Migrants et réfugiés : la politique interroge la clinique. Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique. Regards sur les terrains. Subjectivation et globalisation

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°249, lundi 22 mai 2017

Migrants, réfugiés, « sans-papiers »… La mondialisation des marchés, la violence des conflits, des guerres civiles et des détériorations des conditions économiques et climatiques qui en découlent, sont propices à des déplacements généralisés d’hommes, de femmes et d’enfants qui quittent en nombre leur pays d’origine à la recherche d’un lieu d’asile où leur survie est possible.

Le pratique de l’anthropologue repose sur plusieurs principes.

  • Le premier est celui de l’enquête. Il consiste à aller voir ce qui se passe où vivent individus et groupes.
  • Le second est celui d’une approche critique qui remet en question aussi bien les commentaires continus des médias, les répétions sans fin des réseaux sociaux, les opinions dominantes, les présupposés de ceux qui croient savoir… Elle interroge l’implicite, le non-dit, le secret des discours et des conduites.
  • Le troisième est celui de l’analyse du rapport personnel que l’enquêteur entretient avec la recherche qu’il mène.

Le Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique, Regards sur les terrains (1), s’est penché au cours de sa séance du 16 mai 2017 sur ces étrangers – à la fois si proches et si lointains de nous – que sont les migrants, à partir de trois séries de publications portant sur trois thèmes :

  • la clinique de l’exil
  • les objets des migrants
  • la nouvelle urbanité migrants/habitants.

CLINIQUE DE L’EXIL

Olivier DOUVILLE consulte le tract de présentation du numéro 43 (janvier 2017) de Psychologie clinique consacré à « Migrants, réfugiés, la politique interroge la clinique». Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique : regards sur les terrains. Subjectivation et globalisation. Fondation Maison des sciences de l’Homme (FMSH). Séance 16 mai 2017. © Photographie CAD/BM 2017.

Olivier DOUVILLE a présenté la publication du numéro spécial de la revue Psychologie clinique consacré à « Migrants, réfugiés : la politique interroge la clinique » (2) qui rassemble une série de contributions concernant la clinique de l’exil. Ce terme désigne l’ensemble des pratiques qui prennent en charge (socialement, médicalement, psychologiquement, anthropologiquement…) ceux qui sont en rupture avec leur pays d’origine, confrontés à la précarité de vie, à la souffrance psychologique, à la recherche de nouvelles appartenances.

Monique SÉLIM et Olivier DOUVILLE. Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique : regards sur les terrains. Subjectivation et globalisation. Fondation Maison des sciences de l’Homme (FMSH). Séance 16 mai 2017. © Photographie CAD/BM 2017.

L’actualité rappelle régulièrement que des hommes, des femmes et des enfants fuient les menaces de mort qui pèsent sur eux. Lorsqu’ils arrivent en France, ils découvrent que le parcours pour obtenir le statut de réfugié est complexe. Les méandres juridico-administratifs exigent de ceux qui le réclament d’être en mesure de faire la preuve de la réalité des persécutions qu’ils ont subies.

  • Comment répondre à la détresse psychique des personnes réfugiées ?
  • Comment prendre en charge la question du traumatisme des personnes en situation d’exil volontaire et de ruptures subies ?
  • Peut-on tenir compte à la fois des attentes des migrants et des injonctions des administrations  ?

Pour accueillir un « patient réfugié » il faut être cerner ses besoins en soins tant médicaux que psychologiques. Les différents symptômes dont souffrent les réfugiés doivent être interrogés. Ils définissent une nouvelle clinique. http://www.apps-psychanalyse-sociale.com

 QUELS SONT LES OBJETS DES MIGRANTS ?

Alexandra GALITZINE-LOUMPET a détaillé le programme de recherche Représentation et circulation des objets de la culture matérielle des exilés dans les nouveaux médias et construction de la figure du migrant dans l’espace public (Migrobjets).  (3) Il s’agit d’une analyse multilingue et pluridisciplinaire des images d’objets des exilés diffusés sur Internet (journaux en ligne, plateformes pour les migrants, blogs, reportages photographiques, réseaux sociaux) afin d’en mesurer les impacts en termes de construction des figures du migrant dans les pays de destination et de départ.

