Le dispositif de surveillance « Voisins vigilants »

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°235, lundi 13 février 2017

Le dispositif français « voisins vigilants » appartient à ce que l’on désigne sous le nom de « Surveillance de voisinage » (en anglais Neighbourhood watch). Il désigne une organisation qui rassemble un ensemble de personnes d’un quartier, d’une rue… qui s’associent dans le but de prévenir la délinquance, les cambriolages ainsi que les actes d’incivilité.

Ce mode de surveillance s’est surtout développé dans les pays anglo-saxons (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Australie…). Il se fonde sur une attention portée par les habitants à des faits inhabituels. Lorsqu’ils en ont connaissance, les membres de l’organisation de surveillance ont la possibilité d’alerter les services publics compétents (mairie, services de police, de gendarmerie…).

«Secours Police. Parler ici». Ces bornes téléphoniques étaient disposées par dizaines dans chaque arrondissement dans Paris. Elles étaient reliées aux commissariats de police et permettaient d’appeler « Police-Secours » en cas d’accident sur la voie publique. © Photographie CAD/BM 2017.

Le dispositif de participation citoyenne français a été créé par une circulaire du ministère de l’Intérieur du 22 juin 2011. Il a été complété par différents textes.

PRÉVENIR, EST-CE DÉNONCER ?

Le principe de la vigilance active a été critiqué par des juristes qui ont observé que la participation bénévole revêt un caractère qui s’apparenterait à un appel à la délation, et appartiendrait à ce titre à une culture de la dénonciation, plutôt qu’à celle du témoignage. Le fait de signaler des comportements « suspects », ou des faits « anormaux », se fonde sur l’existence d’un écart à la norme, à ce qui est ordinaire. C’est ce qui justifie – et légitime – toutes sortes d’interventions de prévention.

Le fait de signaler la présence d’individus se déplaçant avec des cisailles coupe-boulons à proximité d’un parking de motos, ou de pieds de biche dans une cage d’escalier, relève-t-il de la vigilance à l’égard d’actes délictueux, ou bien d’une forme de délation portant atteinte à la liberté individuelle ? Le bon sens les considère comme des comportements suspects.

ANONYMAT OU CONVIVIALITÉ ?

La question de fonds est de savoir si les personnes habitent et vivent anonymement les uns près des autres, ou bien s’ils participent à des cercles d’interconnaissances.

« Vous pourrez, grâce à la plateforme de communication sécurisée des Voisins Vigilants, partager vos dates de départ en vacances, publier des annonces, faire connaissance avec vos voisins,… Vous allez créer un cadre de vie agréable où le partage, l’entraide et la solidarité sont les valeurs essentielles qui rassemblent le voisinage ». (1)

RÉFÉRENCES

1.https://www.voisinsvigilants.org/voisin

MAILLARD Jacques de (sous la direction de), Police et population : pour des relations de confiance, Rapport, Terra Nova, 2 novembre 2016, 53 p. Contributions de Jacques de Maillard, président du groupe de travail; Adrien Maret, secrétaire scientifique du groupe de travail ; Matthieu Clouzeau , Commissaire Divisionnaire détaché en qualité de Directeur de la Prévention, de la Sécurité et de la Protection de la Ville de Paris ; Virginie Malochet, chercheure associée au Cesdip ; Lanna Hollo, Legal Officer, Open Society Justice Initiative
http://tnova.fr/system/contents/files/000/001/259/original/02112016_-_Police_et_population__pour_des_relations_de_confiance.pdf?1478074575

DOCUMENT n°1

LES CRIMES ET LES DÉLITS EN FRANCE

Les infractions pénales sont constatées :
– à la suite à une plainte déposée par une victime, un signalement, un témoignage, un délit flagrant, une dénonciation,
– à l’initiative des forces de sécurité.
« Comme tout système d’information d’origine administrative à vocation statistique, la qualité des données dépend de la qualité de la saisie des procédures par les fonctionnaires, dont la mission essentielle n’est pas statistique », note le rapport Insécurité et délinquance en 2016. (1). En outre, la transition au fil des années entre d’anciens et de nouveaux systèmes d’information a généré des discontinuités dans les séries de chiffres. Ces « ruptures statistiques », qui compliquent le travail d’analyse des évolutions.
L’exploitation statistique de l’enregistrement des crimes et délits non routiers par la police et la gendarmerie porte sur neuf catégories d’index qui sont suivis mensuellement par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) :
1. Homicides, y compris les coups et blessures volontaires suivis de mort
2. Vols avec armes (armes à feu, armes blanches ou par destination)
3. Vols violents sans arme
4. Vols sans violence contre des personnes
5. Coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus
6. Cambriolages de logement
7. Vols de véhicules automobiles ou à deux roues motorisés
8. Vols dans les véhicules
9. Vols d’accessoires de véhicules
1. MINISTÈRE DE l’INTÉRIEUR et INTERSTATS, Insécurité et délinquance en 2016 : premier bilan statistique, 2017, 123 p.

