Savigny-sur-Orge. Qu’est-ce que le bilan d’un maire sortant ? (Laurence Spicher-Bernier)

OBSERVATOIRE DES ÉLECTIONS MUNICIPALES 2014

« Oui nous l’avons fait ! »
Laurence SPICHER-BERNIER, maire de Savigny-sur-Orge
Journal de propagande électorale, 27 février 2014, p.1

Jeudi 27 février 2014. Ce matin, il pleut sur Savigny-sur-Orge. Ce n’est pas cela qui arrête les distributeurs du journal électoral de Laurence SPICHER-BERNIER qui font la tournée des boîtes à lettres de la commune. « Une nouvelle perturbation pluvieuse traverse l’Ile-de-France toute la matinée » annonçait ce matin le journal Le Parisien Essonne matin. A cause de la pluie, le papier glacé de la brochure est mouillé. Qu’importe ? Rien n’arrête la marche de la démocratie. Une boîte à lettre, et hop ! Une brochure. C’est sûr, les distributeurs de tracts politiques constituent une perturbation pour la vie paisible des boîtes à lettres.

Quel est le contenu de cette publication de 12 pages ? Elle est composée de cinq chapitres auxquels sont appliqués un curieux algorithme : « Nous nous somme engagés, nous l’avons réalisé ». Il devient un opérateur qui transforme les actions passées en vérités présentes.

Cinq domaines sont analysés :

  •  1. Un soutien pour toutes les générations : pour l’enseignement, pour les familles, pour la jeunesse, pour les seniors et les personnes âgées;
  • 2. Améliorer le cadre de vie pour rendre une ville agréable;
  • 3. S’épanouir à Savigny-sur-Orge pour favoriser l’accès à la culture : la culture pour tous, populaire et de qualité, le sport pour tous, à chacun son rythme, soutenir le dynamisme associatif;
  • 4. Pour bien vivre à Savigny-sur-Orge : soutenir le commerce local et promouvoir des animations, agir pour la sécurité et la tranquillité publique;
  • 5. Une gestion financière équilibrée, investie vers l’avenir : plus d’investissement, moins de recours à l’emprunt.

100% de RÉUSSITE !

« Oui, nous l’avons fait ! » titre le journal électoral. Il poursuit par « Un programme accompli à 100% : objectif réussi ». On peut constater ici que tout est dans la nuance, dans la modestie, dans l’objectivité. Question : qu’est-ce qui caractérise le discours qu’une maire sortante candidate tient pour un nouveau mandat ? La réponse est évidente : c’est un discours 100% vrai. Un discours qui ne peut pas mentir. La preuve, c’est l’expérience. Tout ce qui a été annoncé a été réalisé.

On s’interrogera néanmoins pour savoir quel est le statut de ce qui a été réalisé par rapport à ce qui n’a pas été réalisé. Et le statut de ce qui a été annoncé par rapport à ce qui n’a pas été annoncé. Ainsi n’y a-t-il pas un espace contraint empêchant que ce qui n’a pas été annoncé en 2008) ait été réalisé (entre 2008 et 2014) ?

Les 16 conseillers municipaux sortants  Savigny-sur-Orge
qui assument le bilan du mandat 2008-2014.

Élise ALOUR, Nicolas BOISIER, Augusto CLARA-SILVERIO, Maryvonne FABBRO, Corinne RAFFAELLI, Catherine LUPI, Jocelyne MAINTIER-LANG, Laurence SPICHER-BERNIER, Jean-François NAUT, Nicole MAURIZOT, Corinne POTIER, Claude NEUILLY, Gérard MONTRELAY, Alain RAKOTO-ANDRIANTSLAVO, Jean-Pierre ROTTHIER.
On notera qu’en 2008, la majorité municipale était composée de 30 élus sur un conseil de 39 conseillers municipaux.
30 -16 = 14 manquent à l’appel. Que sont-ils devenus ?
La réponse est qu’ils on rejoint l’opposition et qu’ils n’assument le bilan du mandat

La photographie nécessite un commentaire. Impression d’une photo-montage : les conseillers municipaux du second rang sont peu éclairés, sans relief. Au premier rang, trois semblent ne pas être au même niveau que les autres : Élise ALOUR, Corinne POTIER, Alain RAKOTO-ANDRIANTSILAVO. Leur visage paraît plus net, il sont éclairés différemment. Quelle est la signification de cet mise en scène ? Un favoritisme ?