« Représentation et circulation des objets de la culture matérielle des exilés dans les nouveaux médias et construction de la figure du migrant dans l’espace public (Migrobjets) » par Alexandra GALITZINE-LOUMPET au Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique : regards sur les terrains. Subjectivation et globalisation. Fondation Maison des sciences de l’Homme (FMSH) lors de la séance du 16 mai 2017. © Photographie CAD/BM 2017.

LES 366 MORTS DE LAMPEDUSA

Le 3 octobre 2013 un chalutier en mauvais état, parti de Tripoli en Libye, transportant environ 500 migrants clandestins somaliens et érythréens, prend feu et fait naufrage à deux kilomètres au large de Lampedusa, île italienne proche de la Sicile. La catastrophe fait 366 morts. C’est la deuxième plus grande tragédie maritime en Méditerranée depuis le début du XXIe siècle.

Depuis cette date, la multiplication d’images d’objets abandonnés par les migrants atteste d’un pouvoir d’évocation de ce que l’on appelle « la crise migratoire ». Le programme de recherche leur porte attention sous plusieurs aspects :

  • choix de certains objets plutôt que d’autres,
  • affects et usages sociaux diversifiés qu’ils véhiculent dans les pays de départ, de transit et d’arrivée,
  • discours associés « faisant parler » ces objets.
Représentation et circulation des objets de la culture matérielle des exilés. Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique : regards sur les terrains. Subjectivation et globalisation. Fondation Maison des sciences de l’Homme (FMSH) lors de la séance du 16 mai 2017. © Photographie CAD/BM 2017.

Les objets manifestent à la fois la reconnaissance d’une communauté de biens et la différenciation des appartenances culturelles.

  • Ils contribuent à assigner une identité culturelle et sociale aux migrants.
  • Ils constituent ainsi un topos de l’exilé à la fois pérenne et régulièrement actualisé.

Le statut des objets dans la migration est toujours marqué par des dualités constitutives, qui font d’elles, tour à tour :

  • une marchandise tangible et une valeur affective,
  • une mémoire du pays d’origine (ou de passage) et un symbole d’un passage, d’un nouvel établissement,
  • un signe de l’intemporalité du fait migratoire et une icône de l’actualité la plus dramatique,
  • une trace appartenant à la sphère privée et à l’espace public,
  • un objet banal et un objet patrimonilisable.

L’objet s’inscrit dans une doxa, opinion confuse (de preuve, de vérité, de moralité, d’esthétique, d’utilité …) qui se substitue à la parole de l’exilé, opérant un transfert du sujet migrant à la propriété des choses et des corps, qu’elles soient minorés ou défunts.

En tant que signe, l’objet pallie à l’absence de relation humaine et constitue un puissant vecteur d’intégration.

En tant qu’acteur social, il révèle la condition faite à l’exilé.

Représentation et circulation des objets de la culture matérielle des exilés. Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique : regards sur les terrains. Subjectivation et globalisation. Fondation Maison des sciences de l’Homme (FMSH) lors de la séance du 16 mai 2017. © Photographie CAD/BM 2017.

Monique  SELIM et Wendjing GUO ont évoqué leur contribution portant sur  « La migration au féminin : les vêtements des femmes migrantes ». (4)

« La migration au féminin : les vêtements des femmes migrantes ».
Au centre, Wenjing GUO, à droite, Anne QUERRIEN.

Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique : regards sur les terrains. Subjectivation et globalisation. Fondation Maison des sciences de l’Homme (FMSH) lors de la séance du 16 mai 2017. © Photographie CAD/BM 2017.