DOCUMENT n°2

VOISINS VIGILANTS : SAVIGNY-SUR-ORGE S’ENGAGE

Réuni mardi 10 juin 2014, le Conseil municipal de Savigny-sur-Orge s’est déclaré, à l’unanimité, favorable à l’entrée de la commune dans le dispositif de participation citoyenne : « voisins vigilants ». Impulsé en 2007, le dispositif s’articule autour d’une convention tripartite signée par le Maire de la commune, le Directeur Départemental de la Sécurité et de la Protection Civile et le Préfet du Département.
Intégrant un réseau de solidarité de voisinage structuré autour de référents volontaires d’une même rue ou d’un même quartier, les voisins vigilants ont pour mission d’alerter les forces de l’ordre de tout évènement suspect ou de tout fait de nature à troubler la sécurité des personnes et des biens mais également de contribuer à la diffusion des campagnes de prévention organisées par les autorités publiques.
« La municipalité s’engage avec pragmatisme, nous avons identifié une zone test dans laquelle nous déploierons le dispositif dès cet été : le quartier « Les Cherchefeuilles ». Nous ferons le point sur cette expérimentation avant d’organiser une généralisation aux sept autres zones quadrillant le territoire de la commune » précise Daniel Jaugeas, Maire adjoint délégué à la Sécurité et au Transport.
« La sécurité est l’affaire de tous, elle est un priorité municipale. Le dispositif n’a naturellement pas vocation à suppléer les missions des agents de la police nationale et de notre police municipale, ni d’assurer un niveau de vigilance comparable à celui des 19 caméras déployées sur la ville mais il constitue un levier d’action supplémentaire dont la 4ème ville du Département aurait tort de se priver » reconnait le Maire Eric MEHLHORN.
Afin de sensibiliser les habitants du quartier « Les Cherchefeuilles » (périmètre délimité par l’avenue Charles De Gaulle, le Boulevard Aristide Briand, la rue de Champagne et l’avenue Carnot) et de prendre acte de la candidature de citoyens volontaires intéressés, la municipalité organise, en partenariat avec le Commissariat de ville, une réunion d’information mercredi 25 juin 2014 à 19h, salle des Mariages en Mairie.
Inscriptions par mail sur : lemaire@savigny.org
COMMUNE DE SAVIGNY-SUR-ORGE, « Voisins Vigilants : Savigny-sur-Orge s’engage ! », http://www.savigny.org/spip.php?article1561

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°235, 13 février 2017

Commentaire du 12 juillet 2017
Dans la commune de Savigny-sur-Orge (Essonne), la mairie a apposé des panneaux « Voisins vigilants ». Un habitant publie sur son blog la lettre qu’il a écrit au maire de la commune. Il remet en cause à la fois la pose de panneaux et le principe la conception même des « Voisins vigilants ».

D’UNE DÉRIVE DES VOISINS VIGILANTS
Savigny-sur-Orge, le 11 juillet 2017
Monsieur le maire,
Avez-vous donné, et si oui, sur la base de quels fondements juridiques, des autorisations d’installation de panneaux « Voisins vigilants » à même les panneaux de rue ?
Après les étiquettes similaires sur les boîtes aux lettres qui indiquent « 
Je surveille mes voisins », ou « Je suis surveillé », (350 ans de conquête de libertés pour en arriver là…) qui marquent la mort du contrat social parce que les Saviniens ne croient donc plus dans les services publics (Police, école, santé…), ce en quoi vous les y avez bien aidés,
Je trouve que Savigny commence de plus en plus à ressembler à l’Afrique du Sud post-Apartheid, ou à certains quartiers de grandes villes de la côte Ouest américaine. Faut-il s’attendre à voir de généraliser ce genre de panneaux, délimitant des zones surveillées et d’autres invitant au cambriolage plus facile ?
L’ancien adjoint au maire chargé du cadre de vie que vous êtes ne trouverait-il pas mieux esthétiquement d’installer ces panneaux en entrée de ville au lieu de créer des telles zones ? Après trois ans de Voisins vigilants, je vous mets au défi (un bon prétexte pour ne pas le faire) de publier les statistiques de la Police nationale et municipale pour nous présenter l’évolution des infractions et délits commis à Savigny, concomitamment à l’augmentation du nombre de policiers municipaux et à la mise en place de « Voisins vigilants ».
Et s’il vous plaît, faites enlevez ces panneaux !
Je vous prie d’agréer, Monsieur le maire, l’expression de ma considération distinguée.
RÉFÉRENCE
VAGNEUX Olivier,
« D’une dérive des voisins vigilants », 11 juillet 2017. https://oliviervagneux.wordpress.com/2017/07/11/dune-derive-des-voisins-vigilants/

Commentaire du 11 juillet 2017
Ce même habitant, publie un second texte sur le même sujet.

