Le nouveau logo de Grand Orly Seine Bièvre. Au delà de l’identité visuelle d’un territoire

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°234, lundi 6 février 2017

L’établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvre, créé le 1er janvier 2016 sous le nom d’ « EPT 12 », a présenté publiquement le 2 févier 2017 son nouveau logo. Ce que l’on appelle l’identité visuelle d’une collectivité publique ne saurait se résumer à un logotype, à un choix de caractères typographiques et à des règles de mise en page des documents qu’elle produit (papier, site, signalétique…). Elle est une partie visible – et une partie seulement – des relations d’identification complexes qui inter-réagissent entre ce qui est interne et ce qui est externe à une institution, entre de ceux qui y travaillent (dirigeants et employés – en l’occurrence élus et fonctionnaires territoriaux), de ceux qui en sont les usagers (citoyens, habitants, entreprises, touristes…).
Un logo n’est pas seulement un «reflet» d’une identité collective :
il fait partie intégrante de son identité.

Logo de l’établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvre présenté publiquement le 2 février 2017 au cours des Premières rencontres des acteurs économiques du Territoire Grand Orly Seine Bièvre au Centre de conférences de l’aéroport d’Orly Sud.  © Photo CAD / BM 2017

Un logotype, ou plus couramment « logo », est une composition figurée servant à identifier visuellement, de façon immédiate, une entreprise, une marque, une association, une institution, un produit, un service, un événement… Il vise essentiellement deux buts :

  • se faire à la fois connaître et reconnaître des publics et des clients auquel il s’adresse,
  • se différencier des autres entités d’un même secteur.

Concernant les institutions et les administrations publiques, on connait les symboles, les emblèmes officiels qui figurent sur des écus, des sceaux ou des drapeaux. Ils sont protégés par un privilège de la puissance publique sans avoir besoin d’être déposés comme une marque ou un modèle commercial.

Le logo est un objet visuel qui parle, mais aussi un objet de discours que l’on voitVoir ne veut pas dire lu, écouter ne veut pas dire entendu. Discours souvent automatique de l’institution, discours de ses acteurs et des médias, marqué par un symbolisme auto-proclamé, auto-justifié, auto-expliqué, auto-médiatisé.
Pour Michel LEPRÊTRE, président de Grand Orly Seine Bièvre, le nouveau logo du territoire est un « logo simple, typographique, donc durable, qui illustre parfaitement notre conception de la gouvernance du territoire.»

LOGOTYPE ET TERRITOIRE
QUI FABRIQUE L’AUTRE ?

« Concevoir l’identité visuelle d’une collectivité territoriale est un exercice délicat, qui résulte de recherches approfondies et d’une expertise professionnelle, pour garantir la meilleure représentation graphique de l’entité publique ». Cette pensée considère que la réalisation du logotype d’une collectivité territoriale a pour fonction de représenter son entité, comme s’il s’agissait d’exprimer une représentation préexistante. Nous pensons au contraire qu’elle est une construction, une fabrication qui façonne le territoire, pris comme objet, le modifie pour le projeter dans un ailleurs.

Michel LEPRÊTRE, président de l’EPT Grand Orly Seine Bièvre, et Richard DELL AGNOLA,  vice-président chargé de la stratégie économique lors des Rencontres des acteurs économiques organisées au Centre de conférences de l’aéroport d’Orly le 2 février 2017. ©  Photo CAD/BM 2017

« MOI-JE »
AMBITIONS ET LIMITES
DES LOGOTYPES

Le graphiste Ruedi BAUR rappelle que c’est à la fin des années 1980 que le phénomène a commencé à apparaître : une majorité de villes est progressivement passée du système cohérent des blasons – où la concurrence entre les signes restait modeste – à des logos et à des identités visuelles influencées directement par le marché économique, prescripteur et ordonnateur de compétitions – peu visibles, mais toujours vigoureuses – entre les territoires. « Chaque ville, chaque village, chaque collectivité territoriale… s’est progressivement dotée d’un « moi je » graphique » (1).

Chaque démarche de recherche et de constitution d’identité visuelle s’est faite inconsciemment, par mimétisme, à la fois en copiant les autres et en cherchant à se distinguer d’une façon radicale les autres. Pour Ruedi BAUR, par delà « la médiocrité de la grande majorité de ces signes », ceux-ci ont pour dénominateur commun d’être faits « pour ne pas cohabiter » avec les autres, alors que toutes les collectivités publiques sont contraintes de cohabiter avec les autres, à la fois parce que celles-ci constituent leur proximité et leur voisinage, mais aussi parce toutes se juxtaposent, se superposent, s’enchevêtrent, et  s’emboîtent « comme des poupées russes » pour constituer une fusion de territoires formant les cantons, les intercommunalités, les départements, les régions, la République, l’Europe et le Monde.

