Le bon sens contre l’autoritarisme municipal (Tocqueville et Dewey)

CHRONIQUE DU BON SENS EN POLITIQUE

LE « BONAPARTISME SOFT » MUNICIPAL

Il existe chez certains maires une forme d’autoritarisme, d’autocratisme, d’impérialisme. Certains auteurs on parlé de « bonapartisme soft » (1), voire de « stalinisme municipal ». Cette dérive consiste pour eux à centraliser dans leurs mains toutes les décisions et à réduire le rôle du conseil municipal – soigneusement tenus à l’écart des informations et des dossiers – à celui d’une simple chambre d’enregistrement.

Or, un maire n’est pas à l’abri de l’erreur. Erreur  dont ses opposants auraient tort de se réjouir, car une erreur dans la gestion d’une collectivité locale n’est pas seulement l’erreur d’une personne (le maire), ou d’une majorité. C’est – qu’on le veille ou non – une erreur qui produit des effets à l’égard de l’ensemble de la collectivité.

Alors, comment un maire peut-il éviter l’irrévocable ?

  • en tournant le dos à la pratique d’actes tranchés par un seul (ou une seule) élu(e),
  • en proposant des débats éclairés aux membres du conseil municipal,
  • en ayant recours à l’expertise citoyenne des habitants.

LE BONS SENS CONTRE L’AUTORITÉ

L’autorité parle : « Vous agirez comme je voudrai, autant que je voudrai, et précisément, dans le sens que je voudrai. Vous vous chargerez de détails sans aspirer à diriger l’ensemble ; vous travaillerez dans les ténèbres, et vous jugerez plus tard mon oeuvre par ses résultats. » (2)

Le bon sens lui répond : « Vous agirez dans les limites du mandat pour lequel je vous ai élu. Votre vouloir n’existe que par le pouvoir que je vous autorise à exercer. Je n’ai pas envie de m’occuper que des détails. Moi aussi j’ai un avis sur l’ensemble. Et puis je n’aime pas travailler dans les ténèbres. C’est tout de suite que je veux juger votre oeuvre.»

L’IMPÉRATIF DÉLIBÉRATIF MUNICIPAL

Comment, dans une commune, les décisions sont-elles prises par le conseil municipal ? La réponse est donnée par le Code général des collectivités locales (3).

  • « Article L 1111-1. Les communes, les départements et les régions s’administrent librement par des conseils élus. »
  • « Article L 1111-2. Les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence. »

Ces deux principes posés, on constate que la loi et les textes réglementaires, qui fixent des principes, n’apportent pas – ou très peu – de procédures de régulation du mode de gouvernance : ils autorisent des pratiques aussi bien très autoritaires que très libérales.

Or, aucune décision valable – et durable – ne peut-être prise sans avoir été précédée par la recherche d’un consensus, le plus large possible.

Tous les observateurs et les acteurs de la vie locale remarquent qu’il y a une nécessité urgente de revitaliser la démocratie, en posant eux exigences : celle d’un « impératif délibératif » et celle d’un « impératif participatif », s’appuyant donc sur le rôle et le pouvoir dévolus à l’expertise citoyenne, comme l’exprimait le philosophe pragmatiste John DEWEY, c’est-à-dire sur « une citoyenneté active et informée » et sur « la formation d’un public actif, capable de déployer une capacité d’enquête et de rechercher lui-même une solution adaptée à ses problèmes » (4).

RÉFÉRENCES
1. LOSURDO Domenico, Démocratie ou bonapartisme ? Triomphe et décadence du suffrage universel, Paris, Le Temps des cerises, 2003, p.91.
2. TOCQUEVILLE Alexis de, De la démocratie en Amérique,
3. Code général des collectivités territoriales (CGCT), Dalloz, 2011, Article L 1111-1, Article L 1111-2.
4. DEWEY John, Le public et ses problèmes, Paris, Publication de l’Université de Pau, 2003.

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