MIGRANTS ET HABITANTS :
DES URBANITÉS EN CONSTRUCTION

Anne QUERRIEN a présenté le numéro de la revue Multitudes consacré à « Migrants/Habitants. Urbanités en construction ». (5) Le terme d’urbanité désignait pour les Romains la « douceur et la pureté du langage de la ville » par opposition au « langage des provinces ». Le sens moderne a évolué et aujourd’hui : il désigne d’une façon générale « tout ce qui fait une ville ». Les migrants font la ville. Grand-Synthe, commune de 23 000 habitants située près de Dunkerque (département du Nord) a accueilli à partir de 2006 un camp de 2 500 places pour des migrants en transit vers la Grande-Bretagne. Un incendie le 10 avril 2017 a conduit à son évacuation.

Aucune recherche ne peut s’abstraire de l’actualité du sujet qu’elle traite. (5)

RÉFÉRENCES

1. Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique : regards sur les terrains. Subjectivation et globalisation. Fondation Maison des sciences de l’Homme (FMSH). Séminaire Coordonné par Olivier Douville, psychanalyste, Laboratoire CRPMS Université Paris 7, Delphine Lacombe, sociologue, chargée de recherche CNRS, CESPRA, Julie Peghini, anthropologue, MCF Université Paris 8, Monique Selim, anthropologue, directrice de recherche à l’IRD. Voir ci-dessous DOCUMENT n°1 

2. « Migrants, réfugiés, la politique interroge la clinique », Psychologie clinique, n°43, 2017/1.  Numéro spécial dirigé par par Bertrand PIRET et Olivier DOUVILLE.

3. STOCKINGER Peter et GALITZINE-LOUMPET Alexandra, Représentation et circulation des objets de la culture matérielle des exilés dans les nouveaux médias et construction de la figure du migrant dans l’espace public (Migrobjets), programme de recherché financé par l‘INALCO dans le cadre de l’AAP Migrations et Altérités, mars 2016-mars 2018. Ce projet qui réunit des chercheurs du PLIDAM (INALCO), du CESSMA (UMR 245, IRD-Paris Diderot-INALCO), du LICIA (Université Catholique de l’Ouest) et du programme Non-lieux de l’exilhttp://migrobjets.hypotheses.org/category/description

4. SELIM Monique et GUO Wenjing, « La migration au féminin : les vêtements des femmes migrantes », Objet d’études, 17 avril 2017. http://migrobjets.hypotheses.org/386 Voir ci-dessous DOCUMENT n°2

5. « Migrants / Habitants : urbanités en construction », Multitudes, Revue politique, artistique, philosophique, n°64, 2016. Voir ci-dessous DOCUMENT n°3

DOCUMENT n°1

Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique :
regards sur les terrains. Subjectivation et globalisation

Le séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique : regards sur les terrains. Subjectivation et globalisation propose de repenser les dialogues et les mises à l’épreuve réciproques entre anthropologie et psychanalyse. Il s’efforce d’articuler trois lignes de questionnement :
● Clinique du terrain et terrains cliniques : des anthropologues s’interrogent sur la nature des relations interpersonnelles développées durant leurs enquêtes, le sens et les modalités de leur écoute, et, corollairement, les mobiles intimes de la parole des acteurs.
● Folie et État : une réflexion croisée, d’un côté sur les élaborations identitaires des nouvelles représentations du bien-être psychique, de l’autre, sur les instances de légitimation sur ce que serait une bonne santé psychique en termes de prévention, de diagnostic, de traitement et de leur évaluation.
● Ouvrir le débat entre anthropologie et psychanalyse de l’ordre épistémique et épistémologique.
FONDATION MAISON DES SCIENCES DE L’HOMME (MSH) et ASSOCIATION FRANÇAISE DES ANTHROPOLOGUES (AFA), Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique regards sur les terrains. Subjectivation et globalisation (Année 2016-2017),  Maison Suger, 16 rue Suger, Paris 6e. Le séminaire est coordonné par Olivier Douville, psychanalyste, Laboratoire CRPMS Université Paris 7, Delphine Lacombe, sociologue, chargée de recherche CNRS, CESPRA, Julie Peghini, anthropologue, MCF Université Paris 8, Monique Selim, anthropologue, directrice de recherche à l’IRD.
http://www.afa.msh-paris.fr/?page_id=66
La Maison Suger est un centre international de recherche, d’accueil et de coopération pour chercheurs étrangers de haut niveau. Située dans le Quartier Latin, centre historique de Paris, la Maison Suger a été créée en 1990 par la Fondation Maison des Sciences de l’Homme afin d’offrir aux chercheurs étrangers en sciences humaines et sociales devant séjourner à Paris et pendant des durées prolongées, dans le cadre de collaborations avec des équipes et des chercheurs français et étrangers, un environnement de travail et de vie adapté à leurs besoins. Elle a également pour mission de favoriser les échanges entre chercheurs de toutes disciplines et nationalités, afin de susciter et révéler de nouvelles perspectives et de nouveaux projets ou programmes de coopération scientifique.
RÉFÉRENCES
Séminaire Anthropologie, psychanalyse et politique : regards sur les terrains. Subjectivation et globalisation. 
Fondation Maison des sciences de l’Homme (FMSH). Séminaire Coordonné par Olivier Douville, psychanalyste, Laboratoire CRPMS Université Paris 7, Delphine Lacombe, sociologue, chargée de recherche CNRS, CESPRA, Julie Peghini, anthropologue, MCF Université Paris 8, Monique Selim, anthropologue, directrice de recherche à l’IRD.