Le logo d’une institution ne nait pas sans raisons. Raisons explicites et raisons implicites. Raisons dites et raisons tues. Quant-est-il dans la continuité ? Quant-est-il dans la rupture ?

L’ENSEIGNEMENT DES ALTERNATIVES URBAINES

Dans le cas présent, il faut analyser la logique dans laquelle s’inscrit la démarche de création réalisation du logo de l’établissement public territorial Orly Seine Bièvre, collectivité territoriale regroupant 24 communes et 680 000 habitants, qui en a confié la réalisation à un groupe d’étudiants de l’IUT Adolphe Chérioux de l’Université de Paris Est Créteil (UPEC) situé à Vitry-sur-Seine.

Les étudiants qui ont travaillé sur le logo de Grand Orly Seine Bièvre préparent un Diplôme supérieur d’arts appliqués (DSAA de design, mention espace) intitulé Alternatives urbaines (IUT Adolphe Chérioux, Université de Paris Est Créteil, à Vitry-sur-Seine). Cette formation aborde l’émergence de nouvelles pratiques professionnelles dans les domaines de l’architecture, de la scénographie et du paysage. Elle s’appuie sur les dynamiques pratiques et intellectuelles qui animent aujourd’hui nombre de collectifs et de chercheurs travaillant de manière prospective à la transformation des paysages urbains.

Présentation du logo de l’établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvre par les étudiants de l’IUT Adolphe Cherioux de l’Université de Paris Est Créteil (UPEC) situé à Vitry-sur-Seine, Centre de conférences de l’aéroport dOrly Sud, 2 février 2017. © Photo CAD / BM 2017

Les étudiants sont amenés à développer concrètement dans leurs projets d’étude des dispositifs et des processus :

  • interrogeant les modes de vie urbains actuels
  • proposant des alternatives répondant aux attentes de convivialité, d’équité sociale, de sobriété énergétique, de réservation et de restauration de la biodiversité.

Le diplôme supérieur d’arts appliqués forme des professionnels capables de concevoir et de coordonner la réalisation de projets en fonction de contraintes esthétiques, techniques, sociales et écologiques. Leurs titulaires ayant vocation à intégrer des collectifs artistiques, des agences d’architecture, d’urbanisme ou de paysage aussi bien que des studios de design ou des collectivités territoriales publiques.

Il fonctionne comme un bureau d’études pluridisciplinaire autour d’un atelier de projet, organisé sous forme de séminaires, de conférences, de workshops et de périodes de stages. Ses principaux enseignements comprennent :

  • Pôle Culture : Humanités modernes, Langue vivante étrangère
  • Pôle Recherche et création en arts visuels : Culture technique, Pratiques plastiques
  • Pôle Recherche et création en design : Atelier de projet, d’expérimentation et de recherches,
  • Stage en milieu professionnel.
Logo de l’établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvre. Variations. Présentation au Centre de conférences de l’aéroport d’Orly Sud, 2 février 2017.  © Photo CAD / BM 2017

UN ÉCLATEMENT QUI RASSEMBLE ?

Que voit-on ? Une dissociation, un éclatement.  Un logo qui privilégie « la lettre », au total 44 lettres : les 20 lettres qui forment les 4 noms «Grand Orly, Seine, Bièvre», auxquels s’ajoutent les 24 initiales des noms de chacune des communes. Un alphabet.

Un constat : des lettres éparses. Une question : des noms, des mots à composer.

Un territoire est-il un lieu matériel, ou bien un langage à créer et une parole à constituer ?

Le logo du Grand Orly Seine Bièvre est sur le sac :  il monte les marches.
Présentation publique du 2 février 2017

RÉFÉRENCES

1. BAUR Ruedi, « Quel langage visuel pour une collectivité territoriale ? », Étapes, 1er avril 2015. http://etapes.com/ruedi-baur-quel-langage-visuel-pour-une-collectivite-territoriale

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°234, lundi 6 février 2017

Mention du présent article : http//www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
BNF. Dépôt légal du numérique, 2017

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