Les dérives de la démocratie municipale (Jean-Paul Delevoye)

ÉDITORIAL

« La société est en grande tension nerveuse, comme si elle était fatiguée psychiquement », telle était le constat que faisait le médiateur de la République dans son rapport annuel 2009 remis au président de la République (1). Sa réflexion, établie à partir de son expérience des litiges des citoyens avec les administrations, peut s’étendre aux membres des conseils municipaux en litige avec leurs maires.

DES EXIGENCES DÉMOCRATIQUES BAFOUÉES
Oui, les exigences démocratiques nouvelles – notamment européennes – sont quotidiennement bafouées par des maires. Oui, on voit certains maires conserver pour leur seul usage la totalité des informations dont dispose l’administration territoriale. Oui, alors que ce sont les conseils municipaux qui sont souverains, on voit des personnes seules, les maires, décider sans concertation, sans discussion, sans délibération, avant d’imposer leur volonté. Hélas, pour eux « la commune, c’est moi » a remplacé le « nous décidons ensemble ».

« JE FAIS CE QUE JE VEUX »
Est-il normal qu’en séance publique, un maire refuse la parole à des membres du conseil municipal ? Est-il normal qu’il se moque d’eux (« Vous n’y connaissez rien », « Je fais ce que je veux », « Je suis seule juge », « De toute façon, j’ai raison »…) ? Est-il normal qu’une élue, adjointe au maire en fonction, soit empêchée d’entrer dans la mairie par la police municipale sur ordre du maire de Savigny-sur-Orge, Mme. Laurence SPICHER-BERNIER ? Est-il normal que des policiers municipaux, en civil, assistent sur ordre du maire aux séances du conseil dans le public ? Est-il normal qu’un maire se permette de menacer des élus, devant un public témoin sans que, bien évidemment, ses propos ne figurent au procès-verbal du conseil ?

L’ESPRIT FONDATEUR DE LA RÉPUBLIQUE
Je ne me focalise pas sur Savigny-sur-Orge. D’autres communes du département sont loin de constituer des exemples de démocratie municipale. J’ai assisté récemment à des séances publiques de plusieurs conseils municipaux : Lisses, Dourdan, Vert-le-Petit (2)… C’est pourquoi, de nombreux conseils municipaux mettent leurs maires en minorité sur les votes budgétaires (3).
Pourquoi la démocratie municipale offre-t-elle de telles dérives ? Parce qu’il existe une réelle « fracture démocratique » chaque fois que l’on oublie le principe de partage, fondateur de la République. On ne peut pas exercer un pouvoir sans « décider avec les autres ».

1. DELEVOYE Jean-Paul, Le Monde, 13 mars 2010.
2. Le conseil des ministres du 28 juillet 2010 a dissous le conseil municipal de Vert-le-Petit (Essonne). Une délégation spéciale expédie les affaires courantes et prépare les prochaines élections municipales des 26 septembre et 3 octobre 2010.
3. Parmi les maires mis en minorité par leur conseil municipal pour le vote des taxes locales, du budget primitif ou du compte administratif, citons : Noisy-le-Sec, Saint-Arnoult-en-Yvelines, Villefranche-de-Rouergue, Dourdan, Vert-le-Petit, Savigny-sur-Orge…

La Lettre de Bernard Mérigot, 9 septembre 2010

This entry was posted in Actualités, La lettre de Bernard Mérigot. Bookmark the permalink.

Comments are closed.