DOCUMENT n°2

LA MIGRATION AU FÉMININ
LES VÊTEMENTS DES FEMMES MIGRANTES

Les hommes migrants paraissent dans les médias avoir pour principal souci de se fondre dans la masse des hommes des sociétés qu’ils traversent et de celles où ils s’installent ; leurs vêtements ont donc une allure d’universalité sans référence culturelle spécifique : chemise, tee-shirt, jean, parka, survêtement, bonnet, sac à dos, capuches etc. La culture est restée d’une certaine manière chez eux, abandonnée dans le trajet périlleux de la migration.
Il en va tout autrement pour les femmes, porteuses de leur culture d’origine, de la fonction maternelle telle qu’elle est pensée dans leur pays, de leur appartenance religieuse, en un mot véhiculant pour les hommes la singularité que ceux ci entendent voir disparaître dans leur nouvelle position .Les enfants s’ajoutent à ce « portage ».
Dans ce projet on étudiera donc les vêtements des femmes, ainsi que leurs coiffes (avec ou sans référence religieuse) ou son absence. Les manières de s’habiller dans la migration sont pour les femmes extrêmement diverses. Elles vont de la tentative d’uniformisation banalisée par le jean et le pull ou le tee-shirt selon les saisons a une grande variété de parures : robes longues à « l’africaine » ou à « l’orientale », burqua, voiles, turbans etc.
On cherchera à comprendre qui revêt quoi et dans le cadre d’une libre décision ou sous la contrainte exprimée ou tacite. Les distributions de vêtements par des organisations humanitaires dans le périple influencent inévitablement ces manières féminines de se vêtir et introduisent de nouvelles configurations. Seules ou en famille, les femmes portent dans leurs vêtements des logiques symboliques qui vont marquer les regards des médias et des populations des sociétés ou elles s’intègrent. Ces vêtements sont amenés à changer avec le statut évolutif des femmes dans la société où elles se stabilisent. Prenons pour exemple les ensembles jupes, chemisiers et turbans des femmes dans de nombreux pays africains, qui se vendent à Paris sur mesure et à des prix élevés. Le choix de porter de tels vêtements signifiera une relative réussite, après l’usage des habits uniformes donnés par les organisations humanitaires. Dans ce contexte perruques de qualités différentes, nattes etc. sont particulièrement significatives pour des groupes de femmes comme le sont la qualité et la couleur des tissus qui vont voiler les cheveux et entourer le visage.
Cette problématique du vêtement féminin comme objet mutant et plurivoque de la migration permettra de sortir des clichés culturalistes qui encombrent l’image des femmes migrantes.
RÉFÉRENCES
SELIM Monique et GUO Wenjing,
« La migration au féminin : les vêtements des femmes migrantes », Objet d’études, 17 avril 2017. http://migrobjets.hypotheses.org/386

