
Conférence organisée par la Société des Amis de Saint-Gilles-Croix-de-Vie
et le Groupe de recherche sur le Marais Breton Vendéen
le 9 août 1990
©   BM /GRMBV / CAD

LE POIDS DU PASSÉ

Comment vit-on en France à la veille de la Révolution ? Les habitants du Bas-Poitou (qui deviendront les Vendéens à partir de 1793) sont en très grande partie des ruraux vivant dans une France de 30 000 000 d’habitants. Comme tous les Français, ils naissent, se marient et meurent au même endroit. Leur espace de connaissance correspond à un territoire qui est un peu plus vaste que la paroisse. C’est ce que l’on appelle un « pays », une sorte de micro-région dont la taille est variable et qui correspond à un ou plusieurs cantons actuels.

Pour se représenter les cadres de la vie de la société traditionnelle, il faut imaginer des paysages différents de ceux d’aujourd’hui, alors que les chemins creux du bocage ont disparu et que des routes traversent les marais. Au XVIIIe et encore au XIXe siècle la perception de l’espace n’est pas géométrique comme aujourd’hui. Celle-ci dépend du temps de déplacement d’un point à un autre, essentiellement à pied, et plus rarement à cheval. Les ponts sont rares et on ne peut franchir les cours d’eau qu’à gué ou grâce à un passeur en barque. Une rivière en crue devient un obstacle infranchissable.

Vivre au pays au XVIIIe siècle.
Essai sur la notion de pays dans l’Ouest de la France,
de Yves DURAND (PUF, 1981). Préface de Pierre CHAUNU

IMBRICATIONS ET CHEVAUCHEMENTS DE TERRITOIRES

Les Vendéens du XVIIIe siècle vivent dans des cadres administratifs qui se superposent : Parlement (Cour de justice), Généralité (Finances), Gouvernement (Armée), Évêché… Les paysans connaissent d’une façon globale l’imbrication et les chevauchements de toutes ces juridictions. Mais par-delà leur complexité, ce qu’ils vivent au quotidien, c’est le partage d’une même identité territoriale. Le « pays » est défini en 1771 par le Dictionnaire de TREVOUX,  publié en 1771, de la façon suivante :  « patrie, lieu où l’on est né ».

Au XVIIIe siècle, les deux tiers des Français parlent patois. Le français de Versailles est une langue minoritaire. Comme le souligne Yves DURAND : « Se sentir du pays, c’est savoir les lieux-dits, le nom de ceux qui les habitent, connaître la généalogie des différentes familles, de la famille du seigneur, savoir le nom local des objets, des unités de mesure, des costumes, de l’habitat, du mobilier, des usages locaux ».


«Qu’est-ce qu’un « pays » dans l’Ouest de la France au XVIIIe et au XIXe siècle ?»

Vendée matin, 21 août 1990
Archives du Groupe de Recherche sur le Marais Breton Vendéen / CAD

LES PAYS ET SES RACINES

Yves DURAND insiste sur le rôle rempli par les subdélégués des intendants. Ils étaient établis au XVIIIe siècle à Challans, aux Sables-d’Olonne, à La Chataigneraie, à Pouzauges, à Fontenay-le-Comte, à Luçon… Leur territoire constituait une unité administrative relativement proche de celle des «pays». Ils ont fait partie des dispositifs qui ont contribué à créer des unités de connaissance et de reconnaissance, au sein desquelles se sont développées aussi bien les stratégies des différents pouvoirs en place, que les stratégies individuelles et collectives développées par à l’égard du pouvoir.

LA PATRIE EST UNE AMITIÉ

De nombreuses questions furent posées au professeur Yves DURAND. Est-ce que l’Europe des régions amènera la disparition progressive des pays alors que ni la centralisation progressive des pays, ni celle du Premier Empire n’ont réussi à supprimer ?

L’historien constate que les hommes ne peuvent pas vivre sans racines. Le cadre normal de la vie collective a toujours été, durant des siècles, le «pays». Yves DURAND conclut : « Les sentiments d’identité que le «pays» développe chez les hommes sont la meilleure garantie contre tous les totalitarismes, quels qu’ils soient. Parce que se retrouver au pays, c’est lutter contre les germes de mort de la société éclatée, c’est redécouvrir que la patrie est avant tout une amitié ».

Bernard MÉRIGOT

Après la conférence, le professeur Yves DURAND a dédicacé son livre Vivre au « pays » édité aux Presses universitaires de France.


Les conférences de la Société des Amis de Saint-Gilles-Croix-de-Vie
Année 1990

Format A4
©   Archives du Groupe de Recherche sur le Marais Breton Vendéen / CAD


RÉFÉRENCES

DURAND Yves, Vivre au pays au XVIIIe siècle et au XIXe siècle. Essai sur la notion de pays dans l’Ouest de la France, PUF, 1981, 340 p. Préface de Pierre CHAUNU.
MÉRIGOT Bernard,
« Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Vivre au Pays au XVIIIe siècle », Vendée matin, 9 août 1990.
Annonce de la conférence d’Yves DURAND, ancien recteur, professeur d’histoire à la Sorbonne organisée par la Société des Amis de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, « Qu’est-ce qu’un « pays » dans l’Ouest de la France au XVIIIe et au XIXe siècle ? », jeudi 9 août 1990, Salle de la Paix, 85300 SAINT-GILLES-CROIX-DE-VIE.

MÉRIGOT Bernard,
« Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Les Racines du futur. Conférence du recteur Yves Durand, professeur d’histoire à la Sorbonne ? Vivre au Pays au XVIIIe siècle et au XIXe siècle», Vendée matin, 21 août 1990.
Compte rendu de la conférence d’Yves DURAND, ancien recteur, professeur d’histoire à la Sorbonne organisée par la Société des Amis de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, « Qu’est-ce qu’un « pays » dans l’Ouest de la France au XVIIIe et au XIXe siècle ? », jeudi 9 août 1990, Salle de la Paix, 85300 SAINT-GILLES-CROIX-DE-VIE.

 

Vivre au « pays » au XVIIIe siècle,
Conférence d’Yves DURAND
Organisée le 9 août 1990 par la Société des Amis de Saint-Gilles-Croix-de-Vie
Vendée matin, 9 août 1990
Archives du Groupe de Recherche sur le Marais Breton Vendéen / CAD

Yves Durand (1932-2004), professeur d’histoire moderne à la Sorbonne-Université de Paris IV, recteur de l’Académie de Rouen et d’Aix-en-Provence, ancien conseiller pour l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche auprès du premier ministre Jacques Chirac (1986-1988).
NB. Il ne doit pas être confondu avec son homonyme Yves Durand (1929 – ), professeur d’histoire contemporaine à l’université d’Orléans.

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2014

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