UN BILAN POLITIQUE PEUT-IL EST VRAI ?

Qu’est-ce qui fait qu’un discours est vrai ou bien qu’il est politique ? Pour répondre, interrogeons-nous sur ce qui constitue un discours comme politique dans l’espace public, tel que l’ont défini notamment Emmanuel KANT, Hannah ARENDT et Jürgens HABERMAS : « processus au cours duquel le public, constitué d’individus faisant usage de leur raison, s’approprie la sphère publique contrôlée par l’autorité et la transforme en une sphère où la critique s’exerce contre le pouvoir de l’État. »

Pour Jürgens HABERMAS, l’espace public du XVIIIe siècle qui était « gouverné par la raison » est de plus en plus en déclin, puisque la publicité critique laisse peu à peu la place à une publicité « de démonstration et de manipulation », au service d’intérêts privés. Aujourd’hui, la démocratie délibérative, aussi bien que la démocratie participative, sont obligées de composer avec un débat commandé par des intérêts particuliers. Et en période électorale par celui du maire sortant, candidat à sa réélection.

L’EFFACEMENT ÉNONCIATIF

La question n’est pas ici de savoir si ce qui est dit est vrai ou faux, mais si ce qui est dit produit ou non un effet de vérité. (2) Il faudrait faire l’histoire des lentes et difficiles prises de conscience de l’entourloupe des discours politiques (la « tromperie », le « mauvais tour », que les américains nomment « Dirty Trick »). Les linguistes,  parlent d’ « effacement énonciatif » lorsqu’ils considèrent la subjectivité dans le langage complexité des mécanismes énonciatifs : 1. « l’impossibilité de l’objectivité discursive », 2. la « dynamique argumentative », 3. la manifestation graduelle de la subjectivité dans le langage. (3)

Pour Robert VION « l’effet d’objectivité » concerne la manière dont l’énonciateur agence lui-même son propre effacement énonciatif, procédé par lequel il se construire un « énonciateur universel », porteur de la raison et de l’objectivité » (4). Il associait également ce type de stratégie au discours scientifique et théorique, mais aussi au discours publicitaire, juridique ou journalistique. L’effacement énonciatif est un simulacre linguistique, 1. qui relève d’une stratégie énonciative prise dans une continuité entre la subjectivation et l’effet d’objectivité ; 2. que ce type de stratégie est propre à certains genres de discours dans lesquels le locuteur a intérêt à afficher un ethos (le caractère, la manière d’être) de neutralité et d’objectivité, 3. que cet ethos apparent dissimule souvent des effets argumentatifs plus complexes, dont les enjeux sont inter-actionnels, interprétatifs, voire éthiques. Nous reviendrons sur le fond du message. A suivre.

RÉFÉRENCES
1. SPICHER-BERNIER Laurence,
« Oui nous l’avons fait ! Un programme accompli à 100%. Objectif réussi », Agir pour vous. Bilan 2008-2014. Continuons ensemble avec Laurence Spicher-Bernier, maire de Savigny-sur-Orge, Élections municipales 23 et 30 mars 2014, A4, 11 p. Document distribué dans les boîtes à lettres de la commune le 27 février 2014.
2. PROVENZANO François,
« Effacement énonciatif et doxa dans le discours théorique : l’exemple de Julia Kristeva », Argumentation et Analyse du Discours, 2010, http://aad.revues.org/973. Consulté le 27 février 2014.
3. KERBRAT-ORECCHIONI Catherine,
L’énonciation. De la subjectivité dans le langage, 4e edition, Armand Colin, 2009.
4. VION Robert.
« Effacement énonciatif et stratégies discursives », in De Mattia, Monique et André Joly, De la syntaxe à la narratologie énonciative, Ophrys, Paris/Gap, 2001, p.331-354.

Mention du présent article http ://www.savigny-avenir.info
ISSN 2261-1819
Dépôt légal du numérique, BNF 2013

 

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