Du bon usage de la « voix prépondérante »

L’IMPARTIALITÉ DES PRÉSIDENTS D’ASSEMBLÉES DÉLIBÉRANTES

Un conseil municipal est ce que l’on appelle une « assemblée délibérante ». Le recours à la voix prépondérante de celui (ou celle) qui préside une assemblée délibérante est-il juste ?
Vous avez raison de poser la question. La « voix prépondérante » est la voix décisive que possède le président d’une assemblée délibérante qui lui permet d’imposer son avis dans le cas d’égalité des voix. A ce sujet, je viens de rencontrer un ami canadien, professeur de droit, qui me rappelait qu’au Canada, à la Chambre des communes, la confiance des membres de l’assemblée était fondée sur l’impartialité de son président.

DES LECONS DE DÉMOCRATIE

Pourtant, le président de la Chambre canadienne dispose de la voix prépondérante ?
Oui, mais il ne participe pas au débat. Il ne vote pas. Il n’intervient qu’en tant qu’arbitre en cas d’égalité des voix. Dans la conception canadienne (inspirée par le droit anglo-saxon), un président ne doit pas se placer dans une situation partisane. Lorsqu’une question ne trouve pas de majorité, le président doit la laisser ouverte pour un examen ultérieur afin de permettre à la Chambre de poursuivre la discussion. Et lorsqu’une discussion plus approfondie n’est pas possible, il doit tenir compte du fait que la question pourrait être de nouveau soulevée ultérieurement et tranchée par une majorité des voix de la Chambre. Autant de leçons de démocratie à méditer…

L’AUTORITARISME CONTRE LA LIBERTÉ

Que peut-on retenir de cet exemple pour l’exercice de la démocratie locale ?
La leçon est simple : « un libre débat, un vote libre ». Il est indéniable que, depuis de longues années, la gouvernance pratiquée par les maires – si on la compare aux pratiques étrangères – est marquée par l’autoritarisme. En France, la confrontation est un mode de fonctionnement politique généralisé. Ailleurs, le respect, le débat, la concertation et la recherche du consensus dominent.

LE CONSEIL MUNICIPAL EST SOUVERAIN

Comment caractériser le comportement de certains maires ?
De trop nombreux maires se comportent en potentats locaux. « Ce comportement est encouragé par la passivité – souvent affligeante – de certains conseillers municipaux, qui, par manque de détermination, par paresse ou par incompétence, laissent le champ libre à un exécutif qui devient omnipotent », comme l’écrit le chroniqueur politique Antoine VIEILLARD. Les conseillers croient souvent qu’ils doivent leur mandat au maire. Le mode de scrutin sur liste bloquée, et la personnalisation des campagnes, le laisse croire à certains. Pourtant, la réalité est opposée. En France, le maire est élu par les conseillers municipaux. Aucune délibération ne peut être adoptée sans l’accord d’une majorité de conseillers. Ils peuvent se choisir un nouveau maire dans leur équipe. Ils peuvent même démissionner. Ce sont eux qui ont le pouvoir législatif dans la commune. « Sans le vote d’une majorité de conseillers municipaux, il n’y a plus de maire ! ». Comme l’écrit Antoine VIEILLARD : « Rappelons que dans une commune ce n’est pas le maire qui est souverain, mais le conseil municipal, au nom des habitants ».

Quelle est votre conclusion ?
La seule prépondérance démocratique qui existe n’est pas celle de la « voix prépondérante » du maire, président d’une assemblée délibérante, mais celle de la souveraineté du conseil municipal.

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