DOCUMENT n°3

MIGRANTS / HABITANTS
URBANITÉS EN CONSTRUCTION

  • TRÉPANIER Madeleine, « Les Britanniques à Calais. La solidarité européenne à l’échelle locale dans une ville frontière », Multitudes, Revue politique, artistique, philosophique, n°64, 2016, Les Britanniques à Calais Trépanier Madeleine
    Comment fonctionnent ceux qu’on appelle les Anglais dans le camp de Calais
    ? Les volontaires internationaux ont remplacé peu à peu les touristes dans l’animation de la ville, à partir de 2013; à partir de fin 2015, la mobilisation est plus forte mais toujours peu organisée. La préoccupation est de rendre le camp plus habitable, de construire avec les migrants des lieux de vie pour les femmes et les enfants, pour les repas, pour le théâtre, pour la bibliothèque. Ces hauts lieux seront épargnés de la destruction par la justice. Mais cette nouvelle urbanité n’est pas exempte de rapports de pouvoir. L’aide britannique se restructure à partir du Hangar, hors du camp, pour pratiquer l’aide sur un mode quasi-industriel par son efficacité. Les volontaires deviennent plus distants des migrants, et leur vie se déroule plutôt hors du camp. Français et Britanniques se rejoignent cependant dans le traitement des mineurs isolés et le conseil juridique.
  • HANAPPE Cyrille, « Le site de la Linière à Grande Synthe. Camp ou quartier ? », Multitudes, Revue politique, artistique, philosophique, n°64, 2016, Le site de la Linière à Grande Synthe Hanappe Cyrille
    Le lieu de vie construit par les migrants à Grande Synthe est en cœur d’agglomération
    ; les exilés peuvent bénéficier des services de la ville et de nombreux services ont été installés par les associations. Il ne s’agit pas réellement d’un camp. Cette initiative s’inscrit dans le projet d’autonomie des villes par rapport aux États. Du point de vue architectural il s’agit d’un lieu ouvert capable de s’adapter aux arrivées et départs de population, capable de voir se développer des activités productives. C’est un quartier d’accueil et d’intégratio
  • BLANC Nathalie et CHISTOFFEL David, « Une urgence pour une autre. L’ère du sursis », Multitudes, Revue politique, artistique, philosophique, n°64, 2016, Une urgence pour une autre Blanc Nathalie et Christoffel David
    Le traitement des étrangers, migrants et demandeurs d’asile met en avant la notion d’urgence qui signifie concrètement mise en attente, à durée indéterminée. Ceux qui ont fui une situation autrement urgente sont soumis à ce qui apparaît une chronopolitique, un jeu sur l’assujettissement par les variations du temps. Les urgences propres aux migrants sont nouvelles par rapport à l’époque des migrations économiques ou contrôlées militairement, et vont augmenter avec le changement climatique. Elles ne coïncident pas nécessairement avec les urgences quantitatives et qualitatives des pays d’accueil.
  • TARRIUS Alain, « Les routes euro-méditerrannéennes discrètes de l’exode moyen-oriental, Mobilités et accueil », Multitudes, Revue politique, artistique, philosophique, n°64, 2016, Les routes euro-méditerranéennes discrètes de l’exode moyen-oriental Tarrius Alain
    Devenus indésirables dans les pays riches, des migrants ont développé de nouvelles initiatives économiques, le long de trois territoires circulatoires distincts, où ils réalisent une mondialisation entre pauvres, en s’appuyant sur les quartiers maghrébins des villes européennes traversées. La Bulgarie est une plaque tournante du troisième réseau, du fait de ses relations de longue date avec la Syrie. L’article relate l’exode d’une trentaine de Syriens étonnés de ne pas trouver suffisamment d’opportunités en Bulgarie, mais profitant tout au long de la route de l’aide de parents et amis, et tissant au fur et à mesure de nouvelles relations transnationales.
  • DEBOULET Agnès, « Le rêve mondial d’un univers urbain sans « bidonvilles. Discours, mobilisations et mythe
 », Multitudes, Revue politique, artistique, philosophique, n°64, 2016, Le rêve mondial d’un univers urbain sans « bidonvilles » Deboulet Agnès
    Près de la moitié de la croissance urbaine, due à l’exode rural et aux migrations, se fait de façon informelle dans des «
    bidonvilles». Alors qu’ils sont détruits dans les pays riches, ils sont réhabilités, «urbanisés», dans les pays du Sud, non sans déplacement des habitants comme le montre l’exemple du Maroc. Les opérations-phares cachent l’insuffisance des investissements dédiés et la poursuite des évictions, malgré les déclarations des sommets Habitat de l’ONU qui se succèdent depuis 1976. L’article souligne les inégalités de traitement entre ces quartiers selon les populations ciblées. La sécurisation foncière demandée par tous les acteurs pourrait être un préalable à la mise sur le marché ou à la mise en place d’un financement plus solidaire de l’urbain
