Élections départementales 2015. A la recherche des campagnes électorales perdues

LA LETTRE DU LUNDI DE MIEUX ABORDER L’AVENIR, n°136, lundi 23 mars 2015

Il y a de moins en moins de campagnes électorales sereines. On les rencontre dans les collectivités d’interconnaissance et de partage. En revanche, il y a de plus en plus de campagnes électorales conflictuelles, parce que la multiplication des rivalités autour de la « chose publique » ne touche pas seulement les programmes électoraux. Elle touche tous les projets et toutes les décisions des collectivités territoriales, des administrations, des services publics…

DE PLUS EN PLUS DE
CAMPAGNES ÉLECTORALES CONFLICTUELLES

Cette situation est-elle normale ? Oui, lorsque l’on considère le décalage qui existe entre les attentes citoyennes et les dispositifs de concertation. Ces derniers peuvent en effet soit être totalement absents, soit être insuffisants, ou pire, être manipulateurs.

Cette situation peut-elle être changée ? Oui, si on suit les trois principes que Catherine FORET énonce : lucidité, élasticité, pragmatisme. (1)

1. LA LUCIDITÉ

Il faut prendre la mesure du changement qui travaille en profondeur les « sociétés d’individus ». Il faut aussi admettre que les formes d’action collective (spontanées, ou issues de la base…) sont en phase avec notre temps : les citoyens sont de plus en plus autonomes. De plus les outils numériques leur fournissent « des ressources considérables de publicisation et d’échanges de points de vue. » comme le note Hélène HATZFELD. (2)

LES MOBILISATIONS
SONT DES FORMES D’EXPRESSION POLITIQUES

Tous les pouvoirs publics doivent, de plus en plus, « faire avec l’imprévisible », et considérer les mobilisations comme des modes d’expression politique. Ils ne sont acceptables qu’a la condition d’être respectueux. Cela implique de « déchirer le voile de la non-représentativité » prêtée à certains groupes de citoyens, comme le préconisait Michel ANSELME dans un texte toujours d’actualité. (3)

Mener un « travail de repérage du vif », et être « attentif aux groupes en ascension » : telle est la condition pour voir apparaître des collectifs puisant leurs forces à l’intérieur des groupes de la société, comme par exemple, de nouveaux porte-parole de la vie de quartiers.

La lucidité consiste à voir le conflit comme un événement normal de la vie collective, pouvant contribuer à l’invention de nouvelles normes communes : toute mobilisation conflictuelle doit produire des effets sur l’action publique.

LES VERTUS CONSTRUCTIVES DES CONFLITS

2. L’ÉLASTICITÉ

Georges SIMMEL mettait en avant les vertus constructives des conflits. (4) Il expliquait au début du XXe siècle que des forces de dissociation et des forces d’unification sont toujours à l’oeuvre dans les situations antagoniques. Et il insistait sur l’importance de « l’élasticité de la forme sociale » qui permet à des institutions de résister aux risques de rupture que l’expression des dissidences fait courir.

Une collectivité ou une organisation rigide ou dogmatique ne parvient jamais à s’ouvrir aux innovations. Alors qu’une société fluide y parvient. Dans ce domaine, les travaux en sciences humaines et en sciences sociales sur les activités de négociation, de conciliation ou de recherche de compromis sont précieuses.

3. LE PRAGMATISME

La remise en question de plus en plus fréquente, par des citoyens, des pouvoirs en place qui refusent de communiquer des informations publiques, et celle de la légitimité des savoirs techniques confisqués, les conduisent à exiger que les collectivités locales et les administrations publiques manifestent une ouverture. Et qu’elles se donnent les moyens de tirer les enseignements des épreuves que subissent en permanence leurs projets, grâce à des processus fondés sur l’expérience.

APPRENDRE PAR LES EXPÉRIENCES

« Il faut (…) imaginer un pouvoir nouveau, qui ne se définisse ni par son savoir, ni par son aptitude à trancher, mais par sa capacité à suivre les expériences en cours et à estimer la qualité de leur apprentissage ».

Une mauvaise expérience n’est pas celle qui échoue, mais celle dont on n’apprend rien pour la suivante.

Une bonne expérience, à l’inverse, est celle dont les épreuves viennent très tôt mettre en péril les évidences qui servent à définir un projet.

Catherine FORET conclut qu’ « il faut considérer les situations conflictuelles, auxquelles l’action publique se trouve confrontée, comme des épreuves collectives ». Ce qui doit aboutir à « accueillir les initiatives et les savoirs citoyens dans l’élaboration des politiques publiques ».

RÉFERENCES
1. FORET Catherine,
« Conflictualité et dynamique démocratique : l’action publique au défi des mobilisations collectives », Revue M3, janvier 2014.
2. HATZFELD Hélène
, « Les légitimités ordinaires. Au nom de quoi devrions-nous nous taire ? » L’Harmattan-ADELS 2011.
3. ANSELME Michel,
« Institutions, associations d’habitants et espace public : la représentativité introuvable », Du bruit à la parole, La scène politique des cités, Éditions de l’Aube, 2000.
4. LATOUR Bruno,
Préface in : LOLIVE Jacques, Les contestations du TGV Méditerranée, Paris, L’Harmattan.
5. SIMMEL Georges,
Le conflit, Circé poche, 2003.

La Lettre du lundi de Mieux Aborder l’Avenir
n°136, lundi 23 mars  2015

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2015

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