Les droits constitutionnels des membres des conseils municipaux

CHRONIQUE SUR L’EXERCICE DES DROITS CONSTITUTIONNELS

Tous les conseillers municipaux, dans l’exercice de leur mandat, disposent de droits. Ceux-ci peuvent s’exercer notamment lors des séances du conseil municipal durant les débats et les votes des délibérations. Il s’agit des « motions de procédure ». Ce terme désigne traditionnellement, pour les assemblées délibérantes, 1. l’exception d’irrecevabilité, 2. la question préalable, 3. la motion de renvoi. Elles peuvent être discutées avant l’examen des articles d’un texte qui est soumis au vote. L’adoption d’une motion de procédure entraîne la fin de l’examen du texte auquel elles ont été opposées. Nous examinerons successivement :

  • 1. le droit d’amendement,
  • 2. la question préalable,
  • 3. l’exception d’irrecevabilité,
  • 4. la motion de renvoi,
  • 5. les vraies pratiques démocratiques.

1. LE DROIT D’AMENDEMENT

Depuis la Révolution française, le droit d’amendement des parlementaires est considéré comme un principe constitutionnel. Il consiste à pouvoir modifier le texte qui est soumis à l’examen d’une l’assemblée délibérante. Les droits des élus locaux sont calqués sur ceux des parlementaires.

La jurisprudence consacre l’effectivité du droit d’amendement des conseillers généraux et municipaux sur les délibérations qui sont soumises au vote. Les juridictions administratives peuvent annuler une délibération pour l’illégalité de la procédure délibérative du fait du non respect du droit d’amendement. (1)

Si le règlement intérieur voté par la collectivité territoriale ne mentionne pas l’existence de motions de procédure, ou propose des dispositions restrictives, la possibilité pour tout membre de recourir aux amendements s’exerce de droit. Un maire ne peut pas refuser d’examiner un amendement déposé par son opposition sans prendre le risque d’entacher d’illégalité sa délibération.

Un amendement consiste à insérer une modification dans le corps de la délibération proposée à l’assemblée délibérante. Il doit être rédigé, motivé, signé et déposé auprès de l’exécutif local. C’est pourquoi il est impératif que tous les membres du conseil municipal soient destinataires, non seulement des notes de synthèse des projets de délibération, mais surtout, des textes des projets des délibérations.

L’amendement peut supprimer une partie, un mot ou un article de la délibération. Il peut également ajouter des précisions ou des dispositions qui ne sont pas contenues dans la délibération, ou simplement substituer ou modifier des dispositions contenues dans la délibération.

L’assemblée examine l’amendement préalablement au vote de l’article ou de la délibération auquel il se rattache et le soumet au vote de l’assemblée. Le conseiller qui le dépose (ou les conseillers qui le déposent) a droit (ou ont droit) de le défendre oralement.

2. LA QUESTION PRÉALABLE

La question préalable permet d’interroger l’exécutif avant l’examen d’une délibération ou d’un article pour démontrer qu’il n’y a pas lieu à débattre le texte proposé. Elle est déposée par écrit et est défendue par son auteur avant l’examen de la délibération ou l’article de rattachement.

La question préalable est soumise au vote de l’assemblée. Son adoption entraîne le non examen de la délibération ou de l’article par l’assemblée délibérante.

3. L’EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ

L’exception d’irrecevabilité vise à démontrer le caractère illégal de tout ou partie d’une délibération soumise à l’examen et au vote de l’assemblée. Son adoption entraîne le rejet de la délibération.

Soulever une exception d’irrecevabilité permet d’étayer éventuellement un recours devant le tribunal administratif.

L’illégalité porte sur le respect des textes en vigueur s’appliquant à la collectivité concernant l’objet de la délibération. (Par exemple : montrer qu’une commune ne respecte pas le code de l’urbanisme, ou son PLU, dans une délibération créant une ZAC)

L’exception d’irrecevabilité est rédigée par écrit, déposée, défendue par son auteur et votée par l’assemblée délibérante.

4. LA MOTION DE RENVOI

La motion de renvoi permet de renvoyer tout ou partie du texte examiner à la commission compétente pour approfondir l’examen du texte. (Par exemple : si le maire s’est engagé à apporter des réponses écrites avant le conseil municipal, la motion de renvoi permet de faire examiner à nouveau la délibération par la commission compétente à défaut de réponse en temps utiles)

Elle est rédigée et déposée auprès de l’exécutif. Ses auteurs peuvent la défendre. L’adoption de la motion de renvoi entraîne l’impossibilité de voter la délibération ou des articles incriminés lors de la séance de l’assemblée délibérante.

5. POUR DE VRAIES PRATIQUES DÉMOCRATIQUES

Amendements, questions préalables, exception d’irrecevabilité et motions de renvoi, sont l’expression de la vraie nature démocratique d’une assemblée délibérante. Celle-ci ne saurait être, en aucun cas, une chambre d’enregistrement, se bornant à voter une suite de textes pré-établis. (A moins que ceux-ci ne soient le résultat de débats en commissions municipales et extra-municipales, disposant de tous les documents préparatoires, de négociations, de recherche de consensus… Ce qui est rarement le cas !)

Si les motions déposées – sauf parfois les amendements – ont des chances limitées d’être adoptées, (les oppositions, minoritaires devant devenir majoritaires) lors du vote, elles sont importantes parce que :

1. Elles contraignent les élus d’opposition à travailler davantage au fond les délibérations.
2. Elles permettent aux élus d’opposition de prendre la parole, rompant le rythme de «chambre d’enregistrement» joué souvent par les conseils municipaux  sous la présidence de certains maires. Pendant la présentation des amendements, la majorité est obligée d’écouter la (ou les) oppositions.
3. Elles permettent de faire valoir auprès de la population la compétence des élus d’opposition et de valoriser ensuite dans la communication locale, le travail accompli, pour le débat démocratique. Ils y gagnent en crédibilité, devenant une force de proposition.
4. Elles permettent de faire vraiment de la politique (politique :  de politikos, relatif à la cité) en sortant des débats incantatoires d’attaques personnelles de la majorité, du genre «ce n’est pas vous qui allez m’apprendre ce que je dois faire…». Et pourquoi pas ? Vivre ensemble, c’est écouter l’autre.
5. Elles permettent enfin de faire valoir les propositions émanant de l’opposition. Par exemple, un amendement proposant la baisse des crédits de communication ou une diminution de certaines dépenses sont toujours bien vus par la population.

L’exercice des droits constitutionnels des membres des assemblées délibérantes sont la garantie de leur fonctionnement démocratique. Des maires refusant d’accorder à un membre de leur conseil municipal l’application de la loi prennent le risque, sous le regard public, c’est-à-dire des citoyens – avec toutes les conséquences qui en découlent – que leur attitude soit sévèrement jugée. N’oublions pas qu’en démocratie, toute minorités est appelée, par définition, à succéder aux majorités en place.

Bernard MÉRIGOT

RÉFÉRENCES
1. Cours administrative d’appel de Paris n° 96PA01170 du 12 février 1998. Cours administrative d’appel de Versailles n° 05VE01393 du 6 juillet 2006.

© La Lettre de Bernard Mérigot, 2011

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