VOISINS VIGILANTS, SYNDROME D’UN ÉCHEC RÉPUBLICAIN
J’ai connu un temps où les voisins se parlaient entre eux, face à face, physiquement, et où les uns disaient quand ils partaient en vacances tandis que les autres vérifiaient que la maison n’était pas dégradée en leur absence. Le service allait même parfois jusqu’à prendre le courrier, ou arroser les plantes et le jardin !
Alors aujourd’hui, pourquoi avons-nous besoin d’une structure pour organiser nos relations sociales avec nos voisins ? Ce qui ne me plaît déjà pas avec Voisins vigilants est qu’il n’y a toujours aucune étude sérieuse et indépendante qui dit que cela engendre une baisse du nombre de cambriolages. Moyen en quoi, on créé une inégalité territoriale, entre les quartiers qui peuvent s’organiser, et ceux qui ne peuvent pas. Bref, on repousse juste le problème.
Et puis surtout ces dispositifs de participation citoyenne, encouragés par la Police même, justifient qu’on réduise les crédits et les effectifs de nos Polices ! Ils ne veulent plus s’occuper de surveillance, ou ils veulent des relais sur des mouvements inquiétants ou inhabituels. Ben, c’est qu’ils ne servent plus puisqu’on peut faire faire ce travail gratuitement par des citoyens.
Mais au delà de ces quelques considérations, il y a une vraie remise en cause du contrat social (1), de la confiance dans les services publics (2), et finalement de l’état de droit (3). Mais pour bien comprendre mon raisonnement, il faut raisonner autrement qu’avec le prêt-à-penser ambiant. Pourquoi y a-t-il des cambriolages ? Pourquoi une personne décide-t-elle d’aller cambrioler une autre ? Pour lui nuire ? Pour s’enrichir ? Pour lui dérober un bien qu’elle convoite ? Par maladie ?
En admettant que la volonté d’enrichissement soit la seule vraie raison des cambriolages, pourquoi moi qui gagne moins que le SMIC ne vais-je pas cambrioler à mon tour ? Salauds de civisme, d’éducation parentale et religieuse, et de peur de la Justice, qui m’en empêchent !
1. Le contrat social, porté par HOBBES, LOCKE et ROUSSEAU, fixe des conditions de vie en société :
•   on ne se cambriole pas ; parce que c’est nuisible à la société, il y a donc des lois pour punir le cambriolage.
•   la sécurité de nos biens et des personnes est déléguée à des personnes missionnées par l’État à qui l’on a confié cette mission plutôt que de nous protéger seuls comme dans l’état de nature ; mission pour laquelle on paye des impôts.
Ce faisant, avec Voisins vigilants, tout le monde remet en cause le contrat social, puisque les citoyens se réapproprient officiellement, avec le soutien des Villes et de la Police, partie de leur mission de sécurité publique…
2.  Les services publics facilitent notre vie en société.
•   Voisins vigilants marque un échec de la société dans son ensemble qui ne parvient plus à faire vivre les gens ensemble donc ne décèle plus les comportements asociaux. C’est notamment un échec de l’école et des structures éducatives.
•   Voisins vigilants est ensuite un échec de notre système de santé relativement à ceux qui cambriolent parce que ce sont des gens à problèmes

•   Voisins vigilants marque enfin un échec de la Police à qui on ne fait plus confiance pour « surveiller »
3. L’état de droit est enfin remis en cause parce que la sécurité est de moins la compétence de structures officielles, et de plus en plus déléguées à des sociétés privées, des organismes indépendants, ou bien même les citoyens.
Peu importe que ce n’en soit qu’une part, nous sommes sur une pente glissante, fortement graissée ou savonnée par les ultra-libéraux qui veulent casser le service public de sécurité. Et à partir du moment où la sécurité finira d’être redéléguée aux citoyens individuels, et finalement partagée entre policiers et citoyens, alors ce ne sera plus l’État de droit.
Voisins vigilants, ce ne sont pas seulement des citoyens qui appellent la Police s’ils constatent une chose anormale. C’est le début d’une société inégalitaire entre ceux qui auront les moyens d’être protégés et ceux qui ne pourront pas. C’est la mise en place d’une ségrégation socio-spatiale de nouvelle génération, qui ne va qu’augmenter en fonction de la diminution des moyens et des effectifs policiers, justement justifiée par la mise en place de ces systèmes qui se veulent pour l’instant complémentaires.
RÉFÉRENCES
VAGNEUX Olivier, « Voisins vigilants, syndrome d’un échec républicain »,  12 juillet 2017. https://oliviervagneux.wordpress.com/2017/07/12/voisins-vigilants-syndrome-dun-echec-republicain/

Mention du présent article : http//www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
BNF. Dépôt légal du numérique, 2017

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