  • CAVALIÉ Jean-Pierre, « Droits fondamentaux et hospitalité », Multitudes, Revue politique, artistique, philosophique, n°64, 2016, Droits fondamentaux et hospitalité Cavalié Jean-Pierre
    L’accueil des migrants et réfugiés montre que dire la loi n’est plus ouvrir des droits. De nouvelles attitudes sont à développer chez les militants de l’hospitalité
    : la désobéissance civile, la défense des droits premiers que sont la dignité, la circulation et l’établissement, qui sont hiérarchiquement supérieurs au droit de propriété. Il faut chercher à développer les capabilités des personnes accueillies et se soucier de l’effectivité des droits reconnus. Cela implique de chercher à développer le «bien vivre ensemble». Il n’y a pas à distinguer de motifs économiques, politiques, climatiques de migration. Les pratiques d’hospitalité qui se font jour un peu partout concernent toutes les victimes de l’exclusion sociale, y compris locales.
  • BERNARDOT Marc, COUSIN Grégoire, LEMARCHAND Arnaud, MÉSINI Béatrice, « Camps et campements. Des économies aux principes opposés », Multitudes, Revue politique, artistique, philosophique, n°64, 2016, Camp et campements Bernardot Marc, Cousin Grégoire, Lemarchand Arnaud et Mésini Béatrice
    Les camps fournissent du travail forcé aux pouvoirs qui les constituent alors que les campements autogèrent des opportunités et des hasards productifs. L’article recense plusieurs cas actuels de camps de travail forcé dans le monde et plusieurs cas historiques d’enfermement de main-d’œuvre qualifiée, utilisée dans l’économie locale. Le recours actuel à l’internement de masse pour contrôler les migrations implique des grandes entreprises et des associations qui en emportent les marchés. Dans les campements au contraire les ressources matérielles mobilisées et monétaires sont limitées mais l’installation est dépendante de ressources sociales et relationnelles suffisantes. Les frontières entre les formes camp et campement, économie formelle et économie informelle sont poreuses, comme l’illustrent quelques exemples en région Île de France.
  • BERNARDOT Marc, « Petit traité dans la langue migratoire », Multitudes, Revue politique, artistique, philosophique, n°64, 2016, Petit traité de navigation dans la langue migratoire Bernardot Marc
    La métaphore liquide s’est imposée au XIXe siècle pour décrire et représenter les mouvements migratoires. Elle conduit à les traiter de manière déshumanisante en termes de canalisation, d’endiguement ou de filtrage. En Chine également, les migrants ruraux sont évoqués comme des vagues d’illégaux flottants. Les images de l’exode des Syriens l’été 2015 mettent en scène naufrages, pluies torrentielles, flaques et quête de l’eau dans les camps. De même, la vision des camps de Calais, puis Grande Synthe, dans la boue, transforme les réfugiés en victimes indifférenciées. Maniée par les migrants la métaphore de l’eau peut-elle se retourner positivement
    ?
  • SÉBASTIEN Thiéry, « Considérant ce qui s’affirme. Sciences et politiques dissidentes du PEROU dans les camps, bidonvilles et refuges de France », Multitudes, Revue politique, artistique, philosophique, n°64, 2016, Considérant ce qui s’affirme Thiéry Sébastien
    Dans cet entretien avec Luc Gwadzinzky, Sébastien Thiery, coordonnateur du PEROU, affirme chercher au contact des migrants et des exclus les formes émergentes de la ville de demain, celle qui fera place à tous ceux qu’exclut la métropolisation. Il s’agit de déplacer le regard, d’englober migrants et habitants dans une même question. La démarche se déplace de site en site, en faisant jurisprudence à partir de chaque cas, en produisant fictions et créations avec migrants, habitants et artistes, en reconnaissant les pratiques d’hospitalité et l’immensité des ressources potentielles qu’elles mobilisent. Un programme de recherche et de formation, l’École des situations, est en préparation
  • AGIER Michel, « Nouvelles réflexions sur le lieu des Sans-État. Calais, son camp, ses migrants
 », Multitudes, Revue politique, artistique, philosophique, n°64, 2016, Nouvelles réflexions sur le lieu des Sans-État Agier Michel
    Il s’est passé dans le camp-bidonville de Calais en quelques mois des phénomènes, certes minimalistes mais bien réels, d’aménagement de l’espace, de socialisation, d’échanges avec les habitants et de politisation des occupants, qu’on retrouve en général dans les camps contemporains, mais qui ont eu lieu ici en accéléré. L’exemple de Calais permet de nouvelles réflexions sur le lieu des Sans-État aujourd’hui, sur l’édification d’un nouveau monde dans le monde, peuplé par eux et par ceux qui les accompagnent ou les visitent.
    RÉFÉRENCES
    « Migrants / Habitants : urbanités en construction », Multitudes, Revue politique, artistique, philosophique, n°64, 2016.

