Matin de conseil municipal (Julien Gracq)

RECETTE POUR BIEN SE LEVER AVANT D’ALLER AU CONSEIL MUNICIPAL

Les séances du conseil municipal de Savigny-sur-Orge ont désormais lieu un jour de semaine, à 8 heures 30 (du matin !). Le choix de l’heure est une décision unilatérale de son maire Laurence SPICHER-BERNIER (ex UMP, Parti radical).

Réunir un conseil municipal à 8 heures 30 du matin est un cas quasi unique en France : ça embête bien tous les conseillers municipaux (ceux qui travaillent, comme les autres) ainsi que les habitants (ceux qui travaillent, comme les autres) qui veulent assister à cette séance publique.

La salle est placée sous le contrôle d’une demi-douzaine de policiers municipaux, et sous la menace, pour les conseillers municipaux et le public, de se faire expulser, des fois qu’il y en aurait qui ne seraient pas sages… Non mais ! Laurence SPICHER-BERNIER le rappelle au début de chaque séance, en lisant, elle-même, un texte incantatoire (1).

Dans ces conditions, comment bien commencer la journée avant d’aller au conseil municipal ? Le remède est simple. Il suffit, dès le réveil, de lire à haute voix, lentement, le texte de Julien GRACQ que vous trouverez ci-dessous. Essayez : l’effet d’apaisement est garanti.

UNE POUSSÉE DE FIÈVRE

Il y a dans notre vie des matins privilégiés ou l’avertissement nous parvient, où dès l’éveil résonne pour nous, à travers une flânerie désoeuvrée qui se prolonge, une note plus grave, comme on s’attarde, le cœur brouillé, à manier un à un les objets familiers de sa chambre à l’instant d’un grand départ.

Quelque chose comme une alerte lointaine se glisse jusqu’à nous dans ce vide clair du matin plus rempli de présages que de songes ; c’est peut-être le bruit d’un pas isolé sur le pavé des rues, ou le premier cri d’un oiseau parvenu faiblement à travers le dernier sommeil ; mais ce bruit de pas éveille dans l’âme une résonance de cathédrale vide, ce cri passe comme sur les espaces du large, et l’oreille se tend dans le silence sur un vide en nous qui soudain n’a plus d’écho que la mer. Notre âme s’est purgée de ses rumeurs et du brouhaha de foule qui l’habite ; une note fondamentale se réjouit en elle qui en éveille l’exacte capacité.

Dans la mesure intime de la vie qui nous est rendue, nous renaissons à notre force et à notre joie, mais parfois cette note est grave et nous surprend comme le pas d’un promeneur qui fait résonner une caverne : c’est qu’une brèche s’est ouverte pendant notre sommeil, qu’une paroi nouvelle s’est effondrée sous la poussée de nos songes, et qu’il nous faudra vivre maintenant pour de longs jours comme dans une chambre familière dont la porte battrait inopinément sur une grotte. » (2)

Julien GRACQ

RÉFÉRENCES
1. COMMUNE DE SAVIGNY-SUR-ORGE, Extrait du registre des délibérations du conseil municipal, Séance du lundi 19 novembre 2012. Compte rendu de séance. Compte rendu des débats, Délibérations, 69 p. Publication des décisions à rapporter au conseil municipal du 19 novembre 2012, 11 p. (non paginées).
« Le maire a seul la police de l’assemblée. Il peut faire expulser de l’auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l’ordre. Le droit de participer aux débats, c’est-à-dire de s’exprimer au cours de la séance sur les questions portées à l’ordre du jour et mises en discussion a toujours été reconnu au (sic) conseillers municipaux. Ce droit s’exerce sous le contrôle du maire en sa qualité de président de séance du conseil municipal en assure la direction des débats. Le maire a compétence au titre de son pouvoir de police de l’assemblée pour prendre toute mesure nécessaire pour assurer le bon déroulement matériel des débats et le bon ordre dans la salle. » (p.7)

2. GRACQ Julien,
Le Rivage des Syrthes, José Corti, 1951, p. 118. Le chapitre « Une poussée de fièvre » correspond au chapitre VI. L’exemplaire consulté est dédicacé par l’excellent écrivain, et professeur de Lettres, Ferdinand DUVIARD (1886-1965) à un de ses amis. Le texte est daté du 3 juillet 1955, « une œuvre grave et discrète, mystérieuse et secrètement passionnée ».

Je dois l’idée de cette « recette » à Jean-Joseph JULAUD (Ça ne va pas ? Manuel de poésiethérapie, Le Cherche Midi éditeur, 2001). « La poésiethérapie est peut-être un remède souverain à des maux comme la tristesse, l’impuissance, les insomnies, les rhumatismes, les allergies, la déprime, la timidité, le stress, les illusions… ». A chacun de ces « maux », Jean-Joseph JULAUD indique, comme traitement, un ou plusieurs poèmes assortis d’une posologie et de conseils. Les poèmes sont des remèdes.

Mention du présent article : http//www.savigny-avenir.info/ISSN 2261-1819

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