DOCUMENT n°4

PRÈS DE 5 000 MIGRANTS SECOURUS
EN DEUX JOURS EN MÉDITERRANÉE

« Les gardes-côtes italiens et libyens ont mené de nombreuses opérations de sauvetage au large de la Libye jeudi 25 mai 2017 et vendredi 26 mai 2017. On compte près de 5 000 migrants qui ont été secourus jeudi 18 et vendredi 19 mai en Méditerranée, au large de la Libye, au cours de nombreuses opérations organisées par les gardes-côtes italiens et libyens. Le corps sans vie d’un migrant a été repêché, ont ajouté samedi les gardes-côtes italiens. Durant les cinq premiers mois de l’année 2017, de janvier à mai, plus d’un millier de migrants sont morts en Méditerranée. On compte qu’il y a actuellement un mort pour 39 personnes secourues.
Le vendredi 26 mai 2017, plus de 2 100 personnes navigants en Méditerranée à bord de 17 embarcations qui ont été secourues. La veille, 2 900 migrants avaient été secourus : 2 300 d’entre eux, récupérés dans les eaux internationales, ont pris le chemin de l’Italie, tandis que 580 autres, restés dans les eaux libyennes, ont été reconduits en Libye.
Depuis 2016, les départs de Libye se font souvent groupés. Ainsi plus de 13 000 personnes avaient été secourues en cinq jours à la fin de mai 2016, 14 000 en quatre jours à la fin d’août, 10 800 en octobre et encore 8 500 à Pâques cette année.
Depuis le début de l’année, l’Italie a vu arriver plus de 46 000 migrants sur ses côtes, soit une hausse de plus de 30 % par rapport à la même période l’année dernière. Parallèlement, au moins 1 244 personnes ont trouvé la mort cette année au large de la Libye, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), soit un mort pour 39 personnes secourues. »
RÉFÉRENCES
« Près de 5 000 migrants secourus en deux jours en Méditerranée », 20 mai 2017, Le Monde, http://mobile.lemonde.fr/europe/article/2017/05/20/pres-de-5-000-migrants-secourus-en-deux-jours-en-mediterranee_5131114_3214.html?xtref=https://www.google.fr/

 

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°249,  lundi 22 mai 2017

 

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